L’arrestation cette nuit du fondateur de Telegram, Pavel Durov, fait ce dimanche l’objet de toutes les conversations, que ce soit ici en Russie ou même aux États-Unis, où des personnalités comme Elon Musk et Tucker Carlson, ainsi que les grands médias, ont rapidement relayé l’information. Aux États-Unis, on dénonce surtout le caractère autoritaire de cette arrestation et on insiste sur la nécessité de défendre la liberté d’expression, un débat qui rappelle les discussions autour de l’affaire Julian Assange.
Cependant, il est important de souligner que la légitimité de cette arrestation peut également être questionnée. Bien entendu, le jeune et talentueux homme d’affaires n’est pas un criminel. Son seul tort est d’avoir créé un réseau social, puis une application, dans lesquels il laisse à ses utilisateurs la responsabilité de leurs propos. En ce sens, la célèbre phrase attribuée à Voltaire : “Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire”, prend ici tout son sens.

À l’instar d’Elon Musk avec Twitter/X, qui connaît d’ailleurs une relation tout aussi conflictuelle avec l’Union Européenne pour des raisons similaires, Pavel Durov s’engage, par la nature même de son modèle économique, sur un chemin périlleux. Il doit choisir entre le développement exponentiel du nombre de ses utilisateurs (et donc de ses clients) et la satisfaction des exigences des autorités et régulateurs étatiques locaux. C’est ici que se pose une question essentielle, qui pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une dissertation de baccalauréat : peut-on et doit-on tout dire ? En Russie, la question du réseau VK a été tranchée par le gouvernement de Vladimir Poutine, qui a privilégié les intérêts de la nation.

La question de la messagerie Telegram reste, quant à elle, sensible, avec un équilibre fragile trouvé entre l’entreprise et l’État.
Depuis le début de l’opération spéciale (SMO), par exemple, Telegram joue un rôle central dans la diffusion d’informations sur le conflit, avec des groupes et des canaux diffusant des images et des nouvelles exclusives que les médias traditionnels ne peuvent égaler ni en quantité ni en rapidité. L’information circule ainsi librement, mais sans contrôle. Elle est diffusée brute, nécessitant de la part des utilisateurs un recul critique pour distinguer le vrai du faux. C’est là que réside le problème fondamental : un public peu informé ou candide peut facilement être manipulé et, par conséquent, propager involontairement de fausses informations selon le principe des cercles concentriques tels que ceux créés par un caillou jeté à l’eau. Par ailleurs, se pose la question de la violence des images, des propos, du harcèlement en ligne, ainsi que des activités délictueuses telles que la pédocriminalité, la vente de drogues ou d’armes via ces réseaux. Doit-on, au nom de la liberté d’expression, accepter que de telles choses soient possibles et visibles par tous ?
Doit-on accepter que nos enfants, parce qu’ils sont jeunes et vulnérables, puissent être exposés à de tels dangers ?

Dans ce contexte, le gouvernement français joue pleinement son rôle en cherchant à protéger ses concitoyens. Mais revenons à la question de Julian Assange, qui est un parfait exemple de l’importance de se battre pour la liberté d’expression. Même si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, il est clair qu’elles sont nécessaires pour faire avancer une société. La question, en ce qui concerne Telegram, ne porte donc pas sur la liberté de parole de ses utilisateurs, mais sur leur responsabilité juridique. Et c’est là que réside le problème. Aujourd’hui, il n’existe ni accord ni loi internationale claire et précise régissant ces questions et s’appliquant à tous les pays. Cette absence de cadre juridique représente une fragilité pour les messageries comme Telegram, qui se trouvent dans l’incapacité d’imposer une charte d’utilisation conforme aux lois en vigueur dans tous les pays de ses utilisateurs. Il est également difficile pour une application de cette envergure d’établir un règlement interne qui permettrait alors à des modérateurs d’effectuer un travail salutaire, du moins sur le plan moral, en raison du volume considérable d’échanges et de messages circulant quotidiennement sur la plateforme. C’est la rançon de la gloire et pourtant, cela semble nécessaire.

