Réflexions sur le conflit irano-israélien et ses implications pour la Russie
Les opérations militaires engagées par Israël et les USA contre l’Iran opposent des parties qui ont leurs raisons de considérer leurs actions comme justifiées. De part et d’autre, cela comprend conviction et mauvaise foi, communication de guerre (ie « propagande »), justifications avérées ou pas, et tentatives d’intoxiquer leur opinion interne, l’opinion internationale, voire celle de l’ennemi. L’analyste doit tenter de s’affranchir de ces biais pour s’attacher aux faits disponibles.
Préalables situationnels
Sans aborder les questions de la légitimité ni de la dangerosité pour l’équilibre du Monde, réelle, supposée ou invoquée, des parties en présence, on doit noter :
- En premier lieu, une confirmation de l’intérêt de disposer de l’arme nucléaire, que certains remettaient en cause à la lumière du conflit en Ukraine1. En effet, une telle attaque ne serait pas envisageable contre une puissance dotée, que l’on songe à la République populaire de Corée du Nord notamment2. Cela ne va pas vraiment dans le sens de limiter la prolifération.
- En second lieu, une triste confirmation que n’ont plus de valeur tangible opposable, les négociations diplomatiques, les déclarations politiques, voire les engagements juridiques3.
Cela pose le problème de fond de l’organisation de la paix mondiale par le système d’Assemblée et le régime de Droit international conventionnel adoptés en 1945 (il est vrai largement instrumentalisé par l’Occident, moins dans sa façade politique à L’ONU que par la maîtrise des nombreuses officines administratives associées). Avec l’émergence de nouveaux acteurs (Décolonisation) puis l’affaiblissement de l’opposition soviétique, on a vu se mettre en place un système d’ingérence (années 1990/2000) puis d’hégémonie (années 2000/2010). Ce qui est actuellement dénoncé comme un retour des politiques de puissance (qui sont en réalité compatibles avec une Realpolitik assurant des intérêts négociés) contre le régime du Droit, repose sur la confusion abusive entre la contestation d’une vision westphalienne et la réapparition de l’état de nature. Il s’agit d’un mouvement initié par l’hégémon occidental -empire en crise- pour reprendre en main les vassaux, contenir les rivaux. Il tente à l’échelle locale de s’opposer au principe de multipolarité, parallèlement à l’apparition de puissances moyennes reconfigurées grâce à des technologies nouvelles qui transforment désormais attributs et capacités à l’échelle planétaire. Ce mouvement dans l’esprit des traités inégaux du passé détruit la crédibilité, et donc l’efficacité, des options négociées. Le rapport de force permanent ainsi (ré)institué porte en germe une conflictualité accrue. En effet, faute de confiance, les accords deviennent des données relatives que les parties auxquelles ils ont été imposés n’auront de cesse de contourner. On admettra cependant que négocier avec des partenaires qui acceptent Taqya et Hydna face aux Infidèles rendait déjà la diplomatie délicate, ce qui n’était pas une raison pour la rendre quasiment inapplicable. Les succès militaires récents pourraient donc bien s’avérer des victoires à la Pyrrhus dans le temps plus long.
