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Brennus: L’Union Européenne est-elle dépassée par la nouvelle configuration du monde ?

Le 11 mai dernier, je vous parlais des intentions de plus en plus hostiles de la Commission Européenne et des autres instances fédérales de l’UE face à la Chine. Les 12 et 13 mai ont permis de faire deux constats: (1) la nouvelle politique (anti-)chinoise crée un clivage entre Europe du Nord et Europe du Sud; (2) L’Union Européenne est dépassée par l’évolution vers un monde polycentrique, dont la plus grande partie aspire à la construction d’un ordre mondial pacifique.

Cet article est publié en partenariat avec Le Courrier des Stratèges

Politique vis-à-vis de la RPC : Europe du Nord contre Europe du Sud.

Vendredi 12 mai 2023, les ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne ont débattu d’un recentrage de la politique chinoise de la fédération lors d’une réunion à Stockholm. La base était un document stratégique présenté par le chargé des affaires étrangères Josep Borrell. Il prévoit un net durcissement de la confrontation avec Pékin. Alors que jusqu’à présent, les critiques adressées à la politique chinoise ne devaient pas entraver des relations économiques soutenues, le document Borrell affirme que “la rivalité systémique [se manifeste désormais] dans pratiquement tous les domaines de la coopération”, qu’il faudrait donc – sous prétexte de vouloir “minimiser les risques” – réduire fortement. Toutefois, il n’y a pas encore de consensus sur le document.

La Frankfurter Allgemeine Zeitung relève une position jusqu’au-boutiste du ministre allemand des Affaires étrangères Annalena Baerbock qui s’exprime comme une Américaine en réclamant « des sanctions globales contre la Chine ». Le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a quant à lui, dans une langue plus technocratique, parlé d’un découplage économique (“decoupling”) de la République populaire. Une fois de plus se confirme un clivage entre Europe du Nord et Europe du Sud. Les pays latins sont réservés sur le document Borrell ; et le ministre des Affaires étrangères chypriote Constantinos Kombos a qualifié la Chine de “partenaire formidable”.

Le contraste Nord/Sud se retrouve dans la différence de position au sein du groupe de Visegrad : la Pologne est, en gros alignée sur les positions américaines concernant Taïwan, tandis que la Hongrie tient à garder de bonnes relations avec la Chine.

Application pratique du document Borrell : comment se mettre l’Asie à dos !

Samedi 13 mai, l’UE avait prévu un forum UE-Inde-Pacifique toujours à Stockholm et demandé à 30 ministres des Affaires étrangères d’Afrique de l’Est, d’Asie et du Pacifique d’y participer. Le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, qui se trouvait vendredi en Norvège, pays voisin de la Suède, n’avait, en revanche, pas été invité. En effet, aux yeux des artisans de la diplomatie fédérale de l’Union, il s’agissait de lier plus étroitement les riverains de l’océan Indien et du Pacifique à l’Occident afin de gagner des alliés non seulement en cas de confrontation avec la Chine, mais aussi, plus immédiatement, contre la Russie. Tout cela derrière la rhétorique habituelle : il s’agirait “d’œuvrer ensemble à une prospérité plus durable et plus inclusive »… Les ministres des Affaires étrangères de l’Inde et du Pakistan, du Japon, de Singapour et des Comores (qui assurent actuellement la présidence de l’Union africaine (UA)), avaient notamment fait le déplacement.

Eh bien, la moitié des ministres des Affaires Etrangères de l’Union Européenne, dont Madame Baerbock, étaient repartis ! C’était un bon début pour un forum destiné à gagner à son point de vue certains des pays les plus peuplés du monde. Qu’est-ce qui peut passer par la tête de l’équipe de Madame Baerbock quand ils la laissent « sécher » une rencontre avec la plus grande démocratie du monde, en termes de démographie ?

On ne sera pas étonné d’apprendre que l’Union n’a été suivie ni sur le sujet des relations avec la Russie ni sur celui des relations avec la Chine.

Guerre d’Ukraine : chers Européens, il faut négocier, et vite !

L’UE n’a fait aucun progrès à Stockholm dans ses efforts pour mettre les pays riverains des océans Indien et Pacifique en position de force contre la Russie. Certes, Josep Borrell a affirmé qu’il ne s’agissait de toute façon pas de “convaincre” les participants non-européens d’une orientation antirusse : “Nous ne sommes pas en croisade » (sic !).

Le fait que l’UE ait invité le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba à la dernière minute et à la surprise des participants non européens invités au forum, a pourtant de quoi surprendre ! .

Les réactions ont été clairement distantes. Certains ministres des Affaires étrangères asiatiques ont ainsi déclaré qu’ils avaient certes de la compassion pour l’Ukraine, mais qu’ils exigeaient un arrêt immédiat des combats, en accord avec la Chine et en opposition directe avec l’Occident, qui encourage l’offensive de printemps ukrainienne. Le ministre des Affaires étrangères des Comores s’est exprimé en ce sens au nom de l’Union Africaine. La ministre pakistanaise des Affaires étrangères Hina Rabbani Khar a déclaré que l’escalade d’un conflit n’était “jamais la réponse” et que son pays exigeait donc “la fin des hostilités puis du conflit”. Seul le ministre des Affaires étrangères japonais est allé en partie dans le sens des Occidentaux – mais avec des nuances de formulations qui ont sans doute échappé aux hauts fonctionnaires de la diplomatie fédérale de l’Union.

