ACTUSynthèse Brennus

BRENNUS – Proche-Orient: cette voix française en faveur du droit international et de la paix que des gouvernants mondialistes étouffent

Un sondage publié par l’IFOP dont je reproduis un extrait ci-dessous le dit sans ambiguïté: les Français,  malgré l’information biaisée qui leur est livrée, font preuve de modération et de bon sens quand on les  interroge sur le conflit de Gaza. Les gens qui nous gouvernent mais aussi la plus grande partie de l’opposition politique étouffent la voix de la France face au conflit de Gaza. Notre pays est fait pour défendre l’indépendance des nations, la paix entre les peuples, le respect du droit international et la lutte pour la dignité des personnes contre toutes les oppressions impériales. Au fond d’eux, les Français voudraient un gouvernement, une classe politique, des médias qui combattent pour que la paix entre Israël et les Palestiniens et la création d’un État palestinien adviennent enfin après 75 ans d’irrationalité, largement due à l’instrumentalisation du conflit par les grandes puissances -et dansles trente dernières années, par les seuls Etats-Unis. Si nos gouvernants se battaient avec détermination, comme Mitterrand et Chirac le faisaient encore, pour le droit international, la paix et l’apaisement des passions, on entendrait à nouveau cette voix de la France. Effectuant par profession une veille de l’actualité internationale ; me sentant concerné, comme chrétien, par ce qui se passe en « Terre Sainte » ; ayant réfléchi depuis longtemps à ce qui constitue la substance d’une diplomatie conforme aux intérêts de mon pays, je livre ici une réflexion provisoire mais approfondie sur ce que devrait être la position de Paris face à l’actuel épisode de l’affrontement israélo-palestinien.

Cet article est publié en partenariat avec Le Courrier des Stratèges et BrennusAnticipation.

Voici un extrait d’un sondage IFOP publié le 28 octobre 2023. Les résultats devraient faire réfléchir nos gouvernants : la population française, malgré la partialité de nos médias, affiche un solide bon sens. Il suffit de regarder les chiffres de la couleur crème : “ni sympathie ni antipathie”! La politique de désescalade et de médiation française proposée ci-dessous paraît mieux correspondre aux aspirations des Français que ce qu’on nous propose depuis trois semaines :

Le 7 octobre: non pas un “nouveau Bataclan” mais une attaque militaire dévastatrice et humiliante pour l’État israélien

Quasiment tout le discours public développé depuis le 7 octobre en France relève du contresens sur les événements : Israël n’a pas été surpris par des terroristes mais par des soldats ; les victimes israéliennes ont été, dans leur grande majorité, soit des soldats soit des individus qui se sont trouvés pris entre les feux de deux armées combattantes. “Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde” dit Camus. Confondre le “7 octobre 2023” avec “le Bataclan”, c’est se laisser manipuler par une armée et un gouvernement israéliens qui veulent venger leur humiliation sans qu’on ait de motifs de les critiquer. Ne rentrons pas dans cette logique mortifère, en premier lieu pour les deux peuples concernés: Israéliens et Palestiniens !

Les opinions occidentales s’obstinent à présenter les événements du 7 octobre comme une attaque terroriste ayant fait principalement des victimes civiles. En France, on parle d’un nouveau “Bataclan”. En réalité, il s’agit d’un court-circuit dans l’analyse. Dans notre monde occidental devenu totalement émotionnel et où l’on ne considère plus prioritaire, à l’école, de doter les individus d’une culture générale, on ne sait plus ce

que c’est que la guerre. L’attaque du 7 octobre est un acte de guerre ! Il a fait d’abord des victimes parmi l’armée, la police et les services secrets israéliens. Ensuite – et c’est l’un des buts les plus anciens des guerres dans l’histoire, les combattants palestiniens ont pris des otages, en vue d’une négociation avec l’État d’Israël. Enfin, d’après ce qu’on reconstitue, les victimes civiles appartiennent à deux catégories: il y a eu d’une part des individus tués lors de l’attaque palestinienne mais d’autres victimes civiles sont tombées parce qu’elles étaient prises entre deux feux, l’armée israélienne ayant fini par reprendre pied contre l’assaillant. La contre-attaque israélienne a en outre provoqué la mort de combattants palestiniens – j’ai lu jusqu’à 1500, sans pouvoir vérifier le chiffre.

