Le 18 septembre 2018, le Ministère des affaires étrangères de la DNR a publié le communiqué suivant :
“Les organes d’enquête de la République Populaire de Donetsk ont établi que l’assassinat du President de la République Populaire de Donetsk, Alexander Zakharchenko, avait été organisé avec la participation du 5eme département de contre-espionnage du Service de Sécurité de l’Ukraine.
Les aveux d’un agent capturé du Service de Sécurité Ukrainien prouvent que le dispositif explosif a été installé sur ordre des autorités de Kiev.Les résultats de l’analyse des restes de l’engin explosif ont été révélés l’utilisation de technologies de pointe que l’Ukraine ne possède pas, ce qui indique la participation des services spéciaux occidentaux à la préparation de l’assassinat.Il convient de noter que ce n’est pas seulement le Président de la République qui a été tué mais aussi le signataire des accords de Minsk visant à résoudre le conflit dans le Donbass.Nous condamnons ces agissements de l’Ukraine et exhortons la communauté internationale à influencer les autorités de Kiev afin que de tels précédents ne se produisent plus.”
Ce communiqué est un bilan des investigations qui ont été menées par les services de sécurité de la DNR aidés par le FSB russe. A Kiev comme en Occident, les théories du complot ont été mises en avant par les autorités et les médias, évoquant un règlement de compte interne ou l’élimination du Président par les services secrets russes.
Avant de tenter une prospective, quelques remarques liminaires s’imposent.
– L’assassinat du Président Zakhartchenko s’inscrit dans une double série. Celle des meurtres des chefs de guerre de la DNR et celle des attentats manqués contre Zakhartchenko.
– Les deux précédents assassinats ont concerné les fameux chefs de guerre “Motorola” et “Givi”. L’élimination du chef du renseignement militaire ukrainien en juin 2017 en guise de représailles avait, croyait-on, calmé les ardeurs meurtrières de Kiev.
– En fait l’élimination du chef de la DNR est restée un objectif principal des services secrets ukrainiens. L’enquête de la DNR a d’ailleurs révélé l’existence d’un agent du SBU (service secret ukrainien) membre d’une des deux équipes envoyées à Donetsk et capturé en 2017 (ses aveux sont ici).
Quelles prospectives ?
– L’assassinat n’est pas lié à l’élection présidentielle ukrainienne qui aura lieu dans 6 mois. Porochenko n’en retirera aucun bénéfice. Il est sans doute un assassinat d’opportunité. Notons le manque de professionnalisme du service de sécurité du Président Zakhartchenko qui confirme que les services de sécurité russe ne s’occupaient pas de la protection du Président.
– L’un des motifs de Kiev pourrait avoir été la déstabilisation de la République, mais la réaction de la population a, au contraire, démontrée une unité incontestable de cette dernière autour de son chef.
– Le relève semble assurée avec Denis Pouchiline qui est partisan d’une ligne dure avec Kiev.
– L’exemple de Plotnitski à Lougansk montre que si Moscou n’est pas satisfait par un leader local, il lui suffit de lui demander de partir sans avoir besoin de l’assassiner.
– La sortie des accords de Minsk semble être le véritable motif de Kiev. Ces accords sont considérés par Kiev depuis le début, comme une défaite, car ils rendent inopérante la “solution croate”, rêvée par les dirigeants et les nazis ukrainiens. Le statut d’autonomie du Donbass sera le signal pour le reste de l’Ukraine d’une large fédéralisation ou confédéralisation.
– Kiev veut donc sortir de ces accords, sans que la faute puisse lui en être attribuée et espérait sans doute que cet assassinat provoquerait une réaction militaire de la DNR, qui justifierait l’abandon des accords de Minsk. C’est pour cela que, le jour même de l’attentat, le représentant russe à l’ONU annonçait la poursuite des accords de Minsk.
– L’offensive redoutée par la DNR ne s’est évidemment pas produite non plus, car l’armée ukrainienne est inopérante. En outre l’automne est là désormais avec les pluies à venir qui rendront le terrain impraticable jusqu’en décembre ou même janvier.
En conclusion :
Le Donbass libéré continue sa réintégration dans l’espace économique russe sur le modèle ossète ou abkhaze. Le temps joue pour la Russie et contre les occidentaux qui doivent supporter seuls le poids du boulet économique ukrainien. Trois événements seront très importants pour l’avenir de l’Ukraine : les “midterms” américaines du mois de novembre 2018, les élections présidentielles à Kiev en mars 2019 et les législatives en fin d’année.
La mort d’Alexandre Zakhartchenko prive la DNR d’un chef très populaire mais n’a pas affaibli la combativité de la République. Elle n’aura aucune conséquence sur la violence du choc qui frappera l’Ukraine lorsque cette dernière percutera “le mur de 2019”.
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