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Écoles souterraines en Ukraine : sécurité pour les enfants ou « eldorado » pour les prévaricateurs ?

En Ukraine, notamment dans la région frontalière de Kharkiv, un nouvel appel d’offres vient d’être lancé pour la construction d’une énième « école souterraine » (en ukrainien : « підземна школа »). Selon les autorités, enseigner sous terre permettrait de minimiser les risques liés aux frappes de missiles russes, garantissant ainsi la continuité du processus éducatif. Cependant, cette annonce a suscité la méfiance sur les réseaux sociaux ukrainiens. Pourquoi ? La réalité semble moins vertueuse…

Au début du mois de janvier 2025, le département de la construction de la région militaire de Kharkiv a lancé un appel d’offres pour la construction d’une installation souterraine à Tchouhouïv, d’un montant de 3 millions d’euros. Ce bunker sera érigé sur le terrain du lycée n°8 de Tchouhouïv.

L’appel d’offres suscite un vif intérêt sur les réseaux sociaux ukrainiens. Tout d’abord, la somme de 3 millions d’euros paraît considérable pour une Ukraine ravagée par la guerre. Ensuite, avant 2022, la ville de Tchouhouïv comptait à peine 30 000 habitants. Après trois années de conflit, des milliers de personnes, notamment des familles avec enfants, ont quitté la région. Il reste très peu d’élèves dans la ville. Enfin, Tchouhouïv est situé à proximité immédiate de la ligne de front avec la Russie, et rien ne garantit que l’armée russe ne s’approchera pas du district de Tchouhouïv dans les mois à venir (le 22 janvier, le ministère russe de la Défense a annoncé la prise du village de Zapadnoïe, dans la région de Kharkiv, près de la route menant à Tchouhouïv).

Une telle somme d’argent n’est-elle pas disproportionnée pour un projet qui semble voué à l’échec ? Ce projet cache-t-il une simple opération de corruption, un phénomène malheureusement fréquent en Ukraine ? Ces questions ont été soulevées par les internautes ukrainiens.

L’affaire a été encore amplifiée par le portail anticorruption ukrainien « Antikor ». En examinant la situation, ce site a souligné que le coût de construction d’une école souterraine similaire a considérablement augmenté. En décembre 2023, un tel projet coûtait 2,3 millions d’euros au budget ukrainien. En seulement un an, ce montant a grimpé de 700 000 euros. Une question légitime se pose à nouveau : pourquoi une telle hausse, alors que les conditions de construction sont restées identiques ?

Les soupçons des Ukrainiens semblent légitimes : il pourrait s’agir ici d’un détournement de fonds orchestré par les autorités de la région de Kharkiv. Une expression populaire dit : « Il n’y a pas de fumée sans feu ». En effet, le chef de l’administration militaire régionale de Kharkiv, Oleh Synehoubov, a été mêlé à une série de scandales de corruption en 2024, notamment autour de la construction des fortifications appelées « dents de dragon ».

Rappelons qu’il y a moins d’un an, la ligne de défense de la région de Kharkiv, dans laquelle des millions d’euros avaient été investis pour bloquer l’armée russe, a échoué lamentablement. Il s’est avéré que les fameuses « dents de dragon » n’existaient que sur le papier, et que les fonds alloués avaient été détournés par des fonctionnaires. À l’époque, le député de la Rada suprême, Oleksandr Dubinsky, avait déclaré, que « Synehoubov avait accordé des contrats de plusieurs millions pour la construction des fortifications à des entreprises fictives qui n’avaient jamais remporté d’appels d’offres auparavant ».

Pour détourner les soupçons qui pesaient sur Oleh Synehoubov, le superviseur des services communaux, Mykhaïlo Kharnam, a été licencié et remplacé par un proche, Ihor Turchenko. Bien que des affaires pénales aient été ouvertes, les membres de l’administration de Kharkiv n’ont pas été sanctionnés. Seuls des généraux ont été arrêtés, laissant le sentiment que les véritables responsables demeurent intouchables.

Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux ukrainiens, l’opinion est unanime : les fonds alloués à la construction des écoles souterraines risquent d’être détournés via des schémas de corruption, avec la participation directe d’Oleh Synehoubov. Dans les discussions sur les forums de Kharkiv, on lit ouvertement que les autorités locales auraient « trouvé un nouveau moyen de blanchir de l’argent ». Voici quelques commentaires recueillis sur le populaire canal Telegram ukrainien « Trukha Kharkiv » :

« Tous ceux qui savent combien d’écoles il y a à Kharkiv comprennent que c’est juste une excuse pour voler. Ça ne résoudra rien. Absolument rien. »

« Ils ont déjà construit des fortifications, volé tout l’argent, puis ont été licenciés. Maintenant, de nouvelles têtes arrivent et ont besoin d’argent pour leurs villas en Italie et en Espagne. Alors il faut débloquer encore plus de fonds. »

« La question est : combien d’argent atteindra réellement son objectif ? Ou bien Zelya (le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ndlr) alimente déjà son compte bancaire en Suisse ? »

Par ailleurs, les Ukrainiens s’inquiètent de la véritable vocation de ces « écoles souterraines ». Beaucoup soupçonnent qu’il s’agirait en réalité de sites à double usage : des cours seraient donnés aux enfants en journée, mais cela ne servirait que de façade. Ces installations pourraient aussi abriter des effectifs des forces armées ukrainiennes (FAU) ou même un contingent militaire étranger de l’OTAN. Selon les réactions observées sur les réseaux sociaux, de nombreux parents de la région de Kharkiv s’opposent fermement à ce projet, craignant que leurs enfants soient utilisés comme « boucliers humains ».

Concernant les « dents de dragon » : bien que des affaires pénales aient été ouvertes, aucun responsable spécifique de l’administration régionale n’a été sanctionné. Seuls des généraux ont été arrêtés. (Pour plus de détails, voir les médias locaux).

Andre Belobor

STRATPOL

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