La comparaison avec le Bataclan me paraît d’autant moins justifiée, que le 13 novembre 2015, en France, nous avions affaire à des tueurs ayant profité de la libre entrée dans l’espace des accords de Schengen et de la libre circulation au sein de cet espace, ayant fait des milliers de kilomètres pour venir commettre leurs lâches attaques contre des individus désarmés. Le 7 octobre, en Israël, nous avons eu affaire au franchissement par surprise d’une frontière militairement gardée. C’est un conflit entre voisins. En se rappelant que l’un des voisins, non seulement, ne se tient jamais aux décisions du syndic de copropriété (l’ONU) mais prétend même contrôler les allers et les venues de son voisin de palier, dont il a occupé une grande partie de l’appartement, le confinant dans deux pièces inconfortables.

Revenons à cette terrible défaite, humiliante même, pour l’État d’Israël. L’une de mes sources m’a confirmé que des agents du Mossad, à qui on fait une réputation d’invincibilité, avaient été faits prisonniers ou tués, totalement par surprise. Une autre de mes sources me dit que parmi les victimes de l’attaque, il y a plusieurs hauts gradés de Tsahal.

En réalité on a eu affaire à une razzia dans la tradition militaire arabo-musulmane, accompagné de tirs de roquettes. Ajoutons le fait que de nombreux tirs des combattants palestiniens ont franchi le “Dome de Fer” réputé arrêter tous les tirs de missiles d’un assaillant. Pour dissimuler l’ampleur du fiasco, la propagande gouvernementale israélienne a imposé des éléments de langage : attaque terroriste etc…N’ayant vu, jusqu’à aujourd’hui, aucun document probant – mais je les porterai à la connaissance du public si j’en trouve – je suppose que l’histoire des “bébés décapités” par le Hamas relève d’une peu ragoûtante propagande de guerre, ayant d’abord eu pour objectif de faire oublier le fiasco du gouvernement de Tel-Aviv, de Tsahal, du Mossad et de l’AMAN (renseignement militaire israélien).

Faut-il rappeler enfin, qu’il n’y a pas que le Hamas parmi les assaillants palestiniens ? Il y a aussi le Jihad islamique (sunnite, partisan de l’alliance avec le Hezbollah) – le Front populaire de libération de la Palestine (d’inspiration marxiste) – et le Front populaire de libération de la Palestine – Commandement Général, branche dissidente dès les années 1970, caractérisée  par  son radicalisme dans l’action, plus que par une idéologie.

Réduire les assaillants d’Israël  le 7 octobre 2023 au seul « islamisme » est donc très réducteur. Il faudra comprendre quelles impulsions ont mené, au contraire, à un rapprochement des frères ennemis palestiniens. 

Principes directeurs pour une politique française face à la guerre de Gaza

Une fois compris que le 7 octobre est le début d’une guerre, on devrait pouvoir garder la tête froide. La France a d’autant plus besoin de sérénité que vivent sur notre sol des Juifs et des musulmans. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nos gouvernements successifs n’ont pas été efficaces pour combattre les agressions antisémites ni pour intégrer les musulmans à la nation. Pourtant nous avons une tradition diplomatique solide, fondée sur la défense des souverainetés et le respect du droit international. Comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies, la France devrait prôner la désescalade et faire aboutir, avec la Russie et la Chine, la création d’un État palestinien.

A partir du moment où l’on a compris la nature des événements du 7 octobre, il est plus facile de sortir du climat émotionnel occidental. C’est absolument vital, du point de vue politique, dans notre pays, où vit, en nombre (450 000), la plus importante communauté juive d’Europe. Et où vivent presque 6 millions de musulmans.

Le premier devoir d’un gouvernant étant de préserver la paix civile, je ne comprends pas l’attitude de nos autorités, qui ont clairement, le président Macron en tête, pris parti pour l’un des deux belligérants. Cela me paraît d’autant plus irresponsable que l’on assiste, depuis une trentaine d’années, à une montée des agressions contre des Français de confession ou de culture juive. Mais aussi parce que nos compatriotes de pratique ou de culture musulmane prennent spontanément parti pour les Palestiniens. Ajoutons le potentiel d’importation en France de comportements violents, voire terroristes: y aurait-il eu le meurtre d’un professeur à Arras si Emmanuel Macron avait joué son rôle de protecteur de la nation et mis ses pas dans ceux du Général de Gaulle, en adoptant comme deux autres membres permanents du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine, une attitude de neutralité et des appels à la modération?