En effet, la décapitation de l’Iran et de ses proxys, la destruction de son appareil militaro-scientifique et la suppression de nombreux atouts, techniques et humains, mettent incontestablement à bas ses capacités immédiates (encore qu’un bilan technico-militaire n’est pas disponible, hors déclarations publiques contradictoires, sujettes par nature à caution, avec la survie « miraculeuse » de cibles annoncées assassinées par Israël)4. Néanmoins, à moins d’annihiler sa population ou de parvenir à la convertir totalement par la diffusion intense d’un soft power complémentaire en profondeur (option envisagée par le biais de l’Opposition aux Mollahs, mais ratée en Irak, en Afghanistan), il est fort probable que le ressentiment et l’humiliation nationale survivront à une éventuelle chute du régime et pousseront les générations à venir à rechercher une revanche future. C’est précisément ce que la guerre en dentelles (dynastique), puis son itération moderne de guerre de cabinet, et la philosophie westphalienne (coalition contre la puissance hégémonique, congrès diplomatiques) avaient tenté d’éviter, afin de mettre un terme aux guerres inexpiables qui ont ensanglanté l’Europe (Guerres de religion, absorption de l’impact de la Réforme et de son extension révolutionnaire française, déséquilibre des Nations au sein des empires…). La volonté absolue et jusqu’au-boutiste ainsi illustrée correspond aux bases idéologiques d’un État messianique et à la définition d’un conflit civilisationnel, qui sont partagés par les USA et Israël. C’est un constat qui ne se limite donc pas à la crise iranienne, mais qui permet aussi un éclairage indirect des négociations sur l’Ukraine5.
- En troisième lieu, le rappel que l’entrée en guerre des USA lors des deux conflits mondiaux s’est faite sur décision présidentielle, contre l’opinion majoritaire dans le pays, pour des considérations économiques plus ou moins occultes et dans un cadre géopolitique historique de contrôle du pivot eurasien6.
- Enfin, quoi qu’on pense de cette politique, les actions de l’État israélien démontrent une cohérence certaine, lorsqu’une menace existentielle est constatée ou avancée, qui transcende complètement les impératifs diplomatiques, juridiques, politiques et moraux, dont les violations sont assumées sans faiblesse au service de buts de guerre non négociables ni amendables. C’est là un enseignement utile pour la Fédération de Russie dans ses rapports avec les « partenaires occidentaux ».
Biais majeurs
- Pour un ressortissant du Bloc occidental en particulier français, il est difficile de s’affranchir d’une caractérisation de la République islamique d’Iran comme hostile. L’opposition a été réelle et sanglante dès les débuts de la RII, en marge de rivalité au Liban, de la guerre irako-iranienne et de la politique arabe qu’avait naguère la France. Cependant, depuis presque quarante années et même si la DGSI évoque un risque potentiel depuis 2022, la menace islamiste chiite en France est devenue bien moindre que le terrorisme fondamentaliste sunnite. La sûreté de l’État français et de ses populations ont davantage à craindre des déstabilisations internes par une partie des diasporas maghrébines et subsahariennes, de l’entrisme frériste – avec financement par le Qatar et coordination par la Turquie-, voire de la résurgence terroriste de Al-Qaeda et Daesh 2.0. Or, ces menaces n’entraînent pas une posture comparable à celle tenue face à l’Iran. Pour en finir avec l’argument de la Morale en politique, on soulignera que la prise de pouvoir d’extrémistes religieux sunnites à la dangerosité avérée n’entraîne pas davantage de raidissement et qu’une fois acquise (grâce à une politique d’entrisme à long terme du Nucléaire civil néerlandais, ce qui devrait interroger sur la loyauté des binationaux émanant de diasporas installées en Europe), la capacité nucléaire du Pakistan n’a plus fait l’objet de remise en question.
- En lien direct avec le premier évoqué supra, un second biais tient à l’inclusion, tant officielle qu’inconsciente, dans une sphère d’appartenance et d’intérêts. Nolens volens, le citoyen français (et surtout la direction du pays et les structures de force de l’appareil étatique) se retrouve dans un bloc civilisationnel, politique et militaire qui influe sur sa position, y compris -voire principalement- au détriment des intérêts nationaux. En agissant sur cette proximité et sur des notions de morale et d’affect, la France est placée de force dans un camp. Ainsi, par rapport à Kiev comme à Tel-Aviv, la communication médiatique et politique a bâti l’idée que la France appartient à un bloc homogène occidento-européen, qui défendrait des intérêts communs. Or, la France n’est objectivement pas impliquée. Elle aurait pu et dû conserver une position d’équilibre (perspective gaullienne) et de non-cobelligérance en Ukraine, d’ailleurs favorable à sa situation économique. Les tentatives du président français par rapport au conflit israélo-iranien illustrent surtout notre faiblesse diplomatique et militaire et la perte d’influence que de nombreuses décisions erratiques ont entraînées, confirmant par ailleurs la perte de souveraineté interne imputable à la présence de populations antagonistes et non contrôlées. On peut aussi déceler un antagonisme naissant avec les USA du président Trump.