Ainsi, en réfléchissant aux deux faces de la médaille, il semble évident que la place de Pavel Durov ce dimanche n’est pas dans un commissariat parisien, et encore moins à l’avenir dans une prison du régime Macron dans lesquelles bon nombre de vrais délinquants français eux ne séjournent pas. Cependant, il est tout aussi évident que l’outil qu’il a créé doit évoluer pour protéger les États, qui voient dans ces applications des instruments potentiels de développement du terrorisme, ainsi que ses utilisateurs, notamment les plus jeunes. Comme l’a exprimé Elon Musk avec le hashtag #freepavel, il est essentiel de défendre Pavel Durov. Mais en même temps (!), à l’image des discussions probablement permanentes entre les services de sécurité russes et les équipes de l’entrepreneur de Saint-Pétersbourg, il faut imposer à l’application une approche moins radicale et tranchée sur les questions liées aux contenus touchants aux grands maux de notre société, tels que le terrorisme, le cyberharcèlement et les actes délictueux ciblant nos enfants.

En attendant, et c’est peut-être la seule bonne chose à retenir de cette arrestation, chers passionnés de cryptos, profitez de l’opportunité d’acheter des TON à prix cassé grâce au gouvernement français ! C’est bien la première fois que le gouvernement Macron vous fera gagner de l’argent alors attention, la promotion de fin d’été ne durera pas… tout comme d’ailleurs la légalité juridique de l’arrestation de #freepavel !

Alexis TARRADE

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STRATPOL

26 thoughts on “Pourquoi la France a bien fait (ou non) d’arrêter Pavel DUROV

  • C’est sérieux cet argument selon lequel ” L’information (sur Telegram) circule ainsi librement, mais sans contrôle … nécessitant de la part des utilisateurs un recul critique pour distinguer le vrai du faux… un public peu informé ou candide peut facilement être manipulé et, par conséquent, propager involontairement de fausses informations” ? Parce que avec les médias officiels il ne faut pas prendre du recul pour vérifier ce qu’ils disent? Parce qu’ils ne mentent pas, ne manipulent pas, ne forment pas les opinions publiques?

    De toute façon si le problème juridique se pose il faut faire des lois et interdire le lancement de telles plateformes, il ne faut jouer aux démocrates en laissant se créer des espaces d’expression puis menacer leurs patrons de prison parce qu’ils refusent de limiter cette expression selon les bons vouloir des pouvoirs.

    D’ailleurs à bien y réfléchir, l’existence même de Telegram vient de ce que les autres plateformes ont finit par céder aux pouvoirs et ne sont plus sûres pour le gens qui expriment des opinions politiques ou sociétales. Que des criminels s’y engouffrent est alors inévitable. Il ne fallait pas obliger FB, google, twitter, youtube et les autres à censurer pour tout et rien, à bloquer des comptes et à dénoncer leurs utilisateurs.

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  • Suite à la demande de son épouse Karine Lacombe, Est ce qu’un adulte pourrait retirer la boîte d’allumettes des mains d’Alexis Tarade car il risque de se brûler .
    Merci.
    Cdlt.
    Vianney.

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  • Il va falloir qu’on m’explique puisque tout est encrypté sur la base de quoi précisément la justice Française à été saisie par la police Française, sur quelle preuve le procureur a-t-il cru bon d’emettre un mandat d’arrêt?
    Qu’ont-ils donc contre ce type, qui semble-t-il quand on lui a fournit des preuves dans un autre pays s’est exécuté et a donné les informations requises et qui par ailleurs a fait de gros efforts de modifications de son logiciel pour s’aligner avec les désidérata Russes.
    Ces inconsistances démontrent que la Police Française a obéit aux ordres, qu’elle n’avait strictement rien dans son dossier qui vaille, comme c’est le cas de M. Breton et que l’image de la France va en prendre une fois de plus pour son matricule.

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  • Il n’y a pas de « , mais… » après la definition de la Liberté.
    Avec une diffusion libre, vous avez le choix d’y accéder ou pas. Le choix, tout est là.
    Pour les enfants, c’est un faux argument, c’est un des rôles des parents de les guider.

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  • Ne vous inquiétez surtout pas pour les pédophiles, les terroristes et autres trafiquants en tout genre. Ils trouveront toujours un moyen de commettre leurs actes. Ne perdez pas de vue qu’à partir du moment où des États cherchent à empêcher la confidentialité des données des citoyens, c’est qu’ils possèdent d’ores et déjà les moyens d’échapper à la surveillance totale qu’ils imposent. Le problème de la transparence totale, chère aux gourous et aficionados du WEF, c’est qu’ils sont dans un refus total de faire preuve de la moindre transparence. On pense notamment aux sms de Mme Von der Lugen. Alors certes Telegram est peut-être un refuge pour les criminels de bas étage, mais il est un rempart contre les criminels qui dirigent le monde occidental.