Le comportement du gouvernement français est d’autant plus incompréhensible en effet, que nous avons la chance de disposer d’un précieux héritage diplomatique qui devrait nous faciliter la tâche, au Proche-Orient, par rapport à d’autres nations.

+ Depuis la création de l’Etat d’Israël, la France a développé, en particulier par la bouche du Général de Gaulle, une vision équilibrée qui insiste sur le fait que la légitimité d’Israël ne repose pas sur un (toujours contestable) droit historique à occuper tel ou tel territoire mais d’un accord des Nations Unies en 1947. Cette vision des choses a été clairement exprimée par les successeurs de Charles de Gaulle, jusqu’à Jacques Chirac. Après cela, les trois successeurs se sont un peu laissés emberlificoter par la manière américaine et israélienne de déclarer impossible en pratique la création d’un Etat palestinien; mais la position officielle de la France n’a pas changé.

Faire entendre la voix de la France sur ce sujet serait d’autant plus important maintenant que l’actuel gouvernement israélien, enferré dans so refus de se comporter comme un Etat souverain – c’est-à-dire affirmant non seulement son indépendance mais son respect des règles établies par la communauté internationale – recourt régulièrement à l’insulte vis-à-vis de l’ONU. Ce qui est le plus mauvais service à rendre au peuple israélien.

+ Vu comme la situation est tendue internationalement et vu les risques de dérapage à l’intérieur de nos frontières à partir du moment où notre gouvernement s’obstine à soutenir inconditionnellement Israël tandis qu’une partie des Français (cela va bien au-delà de nos compatriotes musulmans) éprouve une sympathie croissante pour la cause palestinienne: il est urgent de se rappeler la sagesse politique d’un de nos plus grands hommes d’Etat, le Cardinal de Richelieu. Elle tient en deux points: (1)on ne mélange jamais religion et politique -sauf pour garantir la liberté de conscience, la liberté religieuse,la libre pratique du culte; (2) on dresse des pare-feux dès qu’un conflit international risque de venir alimenter un conflit interne à la nation.

L’actuel conflit israélo-palestinien nous incite à utiliser d’urgence la méthode du grand Cardinal, qui a toujours refusé d’assimiler le règlement des relations entre les protestants et la Couronne de France, à ce qui se passait, à l’extérieur des frontières – la Guerre de Trente Ans, qui dévasta une partie de l’Europe, avait commencé comme une guerre de religion, en 1618; elle se termina, sous l’impulsion du Cardinal Mazarin, héritier politique de Richelieu, par une paix d’équilibre (traités de Westphalie, 1648), qui ne suivait en aucun cas la religion comme principe directeur d’un règlement politique.

+ Janus diplomatique, le Cardinal de Richelieu anticipait un avenir fait de liberté religieuse sans abandonner la tradition de la monarchie capétienne, existant depuis le Moyen-Âge, de protection des chrétiens de Terre Sainte et du Proche-Orient. Aujourd’hui, ce vénérable héritage diplomatique – que nous avons intérêt à exercer en commun avec la Russie, à l’opposé de la (très contraire aux intérêts français) guerre de Crimée de 1853-1856, doit nous conduire à nous préoccuper du sort des chrétiens au Proche-Orient.

Les chrétiens disparaissent du Proche-Orient, guerre après guerre, depuis trente ans

L’indifférence du gouvernement et de la classe politique française à l’égard des chrétiens de Terre Sainte, depuis le début de cette guerre de Gaza, est une trahison de notre histoire; mais aussi la perte d’un atout maître pour notre diplomatie. En ne faisant pas de la défense des chrétiens une priorité, nous privons la région d’un facteur essentiel de pacification. En réalité, notre indifférence à l’égard des chrétiens de Gaza, qui ne sont plus que quelques milliers,est le révélateur d’un mal plus profond: les voix politiques ou intellectuelles en appelant à la conscience de l’humanité sont devenues d’autant plus rares que la caste combat toute voix dissidente.