- Également en lien avec les deux premiers, un biais directement imputable à la communication de guerre, tient à l’idée qu’il est inacceptable que la RII dispose de l’arme nucléaire. Le discours extrémiste (et il faut distinguer la rhétorique de la logique) des dirigeants iraniens sur le « Petit Satan » et sa destruction fonde des arguments éthiques et stratégiques finalement discutables. La construction réelle d’un armement nucléaire -technologie presque vieille d’un siècle- dénoncée depuis 30 ans (Benjamin Netanyahu totalise 60% de direction d’Israël sur les 30 dernières années et annonce régulièrement que l’avancée des travaux iraniens est entrée dans sa phase finale) reste à déterminer, pour un État qui a cependant réussi à se doter d’armements hypersoniques à changement de cap aléatoire, avec ou sans l’aide russe et chinoise. Israël (qui refuse les contrôles de l’AIEA et n’a pas signé le traité anti-prolifération TNP) dispose de la carte nucléaire (entre 100 et 500 têtes estimées) mais se garde bien d’y recourir. Le Pakistan également, même dans son opposition à son rival Indien. On peut donc penser que Téhéran a plus intérêt à sécuriser sa position vis-à-vis de ses voisins à la fois arabes, sunnites et beaucoup plus nombreux, que de réellement tenter de détruire Israël. L’opposition rabique à l’État hébreu peut alors se voir comme un argument de communication interne mais aussi à destination de la rue arabe. Quant à la volonté de restreindre l’accès à l’arme nucléaire hors du « club » actuel, elle peut s’entendre, voire être admise et comme un fait de politique brute, mais pas ses justifications (« Dieu et Nous seuls pouvons » en somme) pseudos éthiques et pseudo stratégiques. Cette définition du Nucléaire comme arme de Non-emploi éclaire probablement la position et le discours du président russe en la matière, même si certains en Russie déplorent cette retenue et souhaitent accroître la pression par la peur. La claire compréhension des mécanismes subtils de la Dissuasion nécessite malheureusement culture historique et capacité d’analyse rationnelle et on peut craindre que les leaders occidentaux n’en soient pas tous capables, au-delà de l’invocation d’une prétendue « ambiguïté stratégique » mal assimilée.
Regard technique
L’intervention israélienne, puis celle des USA, ont presque exactement pris à rebours les options techniques de la SVO de 2022. Il y a plusieurs causes à cela, ainsi qu’une interrogation :
- Les Occidentaux, depuis l’Air control britannique des années 1920, la suprématie aérienne alliée de la 2ème GM et la mise sur pied d’une supériorité de l’OTAN et des USA en la matière, misent sur l’arme aérienne comme levier stratégique (stratégie Douhet doublant la vision Mahan). Cette philosophie est partagée par Tsahal qui a jusque lors bénéficié d’une supériorité technique et opérationnelle et des atouts des USA pour valoriser sa force aérienne face à des adversaires démunis, surclassés ou surpris. Les VKS russes qui disposent de moins d’atouts, ont été relativement peu engagées en 2022 et restent surtout des vecteurs de missiles et de bombes UMBK/FAB et apparemment employées comme auxiliaires des forces terrestres. La vision occidentale de l’air dominance n’est pas partagée par la Russie qui avait jadis développé un PVO anti-aérien soviétique efficace (à restaurer) et doit tenir compte de l’émergence des drones et de l’évolution des moyens aériens partiellement robotisés, ainsi que de l’accroissement des vitesses qui limite l’engagement humain et de la guerre de la furtivité. Les opérations israéliennes ont engagé 70% de la flotte, ce qui est un effort considérable (personnels de soutien au sol pour le maintien en condition, fatigue des pilote, usure des avions, consommation de munitions) et non soutenable dans le temps. Le recours nécessaire à des moyens spécifiques (avions ravitailleurs, GBU-57 anti- bunkers) rendait inévitable l’intervention états-unienne. La coopération, a minima la neutralité d’États voisins (survols de l’espace aériens, partage des données radars) était également nécessaire, ce qui n’a probablement pas vraiment ennuyé les États arabes ni la Turquie, en rivalité présente ou future avec l’Iran. La faiblesse systémique de l’air dominance réside à l’impossibilité de tenir durablement les consommations et les pertes (par usure et destruction)7 ainsi qu’à l’obligation de devoir déployer des forces au sol, plus vulnérables dans le moyen terme, impératif que tente justement d’écarter le recours à l’arme aérienne. Cela explique les choix de la SVO initiale.
