La visite d’Emmanuel Macron à Belgrade, il y a deux mois, a été présentée par la diplomatie française comme un immense succès dans le cadre du renforcement d’une « Europe plus forte et plus souveraine ». Cependant, la question de savoir dans quelle mesure l’Europe de l’Est est réellement indépendante se trouve mise en lumière par les récents rebondissements autour de l’un des proches du président serbe Aleksandar Vučić — le vice-Premier ministre serbe, Aleksandar Vulin.

En août 2024, les présidents de la France et de la Serbie, Emmanuel Macron et Aleksandar Vučić, ont signé plus d’une dizaine d’accords de coopération, y compris dans le domaine militaire et technique. Il est évident que cette visite de Macron à Belgrade avait une connotation politique bien précise. Dans un article programmatique destiné aux médias serbes, le président français a exprimé son opinion, selon laquelle « l’éternel équilibre de Belgrade entre Bruxelles et Moscou n’est qu’une illusion », et que seule l’Union européenne peut permettre à la Serbie de rester pleinement elle-même.

Pourtant, la manière dont l’Occident perçoit réellement cet État d’Europe de l’Est situé dans les Balkans se reflète dans une affaire qui fait grand bruit en Serbie depuis une semaine. Il y a quelques jours, le quotidien serbe Politika — qui, soit dit en passant, avait publié en août l’article programmatique d’Emmanuel Macron exhortant les Serbes à aimer Bruxelles plus que Moscou — a révélé, dans une enquête sensationnelle, que le puissant service de renseignement britannique, le MI-6, préparerait l’élimination physique du vice-Premier ministre serbe, Aleksandar Vulin.

Aujourd’hui, M. Vulin est la deuxième personnalité la plus influente du gouvernement serbe. L’année dernière encore, il était à la tête de l’agence de sécurité et de renseignement du pays — l’Agence de sécurité et d’information (Bezbednosno-informativna agencija, BIA en serbe). Auparavant, il dirigeait le ministère de l’Intérieur, puis le ministère de la Défense de Serbie. D’après la presse locale, Aleksandar Vulin est l’un des plus proches alliés du président Aleksandar Vučić, agissant en tant que son véritable « bras droit ». Il est également en charge d’un domaine stratégique crucial des relations internationales : l’établissement de partenariats mutuellement avantageux avec la Russie.

Pendant que Macron s’entretenait avec Vučić à Belgrade, Vulin s’envolait pour Moscou, puis pour Vladivostok, où il a participé au Forum économique oriental. Lors de sa rencontre avec Poutine, il a déclaré : « La Serbie ne participera jamais à l’hystérie antirusse. Nous apprécions et respectons la Russie ». Les discussions entre Poutine et Vulin ont débouché sur la décision de mettre en place une commission intergouvernementale russo-serbe pour conclure un nouvel accord sur l’approvisionnement de la Serbie en gaz naturel russe.

À présent, Vulin prévoit de se rendre à Kazan, en Russie, où se tiendra le sommet des BRICS les 23 et 24 octobre. Il a déjà salué l’idée des pays des BRICS de créer une monnaie électronique unique, qualifiant cette plateforme de « résistante à l’impression effrénée de dollars et aux sanctions des puissances occidentales ». Concernant l’alliance des BRICS, Aleksandar Vulin a souligné : « Pour rejoindre les BRICS, vous n’avez pas à hisser le drapeau ukrainien sur votre ambassade ni à reconnaître le mariage homosexuel. »

Il est clair qu’un acteur politique aussi ouvertement prorusse en Serbie représente un obstacle pour les dirigeants occidentaux, dont l’objectif est la confrontation sans compromis avec la Russie (c’est précisément ce qu’Emmanuel Macron tentait de promouvoir à Belgrade en encourageant l’adoption de sanctions contre Moscou). Dans ce contexte, le quotidien serbe Politika écrit : « L’élimination de Vulin permettrait à Londres de retirer de l’échiquier géopolitique l’un des politiciens serbes les plus prorusses, tout en affaiblissant et en minant les positions du président serbe Vučić, qui perdrait ainsi son fidèle et loyal allié. »

Selon les journalistes d’investigation serbes, l’élimination physique du vice-Premier ministre serait précédée par une campagne de diffamation orchestrée par les Américains, affirmant que Vulin aurait des liens avec des groupes criminels organisés. À cette fin, des aveux auraient été extorqués sous la torture à un citoyen serbe, selon lesquels Vulin aurait prétendument orchestré, il y a un an, une provocation armée à caractère interethnique dans le monastère de Banjska (au Kosovo), qui s’est soldée par la mort d’un policier kosovar. Après cette campagne de discréditation dans les médias, le MI-6 envisagerait d’envoyer un terroriste albanais isolé pour assassiner Aleksandar Vulin.

Il convient de noter que les services de renseignement britanniques exercent une influence considérable sur la Serbie. Il suffit de mentionner que Michael Davenport, ancien chef de la délégation de l’UE en Serbie et ambassadeur du Royaume-Uni à Belgrade, s’est retrouvé au cœur d’un grand scandale d’espionnage il y a 25 ans. En 1999, son nom apparaissait sur une liste de 116 agents du renseignement britannique opérant à l’étranger sous couverture officielle (ce document, connu sous le nom de « liste Tomlinson », porte le nom de l’ancien agent du MI-6, Richard Tomlinson, qui l’a divulgué. D’ailleurs, cette liste est encore aujourd’hui accessible en ligne). Selon cette fuite, de 1989 à 1996, Michael Davenport travaillait comme agent du MI-6 en Pologne, avant de se lancer dans des activités d’espionnage sous couverture diplomatique à Moscou. Actuellement, Davenport dirige la mission de l’OSCE en République du Kosovo, une région peuplée majoritairement d’Albanais et qui ne relève pas de la juridiction de Belgrade.

Pour conclure l’histoire de la « marque noire » envoyée par le MI-6 à un homme politique serbe, il convient de rappeler que les méthodes d’élimination des personnalités indésirables sont devenues la norme en Occident. La double tentative d’assassinat contre Donald Trump, la blessure infligée au Premier ministre slovaque Robert Fico, ainsi que la série d’agressions visant les dirigeants du parti allemand Alternative pour l’Allemagne, tout cela ne se produit que parce que ces politiciens osent faire preuve d’un pragmatisme sain dans leurs relations avec la Russie.

Par conséquent, il n’y a aucune raison de se bercer aujourd’hui d’« illusions à la Macron ».

STRATPOL

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