Au Brésil, la monumentale affaire du « Lava Jato », qui a dévoilée l’implication de la quasi-totalité du personnel politique dans un système criminel complexe de corruption et de trafic d’influence, n’en finit pas d’accoucher de révélations croustillantes. Dans la foulée de la double condamnation à 12 ans d’emprisonnement de l’ancien Président Luis Inacio « Lula » Da Silva, la Police Fédérale s’est intéressée au cas d’Antonio Palocci, ancien Ministre de l’Économie de Lula, lui aussi impliqué dans diverses malversations.
Selon le magazine de grand tirage « Istoé »[1], Monsieur Palocci, dans le cadre d’un programme de « repentis » pouvant bénéficier de remises de peines et/ou d’un régime carcéral privilégié, a été interrogé par le Ministère Public ce lundi 18 mars à propos de plusieurs soupçons de trafic d’influence pesant sur le Président Lula. A ce titre, il a notamment été questionné sur le contrat d’achat d’avions de chasse « Grippen » de la société suédoise SAAB négocié au profit des forces armées brésiliennes. Monsieur Palocci a affirmé ne rien savoir d’éventuelles malversations dans cette affaire, mais de connaître en revanche la teneur réelle de la réunion ayant eu lieu entre les Présidents Lula et Sarkozy le 7 décembre 2009, et dont l’objet était également l’acquisition d’équipement pour l’armée brésilienne, et en particulier de sous-marins et hélicoptères de combat.
Toujours selon Monsieur Palocci, un accord « illicite » aurait été conclu en marge de la réunion entre les deux Présidents. Cet accord prévoyait qu’une partie des sommes consacrées au volet « négociations » devait être reversé au profit d’une officine liée au Parti des Travailleurs du Président Lula. Une seconde partie de ces sommes était destinée à être versée à un « opérateur » lié au Président français. En tout état de cause, ces révélations viendront alimenter l’affaire déjà en cours d’instruction par le Procureur de Brasilia sur des malversations connexes à la construction des sous-marins français attribuées à l’entreprise brésilienne Odebrecht.
La crédibilité et l’image de marque de la France et de ses entreprises, déjà mis à mal par le singulier refus du Président Macron et de son administration de dialoguer avec le nouveau gouvernement de Jair Bolsonaro, ne vont pas aller en s’améliorant. Bolsonaro et le Ministre de la Justice Sergio Moro (ancien procureur, directement responsable de l’incarcération de Lula) ont en effet promis une sévérité exemplaire dans les affaires de corruption politique. Il est à parier que le Quai d’Orsay et le Parquet de Paris entendront rapidement parler des enquêteurs de la Police Fédérale brésilienne…
Nicolas Dolo
[1] https://istoe.com.br/palocci-lula-e-sarkozy-acertaram-propina-em-compra-de-submarinos-e-helicopteros/
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