- L’absence d’une frontière terrestre entre Israël et Iran était une raison évidente pour recourir à des frappes à longue portée. De la même manière, la RII a initié un mécanisme de riposte par bombardement par missiles pour la même cause. La SVO, elle, avait été conçue comme une opération principalement terrestre, avec prise de gage territorial envisagée comme levier temporaire. L’évolution des opérations a conduit Kiev comme Moscou à mener des opérations dans la profondeur, sous forme de frappes par drones et missiles, en plus de l’alimentation d’une ligne de front.
- Les bombardements n’ont été qu’un volet de l’opération, qui a largement reposé sur la liquidation de cibles identifiées et suivies depuis (très) longtemps par les Israéliens. Cette décapitation visait à la fois à réduire l’efficacité de la défense iranienne, attaquée aussi selon les modalités de SEAD (suppression of ennemy air defence) habituelles (repérage satellite, renseignement humain, missiles anti-radars) et à disloquer le dispositif de commandement, tant civil que militaire pour sidérer les forces. Cela a impliqué une capacité très fine de Renseignement et l’emploi de drones et d’autres moyens classifiés pour surprendre totalement les cibles. Ce volet comprenait l’élimination capacitaire à long-terme (chercheurs, ingénieurs, responsables junior) dont l’effectivité est rendue publique uniquement par des sources engagées (USA, Israël y compris pour la présumée opposition iranienne relayée par les services de l’État hébreu ou les officines de réfugiés soumis par la force des choses au financement occidental). La SVO de 2022 s’est interdit ce type d’action de décapitation. On peut imaginer que la perspective d’une victoire rapide comme en 2014, la volonté de conserver un appareil politique pour négocier, et le souhait de ne pas choquer une population de Petits Russes considérés comme « frères », ont joué un rôle important dans ce choix. On peut penser également que le régime de Kiev (avec l’appui de centrales occidentales) a su mener une purge efficace et profonde des structures de force et battu en brèche la capacité russe de s’appuyer sur les responsables issus des années ante-Maidan. Il semble aussi que le travail de séparation culturelle d’avec la Russie menée après 2014 sur la jeunesse ukrainienne, et la mise sur pied de forces paramilitaires idéologiques pour encadrer la population, aient été sous-estimées par le Renseignement russe. A l’inverse, les Israéliens ont réussi à infiltrer avec une grande efficacité un État répressif et supposé bien contrôlé. Ils ont également exploité internet et le cyber, pour viruser les défenses et le C2 iraniens et activer des dispositifs à distance, y compris des drones, d’une manière proche de celle des Kieviens contre les bases russes en début du mois (Spiderweb).