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  • Effectivement, la liberté est totale ou elle n’existe pas. Des le moment où on commence a la restreindre, on crée un dictat de la pensée orchestrée par on ne sais qui
    Plutôt que d’interdire Telegram ou certains canaux en disant que ce sont des terroristes, on ferait mieux de s’attaquer a pourquoi il y a du terrorisme. De plus, et vous le savez bien, l’Ukraine est terroriste pour les russes, pas pour les occidentaux. Le Hamas est terroriste pour Israël, par pour les palestiniens. Les résistants français étaient terroristes pour Vichy et l’Allemagne, pas pour les anglais ou les américains.
    Bref, une surveillance du réseau mais sans accès back door est possible, il faut le mettre en place. Quand a la pedocriminalité, quoi que l’on fasse, on peut se retrouver avec une affaire Epstein, avec des hauts placés qui ne se sentent pas inquiétés Telegram ou pas …

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  • Il me semble qu’il faudrait revenir aux bases de la démocratie et de la liberté :
    – les conversations privées doivent rester privées
    – les conversations publiques peuvent être jugées comme la presse.
    Il ne faut pas céder aux arguments des agences de sécurité qui réduiront tout le monde en esclavage au nom de la sécurité.
    Certaines libertés fondamentales priment sur la sécurité.

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  • Cet article est affligeant! Voilà des gens qui sont prêts à être “collabos”. Qui décide de savoir si une information est fiable ou non? Des fact-checkers comme il y en a tant en France? Quelle est la légitimité d’un Etat à dire ce qui est vrai et ce qui est faux? Quant à la protection des enfants, laissez-moi rire! Si vous voulez les protéger commencez par interdire Disney chanel, ce sera bien plus efficace.

    Vous vous plaignez de la diffusion d’information “brute”. Ah bon? Vous préférez, comme dans le cas réchauffement climatique que l’on interdise l’accès aux données brutes pour ne laisser passer que des données “retraitées”? C’est cela votre vision de la liberté?

    Quant à une loi internationale qui régulerait cela, non merci! Les dirigeants de ce monde, avant la dispute en cours, nous ont tous montré qu’ils étaient capables de s’entendre sur le dos des peuples. Elon Musk ne s’y est pas trompé d’ailleurs lorsqu’il a déclaré, il y a quelques années, que lorsqu’il serait sur Mars, les loi de la terre ne s’appliqueraient pas! Enfin une porte de sortie à l’étouffoir que vous soutenez!

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    • Je n’ai rien à ajouter à l’excellent commentaire de Monsieur Geneste que j’approuve en totalité et qui est certainement le reflet de la pensée de beaucoup de lecteurs de Stratpol. Quant à l’article de monsieur Tarrade c’est une honte de proférer de tels propos qui ouvrent une voie collabo dont nous ne voulons pas: celle de nos “élites”suffit à notre malheur et à notre désinformation!

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    • Surpris comme vous semblez l’être par les propos et l’orientation de cet article

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    • 👍
      Rien à rajouter.
      Si, une chose : Aurait-on idée de trainer en justice le patron de Porsche sous prétexte que ses véhicules servent aux go-fast ?

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    • Exactement. Nous sommes assez grands pour faire le tri nous mêmes

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  • N’onporte na ouak, tantôt régime autoritaire tantôt régime libéral. Prétendre une cause pour crédité un raisonnement plus néfaste. Le tout est d’appliquer la recette d’élevage de l’opinion public pour parvenir à des fin semblable à celle critiquée. Du vent du bruit et le tour est joué contre et tout le temps contre son hombre. De Dalida “des mots toujours des mots rien que des mots !

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  • L’arrestation a lieu juste après l’évasion de plusieurs gigas de données privées sur Israël.
    Il y a donc de forte chance que Israël soit à l’origine de l’arrestation.

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  • De quel droit et avec quelles “compétences” supposées, on le voit tout le temps, un journaleux lambda aurait le privilège de juger si un article ou commentaire ou fait sont à publier ou pas? Quelle formation spécifique a-t-il.elle pour être crédible? AUCUNE, car ils n’y connaissent rien en sciences pures ni humaines : de simples prolétaires du clavier !

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  • « Dans ce contexte, le gouvernement français joue pleinement son rôle en cherchant à protéger ses concitoyens. »
    Si le gouvernement français cherchait à protéger ses concitoyens, ça se saurait.

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    • @Catherine

      C’est clair !…

      D’autre part, concernant cette affaire, il se dit que la Russie pourrait bénéficier d’une backdoor qui lui donnerait un avantage considérable contre l’Ukraine… Ça, où tellement d’autres choses…, tout est possible !

      .

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