Très peu de commentateurs osent le dire depuis que l’Alternative für Deutschland (AfD) a remporté une élection locale dimanche 25 juin en Thuringe. Le motif le plus profond du parti de la droite conservatrice et patriote dans les suffrages est son opposition, depuis le début, à la guerre d’Ukraine. Sur l’échiquier politique allemand, seule la Gauche (Die Linke) se rapproche un peu de l’AfD sur le sujet, mais avec des divisions internes assez marquées.
Cet article est publié en partenariat avec BrennusAnticipation et le Courrier des Stratèges
Dimanche 25 juin 2023, Robert Sesselmann, un candidat de l’AfD, l’Alternative für Deutschland, a gagné, à Sonneberg, à la frontière de la Thuringe et de la Bavière, une des rares élections qui se joue au scrutin uninominal en Allemagne, pour élire les conseillers de district.
L’extrême-droite de retour en Allemagne ?
Une élection à la majorité absolue au second tour. Mais après un premier tour à presque 47% ! A ce premier tour, les Verts avaient été éliminés et le SPD faisait presque quatre fois moins que l’AfD :
Pour utiliser le langage de la bien-pensance, il y a bien eu un « front républicain ». Mais cela n’a pas suffi pour faire élire le candidat opposé à Sesselmann, représentant la CDU, le parti de Helmut Kohl et d’Angela Merkel.
Je précise tout de suite que je suis, dans la plupart des pays, assez indifférent au label « extrême-droite » mis sur le moindre parti de droite un peu conservateur. En revanche, je me suis toujours senti mal à l’aise avec une partie de l’AfD. En particulier, c’est en Thuringe que se trouve, l’un des cadres les moins recommandables du parti, de mon point de vue : Björn Höcke, chef du parti dans le Land et membre du parlement régional de Thuringe, qui fait régulièrement parler de lui avec des déclarations provocatrices sur le passé nazi. Par exemple quand il a traité le Mémorial de l’Holocauste, à Berlin, comme un « monument de la honte ».
L’AfD avait commencé comme un parti situé à la droite de la CDU et reprochant au gouvernement d’Angela Merkel d’avoir accepté, depuis 2012 une gestion de l’euro non conforme au traité de Maastricht ni au pacte de stabilité. C’était un parti fondé par des professeurs d’universités. Ils ont rapîdement été dépassés lorsqu’après avoir dépassé la barre des 5% aux élections européennes de 2014, le parti a commencé à attirer militants et cadres. En ouvrant les frontières totalement à plus d’un million de réfugiés et migrants, fin 2015, Angela Merkel contribua à faire monter le parti. En 2017, c’est largement l’AfD qui empêcha Angela Merkel de de gouverner avec qui elle voulait – elle dut reconduire la Grande Coalition CDU-SPD, pourtant rejetée par les électeurs.
Avec le succès vint l’afflux de militants et la nécessité de s’organiser rapidement. C’est là que le parti, qui reprochait à Angela Merkel, son ouverture des frontières fut lui-même peu regardant sur qui le rejoignait. L’AfD ne refusa pas certains militants néo-nazis ou des profils du type de Björn Höcke.
Comment la guerre d’Ukraine à relancé le parti
A partir de là, le parti stagna. D’abord parce que les petites phrases provocatrices de tel ou tel sur le passé nazi ont détourné une partie des électeurs. Ensuite, parce que le parti se rallia à l’idée d’un Dexit, d’une sortie de l’Union Européenne, cause perdue en Allemagne. Enfin parce que le parti était incapable de surmonter la différence entre son audience dans l’ancienne RDA (supérieure partout à 20%) et dans les Länder de la vieille République Fédérale, à l’ouest (n’arrivant pas à passer la barre des 10%).
C’est la guerre d’Ukraine qui a relancé le parti. Regardons comme Robert Sesselmann a fait campagne. Il a dénoncé l’inflation, la montée des prix de l’énergie, le programme de « transition énergétique » de la coalition au pouvoir. Le plus caractéristique, dans cette élection, c’est que nous sommes dans une région prospère économiquement, où le chômage est à 5%. C’est aussi une région où il y a très peu de populations d’origine étrangère. Le moteur de l’élection, c’est le mécontentement face à la coalition au pouvoir. Le refus du programme dit du « feu de circulation » – rouge-jaune- vert, selon les couleurs des partis au gouvernement.
En lisant tous les commentaires, lundi26 et mardi 27 juin, j’ai été frappé par la tendance à minimiser ou passer sous silence, chez la plupart des observateurs, le premier motif de vote pur l’AfD actuellement : le rejet du soutien allemand à la guerre d’Ukraine. Seul ce facteur permet de comprendre que l’AfD soit passée, dans les sondages, de 10/12% à 18/ 20% en moyenne nationale ; avec plus du tiers des intentions de vote dans l’ancienne Allemagne de l’Est.