- Une question demeure : quel était l’objectif réel du gouvernement israélien ? La destruction du potentiel nucléaire iranien (quoiqu’un objectif un peu décrédibilisé par des annonces successives depuis des années) mise en avant comme celle des armes de destruction de masse irakiennes en 2003, était peut-être un but réel. Il a en tous cas l’intérêt d’assurer au premier ministre Netanyahu une grande popularité absolutoire dans son propre pays et de bénéficier de l’appui des Occidentaux, lâchement rassurés qu’un autre « fasse le sale boulot » comme l’a dit le chancelier allemand Merz. L’interrogation porte sur la question de savoir si les attaques visaient également à démanteler durablement, voire définitivement, le régime iranien. Mais seule une guerre durable pourrait permettre d’envisager ce résultat, qui semble contredit par le cessez-le-feu. Le port de Shaid Rajai (44ème port mondial) a bien été frappé ce qui était un signal aux Gardiens de la révolution gestionnaires de cette zone économique spéciale, mais ni l’autre port de Bandhar Abbas, ni le terminal de Kharg. Inversement malgré des gesticulations, l’Iran n’a pas tenté de fermer le détroit d’Ormuz, ce qui aurait été une escalade et la fin de sa propre économie. On songe donc à la première campagne contre l’Irak de Saddam Hussein en 1990, stoppée pour permettre au régime de se maintenir, en 1991 (tant il est vrai que la conservation d’un croque-mitaine, de « menaces existentielles » et le maintien de points de crise s’avèrent indispensables à la stratégie de la tension mise en œuvre par les USA par le biais de trois proxys : Israël, Kiev et Taïwan). Là encore, l’opposition avec la SVO est presque totale : un échec immédiat, suivi d’une confirmation des objectifs depuis presque quatre ans dans un cas, un succès incontestable, suivi d’un questionnement sur les suites, dans l’autre cas.
Pour la Russie
- Sur le fond, la supposée cordialité entre les dirigeants russe et Etats-unien ne doit pas faire illusion quant à la fiabilité des options négociées par l’Occident collectif.
- La lisibilité des actions états-uniennes est troublée par la personnalité et la philosophie commerciale du POTUS, mais aussi par l’opposition interne qui existe entre sa tendance et la faction démocrate -pas éradiquée au sein de l’establishment capitolin ni des forces de sécurité et militaires) et ses relais dans l’UE. Cependant, le président Trump reste un milliardaire Etats-unien -probablement patriote-, et sa politique n’ira donc jamais à l’encontre des intérêts correspondants. Quoique se voulant « pacificateur », il ne peut s’affranchir de certaines données lourdes, comme l’alliance avec Israël, la rivalité d’hegemon avec la République populaire de Chine, la défense de la supériorité économique US via Dollar et politique de l’énergie, l’influence du complexe militaro-industriel et la nécessité géostratégique de contrôler les mers et le pivot eurasiatique, dans la continuité de la stratégie britannique depuis le XVIème siècle, transmise aux USA.
- Le supposé avantage économique pour la Russie d’un blocage du détroit d’Ormuz (option écartée probablement après négociations entre Washington et Téhéran en augmentant les coûts du pétrole et du gaz ne s’est pas avéré. Cette option est probablement conservée en réserve par Washington -qui pourrait aisément la réactiver- car elle permettrait une atteinte indirecte de la RPC. Comme l’avait exposé avant sa mort Vladimir Jirinovsky, présenté comme un histrion nationaliste plus ou moins ridicule mais en réalité analyste et souvent prophète, la destruction par Israël contaminerait toute la région en jeu de domino, affectant profondément et durablement les flux d’hydrocarbures, créant un poids économique insoutenable pour la RPC et déstabilisant démographiquement toute l’Asie centrale puis la Russie.
- Le conflit en cours en Ukraine sera alimenté aussi longtemps que possible, avec le concours de l’UE et de l’OTAN (qui vient de voir confirmer le passage aux 5% du PIB de financement de l’Alliance exigé par Washington). Le front central est flanqué d’un axe Nord qui repose sur l’otanisation de la Baltique et la présence d’hostiles confirmés (États baltes, Finlande, Pologne), qui viseront Kaliningrad, St Petersburg et les débouchés en Arctique.