Baptême à l’Église de la Sainte Famille de Gaza (2023)

Comme historien, comme Français, comme chrétien, je ne prends parti ni pour les uns ni pour les autres; j’ai toujours éprouvé une sympathie spontanée pour les Israéliens, leur énergie, leur courage, leur créativité. Sympathie tempérée par cette rudesse que j’ai constatée à chacun de mes séjours dans ce qui est pour moi d’abord la “Terre Sainte” où Jésus a vécu, rudesse, disais-je, de l’Etat d’Israël envers mes frères chrétiens – y compris quand ils ont un passeport israélien.

Quand je pense à la Terre Sainte, me revient souvent en mémoire, le visage d’Abu Georges, le chauffeur chrétien arabe, habitant Nazareth, qui conduisait le bus de notre petit groupe de pélerins, en 1989. J’ai rarement croisé un être d’une telle étoffe humaine, Depuis 1989, je suis souvent retourné en Israël, la plupart du temps pour des raisons professionnelles. J’ai toujours pris du temps pour écouter où en était le pays. J’y ai croisé des chrétiens, Arabes, presque toujours frustrés, en colère, déçus que l’Etat dont ils ont le passeport les soupçonne d’être déloyaux parce que Palestiniens.

Les chrétiens sont minoritaires au Proche-Orient. Mais ils sont le révélateur, la pierre de touche des pensées profondes. Les Etats-Unis d’Amérique, puissance qui ne se prive pas d’invoquer le Dieu des chrétiens, par leurs guerres atroces, ont conduit à ce que le nombre de chrétiens d’Irak soit divisé par dix en trente ans, passant de 1,5 million à 150 000. Partout, les guerres ont fait fuir les chrétiens:80% des Libanais qui vivent hors de leur pays sont des chrétiens.

Alors oui, quand je pense à Israël, à la Palestine, au Proche-Orient en général, ma première pensée va toujours à mes frères chrétiens.

En ce samedi 28 octobre, où les communications avec Gaza sont coupées, je pense aux chrétiens de Gaza: les rescapés du bombardement de Saint Porphyre par l’armée israélienne, qui continuent à s’occuper de leurs frères, chassés par les destructions de Tsahal, au nord. Je pense à mes frères catholiques de l’Eglise de la Sainte Famille, dont , jusqu’à hier, le Pape prenait régulièrement et directement des nouvelles. Je pense aux Missionnaires de la Charité (les Soeurs de Mère Teresa), aux autres ordres religieux, aux associations caritatives qui sont à Gaza pour soulager les souffrances de la population civile bombardée.

J’aurais attendu que la diplomatie de mon pays se souvînt de l’engagement pris par nos rois, avant même Saint Louis, de protéger les chrétiens du Proche-Orient. Le Liban ne ressortira-t-il pas un peu plus affaibli, encore, de la crise actuelle? Le devoir de la France n’est-il pas de tout faire pour éviter que le pays soit entraîné lui aussi dans la guerre? En pensant d’abord à nos frères chrétiens du Liban, les maronites et les autres!

La France n’est-elle pas, de manière immémoriale,la protectrice des Lieux Saints? Et la protection des chrétiens en Terre Sainte? J’aurais aimé entendre la voix de la France après le bombardement israélien de l’église orthodoxe Saint Porphyre à Gaza. J’aimerais que la France avertisse Israël sur la question des catholiques de Gaza (église de la Sainte Famille, qui avait été bombardée, elle, en 2014 par lsraël). Nous sommes membres permanents du CSNU. J’aurais aimé que nous demandions avec la Russie une force d’interposition pour protéger les sanctuaires chrétiens à Gaza, et tous les établissements caritatifs chrétiens, en même temps que les mosquées, les hôpitaux, les écoles etc… .

Qu’on ne m’explique pas que c’est normal, puisque notre pays est largement déchristianisé. Beaucoup des voix que nous entendons, dans la classe politique, dans les médias, ne sont porteuses d’aucun progrès par rapport au temps d’avant, celui de la France chrétienne! Avons-nous entendu des paroles de compassion sur le sort des Palestiniens bombardés? Ceux qui nous gouvernent et ceux qui nous informent ont-ils eu des réflexes élémentaires d’humanité face au blocus renforcé de Gaza, qui empêche l’aide humanitaire d’arriver autrement qu’au compte-gouttes? Face aux hôpitaux bombardés (s’il vous plait, évitez de répéter que ce sont les combattants palestiniens qui ont en partie détruit l’hôpital chrétien baptiste de Gaza;à ce jour on n’en sait rien)?

