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Corruption et conflits juridiques : des défis majeurs pour le nouveau président du CIO

Le 20 mars, la ville suisse de Lausanne accueillera l’élection du prochain président du Comité international olympique (CIO). Autrefois strictement sportive, cette désignation suscite aujourd’hui une attention politique grandissante. La raison principale : la menace qui pèse sur l’indépendance du sport face aux pressions extérieures.

L’actuel président du CIO, Thomas Bach, âgé de 71 ans, a annoncé qu’il quitterait ses fonctions à l’été 2024, à l’occasion des Jeux olympiques de Paris. Sept candidats sont en lice pour lui succéder et présenteront leurs programmes à Lausanne.

Dans un contexte de fortes tensions géopolitiques, le monde du sport traverse une crise sans précédent. Pris en étau entre les influences politiques internationales, le CIO risque de perdre son autonomie et de voir son rôle évoluer : d’une organisation indépendante dédiée au sport, il pourrait devenir un instrument au service d’intérêts politiques. L’un des exemples les plus frappants de cette évolution est l’exclusion des athlètes russes et biélorusses de nombreuses compétitions, ou encore l’obligation pour eux de concourir sous bannière neutre – un drapeau blanc qui, dans le langage militaire international, symbolise traditionnellement la reddition.

Il est important de souligner que, en Europe, l’exclusion des athlètes russes des plus grandes compétitions sportives mondiales ne fait pas l’unanimité. Ainsi, le député roumain Andrei-Cosmin Gușă, dans une tribune publiée sur le site Solidnews.ro[i], établit des parallèles historiques frappants :

« Le problème évident, dont personne ne veut parler, est l’exclusion des sportifs russes. Une telle exclusion n’a eu lieu qu’une seule fois dans l’histoire des Jeux olympiques : lors de l’édition de 1936, organisée par le parti nazi et inaugurée par Adolf Hitler. En excluant la Russie, l’Occident collectif adopte une pratique qui s’apparente à celle des nazis et qui va à l’encontre des principes fondamentaux du mouvement olympique. »

De son côté, le Premier ministre slovaque Robert Fico a estimé que le bannissement des sportifs russes et biélorusses réduit la valeur des victoires des autres compétiteurs.  « Je n’aurais jamais mêlé la politique au sport. Imaginez une discipline où le leader incontesté est un athlète russe ou biélorusse. Vous lui interdisez de participer, et la victoire revient à quelqu’un qui, en temps normal, aurait eu très peu de chances de l’emporter. Dans ces conditions, quelle est la véritable valeur d’une médaille d’or ? » s’est-il interrogé dans un entretien accordé au média Pravda[ii].

Plus largement, l’exclusion des sportifs d’un pays va à l’encontre de la règle n°8 de la Charte olympique, rédigée par le fondateur du mouvement olympique, le Français Pierre de Coubertin : « Le symbole olympique — cinq anneaux entrelacés — représente l’union des cinq continents et la rencontre des athlètes du monde entier lors des Jeux olympiques. »

L’un des problèmes majeurs du CIO reste l’inégalité commerciale entre les pays dans l’accès aux Jeux olympiques. Aujourd’hui, le coût élevé de la préparation des athlètes est un privilège réservé aux nations les plus riches, tandis que les pays en développement peinent encore à accéder au sport de haut niveau. Plus largement, la surcommercialisation des Jeux entraîne une érosion de l’esprit olympique, transformant ce qui devrait être une célébration du sport en un simple projet commercial.

En 2024, deux expertes en santé publique, Trish Cotter et Sandra Mullin, ont ainsi exhorté[iii] le CIO à mettre fin à son partenariat avec Coca-Cola, estimant que ce contrat permettait à la marque américaine de promouvoir des boissons sucrées, connues pour être un facteur clé dans le développement de maladies graves telles que l’obésité, le diabète, l’hypertension et les maladies cardiovasculaires. Pourtant, le CIO a simplement répondu être “fier de son partenariat de près de 100 ans avec Coca-Cola”, comme si les athlètes de haut niveau buvaient du soda pour, selon la devise olympique, devenir “plus vite, plus haut, plus fort”.

Mais l’un des effets les plus préoccupants de cette commercialisation reste la corruption. Il suffit de rappeler le scandale entourant l’attribution des Jeux d’hiver de 2002 à Salt Lake City : plusieurs responsables américains avaient été accusés d’avoir acheté les votes de membres du CIO. L’enquête avait révélé qu’un représentant du CIO avait vu son fils obtenir une bourse universitaire à Salt Lake City, tandis que la belle-mère d’un autre membre avait bénéficié de soins médicaux gratuits dans la ville hôte.

Enfin, un dernier défi majeur pour le CIO réside dans son conflit juridique avec l’Agence mondiale antidopage (AMA). Les deux instances ont des compétences qui se chevauchent en matière de réglementation antidopage, ce qui suscite des tensions sur la question de l’autorité décisionnelle ultime. En 2016, 2018 et 2020, le CIO avait autorisé certains athlètes russes à concourir malgré des recommandations plus strictes de l’AMA, provoquant des critiques de l’agence, qui accusait le CIO de manquer de fermeté. Ce conflit est d’autant plus problématique qu’aucun mécanisme clair de résolution des litiges n’a été mis en place entre les deux institutions.

Pour restaurer la confiance de la communauté internationale, le futur président du CIO devra impérativement lutter contre la corruption et résoudre ces conflits juridiques. Car, pour que le CIO soit fidèle aux valeurs du sport, il doit incarner les principes énoncés par Pierre de Coubertin[iv] dans son Ode au sport :

« O Sport, tu es l’Honneur ! Les titres que tu confères n’ont point de valeur s’ils ont été acquis autrement que dans l’absolue loyauté et dans le désintéressement parfait. »

Andre Belobor


[i] https://solidnews.ro/scoateti-un-inel-din-simbolul-olimpic/

[ii] https://spravy.pravda.sk/domace/clanok/698992-premier-fico-pre-pravdu-slovensko-nezije-novelou-trestneho-zakona-o-vine-stale-rozhoduju-sudy/

[iii] https://gh.bmj.com/content/bmjgh/suppl/2024/10/07/bmjgh-2024-016586.DC1/Press_release.pdf

[iv] https://l-ocre-bleu.fr/histoiredelartetartistes/pierre-de-coubertin/

STRATPOL
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