Nous touchons là au tabou de la politique allemande actuelle : la population est majoritairement en faveur d’une retenue de l’Allemagne, qui ne devrait pas prendre parti. Les Allemands souhaitent, à plus de 70%, l’engagement de négociations de paix.
La position officielle de l’AfD sur le sujet de la guerre d’Ukraine
Pourquoi l’AfD profite-t-elle de ce climat ? Pour le comprendre, il suffit de se reporter à la résolution du groupe au Bundestag, publiée au mois de juillet 2022 :
« La guerre contre l’Ukraine est une guerre d’agression de la Russie, contraire au droit international, que nous condamnons fermement.
Nous portons le deuil avec les familles des soldats tombés et des victimes civiles des deux côtés.
Le groupe parlementaire de l’AfD exige du président russe un arrêt immédiat des combats et s’engage fermement pour un cessez-le-feu immédiat ainsi que pour l’envoi d’une force de maintien de la paix ONU/OSCE en Ukraine.
Nous soutenons les pays frontaliers qui accueillent un très grand nombre de réfugiés ukrainiens, ainsi que les organisations humanitaires actives sur place, comme la Croix-Rouge. Nous sommes favorables à l’accueil temporaire des réfugiés de guerre ukrainiens, à condition qu’il s’agisse de citoyens ukrainiens.
Nous refusons l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN.
Les sanctions économiques doivent être rejetées. Nous sommes favorables à des sanctions contre les responsables et les partisans de la guerre d’agression.
La livraison d’armes dans des régions en crise ou en guerre doit être rejetée par principe, car elle contribue à l’escalade. Une décision d’une telle importance devrait être réservée au Bundestag par un vote nominal.
Le tournant énergétique des partis établis, avec l’abandon simultané du charbon et du nucléaire, nous a rendus dépendants et vulnérables. Nous tenons à Nord Stream II, car ce gazoduc est une contribution essentielle à un approvisionnement énergétique fiable, sûr et bon marché de l’Allemagne. Nous demandons le retour à l’énergie nucléaire et la poursuite de l’exploitation des centrales à charbon modernes.
Nous demandons aux partis politiques, à toutes les forces sociales et aux médias de lutter résolument contre les discriminations croissantes à l’égard des concitoyens russophones ».
J’ai cité le texte en entier parce que, sur chacune de ses formulations, il est susc eptible de rassembler plus de 50% des Allemands.
Un parti qui lutte contre la russophobie est obligé de rejeter radicalement le nazisme
Evidemment, pour avoir publié un tel texte, le parti a été qualifié de « pro-Poutine ». La position sur la guerre en Ukraine a justifié la prolongation de la mise sous surveillance du parti par le renseignement intérieur allemand. L’AfD a sans doute aggravé son cas en obligeant le Bundestag à débattre d’une résolution de paix en février 2023.
Le parti sera-t-il – pour le meilleur – dépassé par la cause qu’il défend ? Un Allemand qui dénonce la russophobie ne peut pas continuer à jouer avec le passé nazi. Faut-il rappeler que le régime nazi a causé la mort de 14 millions de civils en URSS occupée (dont 2 millions de Juifs soviétiques) ? Que l’armée allemande a pratiqué un génocide en exterminant 3,7 millions de soldats soviétiques en captivité, par famine délibérée ou par mauvais traitements ?
En tout cas, on assiste à un glissement de terrain dans la politique allemande. L’AfD a dépassé les trois partis de la coalition pris individuellement dans tous les sondages. La CDU n’arrive pas à franchir la barre des 30%, en profitant du mécontentement de la population contre la coalition au pouvoir. L’alignement des chrétiens-démocrates sur le gouvernement en matière de soutien à l’Ukraine et de livraison d’armes est évidemment un facteur décisif.
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Bonjour,
Plutôt qu’un Dexit je pense à un mélange entre une guerre civile et une guerre de sécession, où les partisans du fédéralisme seraient opposés aux partisans du confédéralisme.
Des mouvements d’extrême droite s’élèvent un peu partout en Union Européenne et j’ai le sentiment que l’ambiance générale ressemble à l’URSS un peu avant sa chute.
J’ai l’impression que c’est plus l’inertie qui fait tenir l’édifice en place mais nous avançons à la manière de vingt-sept poulets décapités. Ce n’est que mon avis.