Personne parmi les gouvernants occidentaux n’a le courage de tenir un discours de vérité aux Israéliens: leur opération militaire a fait d’ores et déjà sept fois plus de victimes que l’attaque des combattants palestiniens. On ne bombarde pas une population civile quand on prétend “traquer des terroristes”. L’utilisation de bombes au phosphore sur des civils est un crime de guerre. Et l’expulsion forcée des habitants du nord de Gaza,le désir d’expulser tous les Gazaouis vers l’Egypte, cela porte un nom….,

J’ai grandi dans une France où les affrontements étaient quelquefois durs entre chrétiens et non-chrétiens, mais les deux camps avaient du respect l’un pour l’autre car des deux côtés du “grand fossé” qui divisait le village, on combattait la même cause, celle de l’égalité entre les hommes et de la dignité fondamentale des personnes. Où sont passés aujourd’hui la conscience humaniste et le courage moral qui caractérisaient les grandes voix intellectuelles de notre pays?

Pourquoi la diplomatie française doit garder la tête froide

Jean Goychman a, dans le Courrier des Stratèges, établi le lien géopolitique fondamental entre l’élargissement des BRICS à quatre Etats du Proche-Orient et l’éclatement de la Guerre de Gaza. A partir de là, on identifie un possible scénario, complexe, dans lequel les Turcs et les Qataris ont pu avoir intérêt à contribuer à une attaque peut-être aussi regardée avec intérêt par des Américains en perdition. C’est un scénario possible, qui ne doit pas, pour autant, faire perdre de vue, la révolte des peuples,qui se solidarisent avec la cause palestinienne et qui vont laisser peu de marge de manoeuvre aux gouvernements. Il faut connaître tout cela par le menu, pour savoir ensuite avec qui on s’allie.

Je crois me souvenir que Metternich a parlé un jour des « entrailles de fer » de l’homme d’Etat. Mais nous avons délaissé les sentiments d’humanité, sans pour autant, acquérir la maîtrise d’une raison d’Etat froide et cynique. La naïveté des analyses sur la toile de fond de la guerre est même confondante, à quelques exceptions près comme Dominique de Villepin ou Hubert Védrine.

Mais il faut aller plus loin que ces deux hommes qui pensent malgré tout dans un cadre obsolète, celui de la fin du XXè siècle et d’une “Amérique bienveillante”.

J’ai lu chez Jean Goychman (dans le Courrier des Stratèges :)) l’établissement du lien entre l’élargissement des BRICS, fin août 2023, et ce qui se passe actuellement. les nouveaux membres admis comprennent quatre acteurs-clé du Proche-Orient. l’Iran, l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis. Par ailleurs, l’Arabie Saoudite était, avant le7 octobre, dans un double rapprochement, avec l’Iran et avec Israël.

Ai-je beaucoup de mal à imaginer que cette évolution géopolitique faisait trois mécontents: la Turquie, les Palestiniens et le Qatar?

Connaissant la duplicité d’Erdogan, dont le pays était candidat aux BRICS mais n’y a pas été admis cette année, est-il impensable que la Turquie ait volontiers entraiîné une résistance palestinienne qui, elle-même, n’avait pas l’intention de faire les frais d’une entente entre l’Arabie Saoudite et Israël sous patronage américain?. Erdogan pourrait avoir d’autant plus joué un rôle décisif que le chef de l’islam turcophone ne peut pas se satisfaire du rapprochement entre l’islam arabophone et l’islam persophone. patronné par la Chine.

Par la violence du discours qu’il a prononcé samedi 28 octobre, Erdogan s’est réaffirmé comme l’un des meilleurs soutiens de la cause palestinienne.

Et puis la Turquie n’est-elle pas membre de l’OTAN? Après être restée neutre dans la guerre d’Ukraine, n’était-il pas temps de rendre un service à des Américains pas mécontents de susciter un conflit qui détourne les regards du désastre quel’armée ukrainienne, protégée de l’OTAN, est en train de subir?