Relations avec la Chine : “Pas de blocs !”

Dans sa tentative de rassembler les États représentés à Stockholm contre la Chine, l’Union a aussi manqué la cible. La ministre pakistanaise des Affaires étrangères a déclaré que son pays refusait la division du monde “en plusieurs blocs ». Plusieurs autres ministres ont réaffirmé cette position et ont précisé qu’ils n’étaient pas non plus prêts à se ranger du côté des pays occidentaux dans un éventuel affrontement entre l’Occident et la République populaire de Chine. La ministre indonésienne des Affaires étrangères Retno Marsudi, dont le pays assure cette année la présidence de l’Alliance des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a fait savoir que l’ASEAN refusait de laisser la région Asie-Pacifique devenir “un nouveau théâtre de rivalités“. “Nous ne sommes pas intéressés à faire partie d’une nouvelle guerre froide ou à être des supplétifs de grandes puissances“, a noté la ministre ; “le gâteau indo-pacifique est trop grand pour n’être savouré que par quelques-uns“. L’année dernière déjà, le président des Comores, Azali Assoumani, avait donné raison non pas à l’Occident mais à la Chine dans le conflit sur Taïwan. Il avait ainsi réussi à s’imposer face au Kenya, bien plus puissant, dans la lutte pour la présidence de l’Union Africaine. Nairobi est, bien entendu, une position clé de l’influence anglo-saxonne.

Le reste du monde retourne contre l’Occident le « rappel aux règles »

Les ministres des Affaires étrangères de Singapour et de l’Inde ont notamment émis à Stockholm des critiques implicites, mais claires, à l’égard de la démarche de l’Occident. Pas question de se laisser entraîner dans un conflit avec la Chine ! Le ministre singapourien des Affaires étrangères, Vivian Balakrishnan, a déclaré lors du Forum UE-Inde-Pacifique que “le principe d’organisation” de l’Asie du Sud-Est était de maintenir la région “ouverte” et “inclusive” – ouverte avant tout “à la Chine, aux Etats-Unis, à l’UE et en fait à toute autre puissance qui souhaite investir” ou faire des affaires dans la cité-Etat. L’Asie du Sud-Est ne veut pas “tracer de lignes“, mais avoir des “cercles d’amis qui se chevauchent“. Balakrishnan s’est rallié à l’insistance occidentale sur un “système commercial fondé sur des règles“.

Le ministre indien des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar a également émis une critique implicite, mais claire. L’Inde continue de coopérer avec les puissances occidentales afin de se positionner comme contrepoids asiatique face à la Chine ; les déclarations de Jaishankar à Stockholm l’ont confirmé. Toutefois, l’Inde n’est toujours pas prête à réduire ou même à cesser sa coopération avec Moscou. Si l’UE souhaite coopérer avec les pays riverains de l’océan Indien et du Pacifique, elle doit mener des discussions “régulières, complètes et ouvertes“, a souligné M. Jaishankar, sans se limiter aux crises actuelles. Le ministre indien des Affaires étrangères a également indiqué que l’UE obtiendrait de meilleurs résultats avec les pays riverains de l’océan Indien et du Pacifique en développant une approche stratégique “généreuse” qui tienne dûment compte des “asymétries économiques“. Il s’agit en particulier d’apprécier la “multipolarité”, mais “un monde multipolaire” n’existera qu’avec une “Asie multipolaire“.

Edouard Husson

3 thoughts on “Brennus: L’Union Européenne est-elle dépassée par la nouvelle configuration du monde ?

  • L’Europe de Bruxelles devait signifier Prospérité, Démocratie, et Paix
    Après 30 ans d’exercice de ce monstre bureaucratique et idéologique, nous avons
    une crise économique, monétaire, et énergétique, le totalitarisme de fonctionnaires non élus, et la guerre.

    Pour la France une seule politique possible: sortir de Maasstricht, puis renégocier si possible de nouveaux traités européens pour une Europe des Nations, et sortir de l’OTAN Sur le plan intérieur, revenir à un régime démocratique et parlementaire avec un vrai chef de gouvernement responsable devant l’Assemblée Nationale, et l’impossibilité pour le président de la République de mener une politique étrangère personnelle et de présider le Conseil des ministres..

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  • L’Union Europeenne n’est rien d’autre qu’une dependance du “global financial system”; elle connaitra le sort de ce meme global financial system lorsque la civilsation russe romano-byzantine aura aneanti la barbarie anglosaxonne, de meme que les eveques gallo-rommains ont aneanti la barbarie wisigothique en creant la France (avenement du roi Clovis, 481 – victoire de Vouille, 507 – Paris capitale de la France, 508). Donc oui. l’Union Europeenne est largement depassee.

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    • Le baptême de Clovis aurait mis fin aux pratiques barbares et aux crimes chez les Francs ! C’est remplacer l’histoire vraie par du roman historique…

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