Le flanc Sud est davantage impacté par les événements en Iran. La Russie (sans s’illusionner sur le fait que la civilisation russe n’est pas compatible avec le système religieux en place en Iran, ni sur la rivalité historique avec la Perse) a engagé un partenariat avec Téhéran. Le quasi-écroulement de l’arc de résistance chiite, avec la neutralisation du Hamas, puis du Hezbollah au Liban, des Alaouites en Syrie, et de l’Iran même8, ne laisse guère que les Houthis du Yémen comme proxys, l’Irak étant durablement en crise. Cela aura un effet direct sur la stratégie russe, au Moyen Orient (Libye, Syrie) comme en Afrique.
L’incapacité à assister militairement la RII est également un fait géostratégique. A ce propos on doit cependant noter que les USA ont dû eux-mêmes mesurer leur aide à Tel-Aviv ; Il apparaît que ces États ne sont pas en mesure de tenir une guerre d’attrition, ce qui a toujours été la limite de l’air control. A l’inverse, la Fédération de Russie a démontré sa capacité à mener ce type de conflit et développe ses moyens pour cela, ce qui est une autre différence majeure entre la SVO et son évolution et les opérations Rising Lion, puis Night Hammer9. Il est probable que le stock de moyens anti-aériens israéliens (dôme de fer et surtout fronde de David) coûteux a été aussi entamé que les stocks de missiles iraniens, imposant un recomplétement durable par les USA, alors que l’Iran est autonome pour sa production missilière. Cela sera forcément positif pour Moscou, en diminuant les moyens disponibles pour Kiev.
L’affaiblissement de l’Iran se fait en faveur des États du Golfe, qui semblent vouloir se poser en joueurs indépendants, nouant des relations cordiales avec la Russie sans rompre avec les USA.
La situation de la RII va également être exploité par la Turquie. Après l’auto-dissolution du PKK, Ankara peut mettre en place sa politique panturque. Les points de tension avec la Russie semblent nombreux :
- Rivalité de facto pour le contrôle de la mer Noire
- Soutien des Misrathis en Libye qui font barrage au Maréchal Aftar
- Contrôle partiel du nouveau gouvernement syrien
- Volonté de projection en Asie centrale
La Russie connaît déjà une situation dégradée en Asie centrale, l’OSTC étant à la peine avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan. La situation intérieure crée également des tensions autour des diasporas tadjike, uzbeke. Cet état de fait favorise naturellement l’interventionnisme britannique (et des tentatives françaises) avec une volonté d’instrumentaliser l’Islam rigoriste en Russie même.
La Turquie peut cependant connaître des freins :
- Rivalité avec les monarchies du Golfe, hostile à l’idéologie frériste, antidynastique
- Rivalité avec la RPC en Asie centrale et en Afrique
- Instabilité du gouvernement syrien, actuellement d’inspiration jihadiste
- Et surtout, possible rivalité avec Israël et son projet de nouveau Proche Orient.
Alors que ces oppositions étaient mises sous le boisseau pour rabaisser l’Iran chiite et perse, son effacement provisoire devrait relancer les dynamiques de confrontation. L’administration états-unienne joue un rôle important, puisqu’en principe allié avec toutes les parties. Deux sur trois des « pistolets » (selon le mot de Napoléon à propos du port d’Anvers, braqué sur l’Angleterre ») ont été utilisés, L’Ukraine et Israël, il reste Taïwan.
Reste à voir comment Moscou pourra tenir compte de ces différents facteurs…
Notes:
1Alors que depuis 1945, les États dotés n’ont jamais eu recours à cette arme lors des conflits qu’ils ont mené (Corée, Vietnam, Tchad, Malouines, Afghanistan…) mais qui ne mettaient pas en cause leurs intérêts vitaux.