Au passage, on fera un raisonnement du même type pour le Qatar, financeur traditionnel des Palestiniens; et d’autre part en but à l’hostilité de l’Arabie Saoudite pendant plusieurs années.Saboter les accords d’Abraham, pour mettre en porte-à-faux les Emirats Arabes Unis et Bahrein pouvait être une perspective attrayante.

Poursuivons le scénario. Est-il absurde d’imaginer que le Mossad ait eu, par ses infiltrés dans la résistance palestiniennes, des éléments d’information concernant l’attaque qui soient remontés jusqu’au Premier ministre? Mais sans que ce dernier ait suffisamment d’éléments pour prendre la mesure de ce qui allait se passer. Un Premier ministre aux abois politiquement avait tout intérêt à une “petite guerre” contre le terrorisme. Les événements l’ont dépassé. L’attaque de la résistance palestinienne a infligé à Israël une lourde défaite.

L’explication par la manipulation extérieure des combattants palestiniens a bien entendu ses limites : je mentionnais plus haut l’étonnante réconciliation de toutes les factions palestiniennes (hors Autorité Palestinienne). Posons l’hypothèse d’une volonté de s’unir pour faire échouer la réconciliation entre l’Arabie Saoudite et Israël.  

Voilà comment on élabore des scénarios interprétatifs quand on cherche à défendre les intérêts de son pays. L’analyse faite du comportement des acteurs doit aider à déterminer le meilleur choix pour la France. La politique étrangère est une scène sur laquelle on doit garder la tête froide, ne s’étonner de rien, encore moins s’indigner. Ne jamais se laisser dicter sa conduite par ses émotions ni ses croyances. Il ne peut y avoir qu’une boussole: celle des intérêts de la France. Nous parlons avec tout le monde. Nous ne nous engageons avec personne. La France est indépendante. Elle ne se compromet pas. Nous sommes présents sur tous les océans du globe. Nous devons avoir une logique de dialogue avec tous. Notre ambition doit être, un jour, de rentrer dans les BRICS. Dans l’immédiat, la France pourrait être médiatrice, arbitre, constructrice d’un traité de paix au Moyen-Orient.

Ce dont je vous parle est la formulation, sous forme de questions, que je tire de plus de vingt ans de veille quotidienne sur les affaires internationales à partir d’internet, selon une méthode que j’ai mise au point pour échapper à la propagande OTANienne durant la guerre du Kosovo. Je m’appuie aussi sur des entretiens avec des experts du Proche-Orient.

Il y a des réflexes à avoir, sur les affaires internationales. Par exemple le discours entendu en France ces dernières semaines sur un islam qui serait monolithique, ne tient pas face à la complexité des relations entre tous les pays musulmans du Proche-Orient.

J’ai écarté d’autres hypothèses mais j’y reviendrai si nécessaire: pour l’instant, je ne crois pas que l’Iran ait joué un rôle prépondérant dans le déclenchement de la crise. Même si l’affaiblissement d’Israël lui rend service. Je ne crois pas non plus que la Russie ait trempé dans le coup. Même si la guerre du Proche-Orient lui permettra sans doute de finir plus rapidement la guerre d’Ukraine.

L’Iran, la Russie et la Chine n’avaient pas fondamentalement intérêt à cette guerre. Les trois pays ont une classe dirigeante trop expérimentée pour ne pas voir le risque que cette guerre du Proche-Orient fait courir au monde. C’est bien entendu avec eux que la diplomatie française devrait se concerter pour trouver les moyens d’une désescalade. Même l’Iran a intérêt à une désescalade avec Israël. Il faut savoir observer les comportements derrière les discours.

Éviter une apocalypse car il y a un vrai danger d’escalade mondiale

La taille de la flotte envoyée par les États-Unis en Méditerranée, au large d’Israël, est suffisamment impressionnante pour faire comprendre les dangers qui pèsent sur la paix du monde. Personne, en France, qui élève la voix comme Jaurès, pour dénoncer la folie du comportement occidental. Car s’il est une différence avec 1914, c’est que les premiers pays visés par les États-Unis : la Russie, l’Iran, la Chine, ne veulent pas faire la guerre. Cependant, face au danger que représente le déclin cognitif de Joe Biden, qui ne contrôle pas ses conseillers ni ses militaires ; face à la stratégie sans scrupules de Benjamin Netanyahu; la rationalité diplomatique ne suffit pas. D’autres outils se préparent : l’arme de l’embargo pétrolier et gazier, bien sûr, bien entendu – qui achèvera de mettre notre économie par terre et plongera de plus en plus de Français dans la misère. Mais il a aussi l’escalade de dernier ressort, militaire et nucléaire. La France, puissance nucléaire, doit peser de tout son poids pour éviter le scénario du pire.

