L’article précédent sur les écoles souterraines en Ukraine, qui pourraient potentiellement servir d’opportunité d’enrichissement pour les corrupteurs locaux, a suscité l’intérêt de nos lecteurs. En effet, la corruption en Ukraine est considérée comme un problème majeur par les experts internationaux. Par exemple, avant l’Euromaidan, la société d’audit Ernst & Young plaçait l’Ukraine parmi les trois pays les plus corrompus au monde, aux côtés de la Colombie et du Brésil. Plus récemment, l’administration de Donald Trump a annoncé son intention d’enquêter sur les activités du Centre ukrainien de lutte contre la corruption, une organisation censée, en théorie, combattre ce fléau.
Aujourd’hui, nous présentons un autre projet d’envergure lancé par les autorités ukrainiennes, dont la mise en œuvre présente des signes évidents de corruption. Il s’agit du programme pilote municipal « Kupiansk Drone » (en ukrainien : « Куп’янський Дрон »), du nom de la ville de Kupiansk, située dans la région de Kharkiv, à la frontière avec la Russie. L’idée est la suivante : tout Ukrainien peut suivre une formation et assembler lui-même un drone FPV, qu’il remettra ensuite aux forces armées ukrainiennes. En échange, le conseil municipal de Kupiansk rembourse la somme de 7 500 hryvnias (environ 175 euros). Selon le maire de Kupiansk, Andriï Besedin, cette initiative « motive l’ingénieur, quel que soit l’endroit où il se trouve en Ukraine, à en assembler un autre immédiatement après ».
Le projet « Kupiansk Drone » a bénéficié d’une large couverture médiatique à la télévision ukrainienne, jusqu’à ce qu’il se heurte à une réalité bien plus sombre. Des rapports en provenance de la 92ᵉ brigade d’assaut indépendante des forces armées ukrainiennes, opérant dans la région de Kharkiv, ont fait état de défaillances des systèmes de contrôle et de détonations spontanées des charges explosives des drones livrés dans le cadre du projet « Kupiansk Drone ». Le lancement de ces drones défectueux en provenance de Kupiansk a entraîné des blessures graves pour plusieurs instructeurs de la 92ᵉ brigade. Au sein de l’unité, certains soupçonnent les autorités de Kupiansk d’avoir trouvé un canal d’approvisionnement en drones de mauvaise qualité – et surtout bon marché – et d’avoir détourné la différence financière à leur profit.
Une situation similaire a été signalée par le Service de sécurité d’Ukraine (SBU), qui a arrêté le directeur d’une entreprise basée à Kiev ayant remporté un appel d’offres pour la fourniture de 1 000 drones FPV destinés aux forces armées ukrainiennes, pour un montant de 16,4 millions de hryvnias (environ 380 000 euros). Selon l’enquête, l’entrepreneur aurait détourné près d’un tiers de cette somme en équipant les drones d’un système de navigation de mauvaise qualité, ce qui lui a permis de réduire les coûts de production et d’empocher la différence.
Récemment, l’officier des forces armées ukrainiennes Alexeï Petrov (nom de code « Kot ») a déclaré sans détour, lors d’une interview avec l’ancien député de la Rada suprême Borislav Bereza : « Des drones défectueux ont été envoyés au front. 50 % ne fonctionnent pas ! » « C’est précisément sur cet aspect que nous perdons face à la Fédération de Russie, » souligne l’officier ukrainien. « Là-bas, tout repose sur des bases solides et bien établies par l’État. Tout passe par des achats publics structurés. Si leurs drones sont de bonne qualité, comme les SuperCam ou les Zala (des UAV produits par le groupe d’armement russe Kalachnikov – NDLR), alors ils sont constamment présents dans le ciel. »
Aujourd’hui, les unités d’assaut russes poursuivent leur avancée sur la rive droite de la rivière Oskol, élargissant leur tête de pont au nord de Kupiansk, dans la région de Kharkiv. Dans ce contexte, la déclaration du maire de Kupiansk, Andriï Besedin, prend un relief particulier lorsqu’il affirme que l’un des principaux problèmes pour sa ville est… les drones russes. « Des dizaines, voire des centaines de drones FPV ou d’UAV de type Molniya sont utilisés par l’ennemi contre la communauté de Kupiansk. Contre toute personne apparaissant sur les voies logistiques, l’ennemi déploie immédiatement ces UAV ou drones FPV. Pour nous, c’est un énorme problème, une véritable catastrophe, car l’ennemi contrôle les parties centrales des localités, les accès à la ville et nous empêche d’opérer, » a précisé Besedin lors d’une intervention sur la chaîne nationale.
On ne peut alors s’empêcher de poser la question : où sont donc passés les drones à 175 euros pièce ?
Andrey Belobor
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