2Par exemple, le Pakistan, même dans ses conflits avec l’Inde et malgré ses positions religieuses extrêmes est désormais à l’abri d’une attaque de cette ampleur. Il en va de même de la Corée du Nord. La volonté d’un club fermé de conserver l’emploi exclusif d’une technologie qui sera vieille d’un siècle dans quinze ans, soulève évidemment des questionnements éthiques et juridiques, mais également de faisabilité technique.
3Les déclarations du président Trump ont servi à masquer l’envoi de bombardiers stratégiques au-dessus de l’Iran ; les négociations d’Istanbul ont couvert l’attaque des bases russes. Les contestations de l’AIEA, comme celles de l’OSCE en Ukraine, sont écartées et recomposées en fonction de la Com’ de guerre.
4La réalité et l’étendue des dégâts sont difficiles à estimer de manière crédible. La CIA et l’AIEA (qui contestent la réalité du programme nucléaire militaire iranien), l’analyse des spécificités techniques du GLU-57 et les déclarations iraniennes permettant un doute raisonnable.
5Les décisions actuelles semblent aussi s’intégrer au fameux plan de redéfinition du Moyen Orient, partagé par certaines officines états-uniennes et mal géré par l’administration Bush Junior, et par le gouvernement Netanyahu, qui porte en écho celui de « nouvelle carte de la Russie », émanant d’ennemis historiques de celle-ci et relayée par les descendants de familles émigrées aux USA et également hostiles. A vrai dire depuis 1991/94, toutes les tentatives de négociations bona fide ont abouti à des constats d’échecs, ce qui n’a pas été démenti depuis 2022.
6La posture de la RII dans le commerce pétrolier et les transactions hors Dollar et sa position géostratégique en lien avec le « grand jeu » évoquent la position du IIIème Reich lorsque Hitler remit en cause les intérêts de Wall street et des grands trusts ayant des ramifications dans les géants économiques allemand et, comme le Kaiser Wilhem en 1917, menaçait d’unir sous la férule allemande le heartland eurasiatique. Comparaison ne vaut pas raison, mais des logiques de temps long et d’intérêts constants sont à l’œuvre.
7De plus, les coûts des unités étant de plus en plus prohibitifs, la perte en nombre d’appareils dans le cadre un cadre de guerre d’attrition ne peut être supporté que par les États les plus puissants. C’est aussi certainement une des causes de la sagesse russe dans l’engagement de ses atouts ariens, sa puissance industrielle n’étant plus celle de l’URSS.
8On peut d’ailleurs se demander si le narratif médiatique qui présente Donald Trump et les USA se faisant forcer la main par B. Netanyahu et Israël, ne devrait pas être inversé : l’opération de Tsahal (en bon proxy) donne en effet (légitimant les investissements d’argent public dans l’industrie de guerre, mouvement déjà amorcé contre la prétendue « menace russe ») justifie une intervention US qui restaure le rôle de « protecteur » indispensable en zone et temps de crise, raffermissant la position dominante dans le bloc occidental et rassurant/dissuadant les monarchies arabes. En tous cas, mieux que l’invasion du Groenland ou l’Anschluss du Canada…
9En essayant de s’écarter d’un biais complotiste, on peut tout de même s’étonner que ces opérations successives, incontestablement des succès remarquables des services israéliens, aient été déclenchées par une faillite aussi totale face à l’attaque terroriste du Hamas en octobre 2023. On remarquera aussi qu’une ancienne directrice de la CIA a rencontré en octobre 2023 les responsables des Moudjahidine du Peuple réfugiés en France, sans l’aval de Paris.
Bonjour Vianney.
Ah, le temps…
Je partage sur l’Iran d autant que les performances réelles de ses attaquants restent non confirmées et que la matrice du peuple dépasse le régime. En revanche je pense que les voisins profiteront de cette situation ( panturquisme, réorientation du monde arabodynastique) reste à voir comment les relations avec l ‘Hegemon us et les rivalités seront gérées entre eux.