Il existe bien évidemment un risque d’escalade et de montée aux extrêmes. Vladimir Poutine a fait part de sa préoccupation aux représentants des communautés religieuses de Russie qu’il recevait au Kremlin jeudi 25 octobre.

Effectivement, beaucoup de signaux sont inquiétants:

++ L’armée israélienne a subi une telle humiliation que ses chefs sont habités par la rage. La population de Gaza est la cible,depuis vingt jours de bombardements lourds, qui ont déjà fait bien plus de victimes que l’attaque du 7 octobre. L’indignation que suscite la réaction israélienne mobilise l’opinion dans tout le monde musulman. Un certain nombre de gouvernements seront poussés par leurs peuples à réagir.

++ Les États-Unis sont en recul partout dans le monde et il n’est rien de plus dangereux qu’un empire déclinant. Songeons à la manière dont l’Empire ottoman à la dérive, à la fin du XIXe siècle, a massacré les chrétiens, un processus qui débouche sur le génocide des Arméniens en 1915-1916. En l’occurrence, on a plutôt la situation inverse : après des décennies de massacres commis par les États-Unis au Proche-Orient et de piétinement par Israël des résolutions des Nations-Unies, avec l’accord américain, la révolte bouillonne universellement. Peut-on imaginer que Washington ou Tel-Aviv perdent leurs nerfs face à un monde dont ils ont sous-estimé l’hostilité ?

++Joe Biden n’a plus les capacités cognitives pour gouverner au moment où toute décision mal ajustée des USA peut ouvrir la voie à une escalade entre des puissances nucléaires.

++ Benjamin Netanyahu est prêt à tous pour survivre politiquement. On a vu dans son discours de jeudi 25 octobre qu’il pouvait recourir à une rhétorique religieuse et apocalyptique s’il pense que c’est dans son intérêt.

++Depuis les premiers jours du conflit, on assiste à des attaques du Hezbollah contre Israël. Et à des bombardements américains et israéliens en Syrie et au Liban. L’Iran et la Russie pourront-ils rester sans réagir ?

++Les Israéliens ont présumé de leurs forces. Ils font face à une coalition potentielle qui est est de puissance militaire supérieure, en particulier du fait de la puissance militaire iranienne. La taille de la flotte envoyée par les États-Unis en Méditerranée dit ce qu’est en réalité la perception américaine du rapport de forces en défaveur d’Israël.

La “guerre contre le terrorisme” prônée par Emmanuel Macron est de l’huile versée par tonneaux entiers dans un feu qui menace d’embraser la région. La France ne peut pas avoir d’autre langage que celui de la désescalade, de la négociation et de l’établissement, conformément aux résolutions de l’ONU, d’un État palestinien.

Les tentatives d’interdire les manifestations pro-palestiniennes en France sont le meilleur moyen d’envenimer la situation dans notre pays. Laissons aux laissés-pour-compte de l’intégration à notre nation, un exutoire, sans quoi, nous nous préparons des lendemains encore plus difficiles. Soyons sans pitié pour les délits ou les crimes antisémites. Mais cela ne veut pas dire – au contraire – que notre pays reprenne à son compte la propagande du gouvernement Netanyahu et du commandement de Tsahal. Une propagande qu’une partie de la société israélienne ne partage pas. Non seulement la France est menacée d’insignifiance au Proche-Orient si elle s’obstine à l’alignement sur les États-Unis ; mais nous prenons le risque de couper notre pays, longtemps symbole d’universalisme, de la plus grande partie de la planète. Les résultats d’une enquête de l’IFOP sur l’opinion française, placés en exergue à cet article, montrent d’ailleurs que la population française a plus de bon sens que le groupe peu recommandable de valets de l’Empire américain qui la gouvernent.

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Edouard Husson

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