Comment quelqu’un de sensé pourrait-il se déclarer contre la guerre en Ukraine, tout en soutenant ouvertement les nazis qui ont pris le pouvoir à Kiev ( coup d’état fomenté, financé, et soutenu par les nazis Américains, britanniques, polonais, baltes, ukrainiens, et par ceux de l’Union Européenne, dont la France ) ?
Viktor Ianoukovytch,, le président démocratiquement élu en 2010, et destitué illégalement par les nazis de la Rada de Kiev en Février 2014, craignant le pire, a été obligé de fuir le pays avec sa famille.
Actuellement il est en Russie, et ça m’étonnerais fort que les anglo-saxons et européens, viennent le déloger !
Il apparait clairement qu’il n’y a pas eu ” invasion de l’Ukraine par la Russie “, mais stricte application de la promesse faite ( devant témoins, et même enregistrée par l’administration américaine ) selon laquelle l’ O.T.A.N. ne chercherait pas à s’élargir à l’Est, notamment en Ukraine.
Mais les Etats-Unis et le respect des traités , même signés ( visages pâles à la langue fourchue, selon Geronimo )…
Par-contre, les russes se sont satisfaits de la parole des Etats-Unis, ce qui a été une erreur tragique, mais ils avaient prévenu que ce serait la ligne rouge à ne pas franchir, si l’ O.T.A.N. venait s’installer en Ukraine !
Alors, quand les massacres contre les russophones ukrainiens ont commencé, à Kiev, à Odessa, à Marioupol, à Severodonesk, à Donetsk, et à Lougansk. la Russie est intervenue pour protéger ces russes d’origine ( aux termes de la Charte des Nations-Unies sur le droit des peuples opprimés à disposer de leur destinée ).
Et 15.000 morts parmi les civils russophones ukrainiens, ça semble correspondre aux critères de la Charte !
D’ailleurs, le 17 Juillet 1959, Les Etats-Unis ont publié la Loi Publique n° 86-90, appelée ” semaine des nations captives, dans laquelle l’Est de l’Ukraine ( le Donbass ) a été appelé Cossackia ( ça fait plus joli ).
Cette loi en anglais, au format PDF, est consultable sur le Net.
Conclusion : la Russie a strictement respecté les lois internationales en intervenant en Ukraine, à la demande des russophones ukrainiens qui l’appelaient à l’aide, et certainement pas pour conquérir des territoires.
C’est de loin le plus vaste pays du monde ( 11 fuseaux horaires sur 24 dans sa plus grande largeur ) et elle dispose de toutes les ressources naturelles pour assurer une autarcie totale !
Alors, qu’est-ce qu’elle en a à foutre de l’Union Européenne, où il ne reste rien à piller !
Si les Etats-Unis veulent vraiment la guerre on ne peut les en empêcher, mais il va falloir que les G.I.s aillent sur le terrain plutôt que d’envoyer les autres, car bientôt il n’y aura plus d’armée ukrainienne !
Et là, je pense qu’il y aura nettement moins de va-t-en guerre ! ( courageux mais pas téméraires, les sans-couilles ).
D’ailleurs l’Ukraine ne fait partie ni de l’Union Européenne, ni de l’ O.T.A.N. ( et j’espère que ça n’arrivera jamais les nazis oligarques au pouvoir à Kiev étant un véritable fléau de corruptions en tous genres ).
Comme les flots de l’Atlantique-Nord ne baignent pas les plages d’Odessa, et que l’ O.N.U. n’a pas déclaré la guerre à la Russie, la France n’a strictement rien à foutre dans cette guerre illégale ( comme toutes les guerres américaines !.
Alors si notre nain de jardin veut anéantir la Russie, qu’il s’engage dans les Marines au lieu d’emmerder le monde !
Xavier, tu es ma source privilégié pour l’actualité du conflit européen. Je te dis merci beaucoup pour tes éclairages.
J’ai une demande a te faire en ce qui concerne Filipot: S’il te plait mets moins en avant la girouette qui capte le vent et le brasse. C’est un opposant de carton, un traitre qui change d’avais comme de chemise.
Je ne vous suis pas au sujet de Florian Philipot : le trajet est toujours le même, le programme est disponible sur le site des Patriotes. Souveraineté donc sortie de l’UE et de l’OTAN. Le seul rajout a été la lutte contre la vaccination obligatoire COVID.
Le bémol que je mets au parti (que j’ai déjà exprimé en interne puisque je suis militant), c’est que l’on devrait montrer une équipe et non juste M. Philippot, et tenter de se rapprocher de partis européens avec lequel nous sommes d’accord sur l’essentiel (AfD, FPÖ autrichien et Fidesz hongrois notamment).
Je suis assez proche de M. Asselineau également, mais son activité sur le terrain me semble insuffisante.