Effectivement la RPC semble plus a même de renforcer le potentiel militaire d’un de ses fournisseurs vitaux de pétrole. Mais l’alliance avec la Russie porte sur des developpents non militaires dont le nucléaire cadre pour rester civil. La situation en Asie centrale aura sûrement des conséquences compte tenu de l affaiblissement de lnostc, des positions d Erevan et Bakou mais aussi Astana.
On reparlera d Odessa j’imagine.
Mais la guerre est en passe de connaître un changement, de reconquête du donabass et de la novorossia a confrontation globale contre l’occident collectif ( ne rêvons pas sur Trump) au Nord et au Sud du front actuel. Dans ce cadre la Russie doit passer un braquet car la logique de l attrition de la durée et de la masse qui fonctionne contre Kiev risque de s’inverser face au bloc militaroindustriel qui s’ est reconstitué.
Et bien sûr toujours la démographie.mais je ne suis pas sûr que 500 millions d habitant sur le sol européen constitue un peuple. Les fractures et oppositions internes restent le talon dvAchille du bloc si une mobilisation devenait nécessaire.
Je suis bien d’ accord sur les femmes russes.
Merci pour ce suivi et ces apports.
Bonjour Olivier.
Pour l’Iran la situation n’est pas forcément désespérée dirais je.
Au plan intérieur, l’armée et les gardiens de la révolution vont prendre de l’essor , par necessite de situation d’abord, les mollahs prendront du recul face à la compétence des 2 premiers cités , la population plus soudée par orgueil national , et les iraniens sont plus qu’orgeuilleux c’est peu dire , ils profiteront du mou possible lache par les autres mollassons, armee, gardiens, la voie de la dictature , religieuse ou autre , à toujours une durée de vie limite, une date de péremption.
Et n’oublions le 1 500 000 ingénieurs pas forcément formés au fanatisme religieux et certainement mariés (sic) ……!
Les afghans et kurdes au service du Mossad vont diminuer en nombre.
L’exemple de wagner dont les têtes ont investies l’armée russe pour la rajeunir, tant les cadres que la doctrine, peut être suivie par les iraniens a différents niveaux de la société iranienne
Les iraniens peuvent prendre cette balle au bond pour repartir du meilleur pied.
La Russie maintenant.
Su 35 ou j10 c chinois pour l’Iran ? Matériel & tech chinois ( radars , dca ? ) arrives récemment en Iran. ) ? Sanction levée par Trump pour l’achat de pétrole iranien pour les chinois, chinois qui demandaient des devises fortes pour vendre leurs avions aux iraniens.
La Russie a livré du matériel elle aussi mais de façon moindre…..Ukraine oblige dit on.
La Russie a eu du temps à sa disposition .
Peut être serait il temps ( Sans jeu de mot ) que l’opinion touche les dividendes , les intérêts de sa (grande) patience mise à disposition de ses dirigeants , oui ou non , des frappes de 3 a 500 drones russes sur l’Ukraine par nuit c’est pour faire joli ?
Production de drones multipliée par combien déjà, nords coreens en arrivée dans les usines de fabrication de missiles, etc, etc. Montée en puissance fabrication T 80 et 90.
Se préparer contre l’OTAN à venir, ok , mais en attendant , sérieusement.
Face à tout cela , en Russie, les étrangers qui n’ont pas communiqués leurs données biométriques se voient déconnectés de la téléphonie mobile, doit on alors juger des capacités du fsb, ex kgb, à l’aulne du bilan de son représentant le plus connu ?
Les vieux démons n’est ce pas plutôt que l’alibi terroriste , faisons fi de l’intelligence mais plutôt l’obéissance , air connu déjà pendant mon service militaire , bref passons.
Le seul point sur lequel je ne changerai pas d’idée et en accord avec l’interview de Vladimir Soloviev par X.Moreau , les femmes russes sont très belles.
Cdlt.
Vianney.