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Pro-russe, catho « tradi », réactionnaire…etc. : François Fillon paie son triomphe au premier tour des primaires par une campagne de haine aussi virulente que prévisible. Virulente car ces étiquettes, désignant, aux yeux des « élites » qui les attribuent, une France « rance », provinciale, bourgeoise, conservatrice, visent à ostraciser l’adversaire en l’assimilant, peu ou prou, aux droites extrêmes. Prévisible, car le terme de pro-russe suffit généralement aux mêmes contempteurs pour résumer tous les autres traits de personnalité qu’ils prêtent, ces derniers jours, au Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Depuis les débuts du conflit syrien, le débat est de ce niveau. Entretenir des liens cordiaux avec les autorités russes, estimer que les intérêts de la France exigent la fin des sanctions visant la Russie et une coopération étroite avec cette dernière contre le totalitarisme islamiste, vous rangent aujourd’hui systématiquement dans la catégorie des conservateurs, des obscurantistes, bref des Poutiniens. Pro-russe, ou poutinien : Ces termes, pourtant, sont loin de résumer un courant de pensée homogène ou de recouvrir une catégorie sociale précise. Jean-Luc Mélenchon, Jean-Pierre Chevènement, François Fillon, Philippe de Villiers, Marine Le Pen : La volonté de restaurer une relation amicale et de confiance entre la France et la Russie est représentée dans toutes les familles politiques. Perpendiculaire aux lignes de fracture idéologiques, celle qui divise tenants d’une entente avec la Russie et adversaires inflexibles du Kremlin, est donc bien plus complexe que ne veulent le faire croire ceux qui assurent qu’elle oppose progressistes d’une part, populistes de l’autre.

Certes François Fillon, à bien des égards, semble correspondre au portrait simpliste que certains aiment brosser des partisans d’un rapprochement avec Moscou. Marié, père de cinq enfants, possesseur d’une gentilhommière dans cette France de l’ouest plus marquée par le catholicisme, il incarne la droite de la terre et de la pierre, aussi dissemblable que possible de la droite bling-bling, tendance Rolex, première Dame au profil sulfureux et famille multi-recomposée. Le charme discret de la bourgeoisie conservatrice face à la France des parvenus, urbaine, branchée, libertaire.
Mais au-delà de ces clichés, Fillon incarne-t-il, comme l’affirme Valeurs Actuelles, « le triomphe de la droite des valeurs » ? Et ces dernières sont-elles proches de celles défendues par Vladimir Poutine ?
Oui dans une certaine mesure. Lorsque François Fillon déclare qu’il comprend que l’on puisse être choqué par l’actuelle campagne gouvernementale de prévention du sida, évoquant des couples homosexuels aux comportements pour le moins libérés, il est en phase avec la vision conservatrice des autorités russes et de la majorité des électeurs de droite. En prônant une alliance étroite entre Russes et « Occidentaux » contre l’islamisme radical et la fin des sanctions à l’encontre de la Russie, il se situe aussi dans la tradition gaulliste d’une diplomatie pragmatique, indépendante, privilégiant les intérêts nationaux à la solidarité atlantique, prônant un monde multipolaire dans lequel la France doit faire entendre sa voix. De ce point de vue il correspond précisément à la vision que la Russie a du rôle de la France sur la scène internationale.

Pour autant François Fillon est très éloigné des positions de la Russie sur le mariage gay ou l’adoption par les couples homosexuels, inconcevables pour une majorité de Russes. S’il souhaite une réorientation de la diplomatie française, un rapprochement avec Moscou, il ne faut pas oublier qu’il a été à Matignon de 2007 à 2012. A ce titre, il a participé à la mise en place d’équipes qui, au quai d’Orsay comme au sein du ministère de la défense, ont soutenu une ligne néoconservatrice, atlantiste, équipes toujours en place aujourd’hui. Premier ministre lorsque la France a réintégré le haut commandement de l’OTAN, il a aussi soutenu l’intervention française en Libye, à laquelle Vladimir Poutine était résolument hostile. Enfin François Fillon ne peut pas être à la fois ultra-libéral et sur la même ligne que Vladimir Poutine. Ce dernier, chantre d’un capitalisme dirigé sur le modèle de la France des années 60, a mis au pas une oligarchie des affaires trop désireuse de peser en politique. François Fillon, fréquemment présenté comme le candidat du MEDEF, en est loin. Autant de faits qui suffisent à distinguer le favori aux prochaines présidentielles de la grande majorité des « Poutiniens », majoritairement keynésiens et hostiles au modèle de construction européenne prôné par l’UE.
Catholique, attaché aux traditions de son pays, au rôle de la famille, partisan d’un monde multipolaire, François Fillon est gaulliste par de nombreux aspects et est, en conséquence, en sympathie avec la Russie. Mais les « valeurs » qu’il défend le rapprochent tout autant de la droite américaine que du Kremlin. Seule, en définitive, le distingue sa constance dans le cadre des relations franco-russes. Instrument du rapprochement entre Sarkozy et Poutine, il n’a jamais cessé de défendre une coopération forte entre Paris et Moscou. C’est ce qui explique sa popularité parmi les Russes, qui jugent d’abord leurs partenaires étrangers sur leur fidélité.

Philippe Migault.

Philippe Migault
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