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Eléments sur les attaques ukrainiennes de bases russes

Ce n’est pas la première fois que les VSU1 assistées par leurs mentors britanniques réalisent une opération hardie, complexe et efficace. La guerre a ainsi connu plusieurs « pics » : destruction des gazoducs Nord Stream, attaque du Pont de Kertch, perte du croiseur Moskva, attentat du Crocus, ont été des actions à haute visibilité ; d’autres, à moindre bruit médiatique, furent menées par le SBU, telle la campagne low-cost contre les infrastructures ferroviaires russes, ou les assassinats ciblant des personnalités médiatiques, des responsables administratifs, politiques et militaires, puis des concepteurs civils employés par le complexe militaro-industriel. Des frappes à longue distance ont également été déjà menées avec succès sur diverses cibles en Russie, raffineries, usines de fibre optique, dépôts et aéroports militaires. La menace des drones et des missiles a même réussi à vider la Mer Noire en repoussant la flotte russe de Sébastopol vers Novorossisk. Les attaques du 1er juin ont toutefois un caractère différent.

Le pourquoi de la stratégie de Kiev

On peut comparer la situation de Kiev en 2025 avec celle du Reich en 1944-45 et à celle de Londres en 1941-42.

Bénéficiant de l’absence d’un second front, face à une avancée méthodique de la Russie à l’Est et au Nord, l’Ukraine doit cependant gérer à la fois une attrition biologique qui nuit à sa capacité de génération de force, et aussi un Genshtab russe apprenant et montant en compétence. Kiev doit tenir assez longtemps pour obtenir une aide accrue de l’Occident collectif et espérer l’érosion économique russe.

Comme pour la Wehrmacht, cela implique les mêmes réponses court-termistes (auto-cannibalisation des VSU en dépouillant les services, création d’unités de « pompiers du front », mobilisation accrue, appel aux extérieurs contractuels, volontaires ou détachés clandestinement par leurs armées) et une forme de pensée magique (« armes miracles » occidentales, espoir d’implosion de la société russe) recourant à une propagande de personnalisation caricaturale (« gentil Zelensky », « méchant Poutine », « Ambigu faiseur de miracle Trump »).

Faute d’un investissement massif que l’UE est incapable d’assurer techniquement avant cinq années, et dans l’attente d’une relance du complexe militaro-industriel US pour fournir une aide payée par l’Europe, Kiev doit donc durer. Elle en a en réalité les moyens.

La stratégie adoptée pour cela semble calquée sur celle du Royaume Uni en 1941, dans la tradition britannique du contournement (qui s’oppose à celle des USA, un choc frontal et massif favorable à leur supériorité industrielle). Les actions périphériques britanniques consistaient à :

  1. Combattre l’Axe aux marges (Notamment Afrique, Italie puis Balkans),
  2. Mener des bombardements sur le cœur du Reich pour détruire son potentiel industriel et terroriser sa population, grâce à un bomber command réorganisé pour cela,
  3. Utiliser les Commandos et surtout le Special Operations Executive -SOE- pour procéder à des assassinats, sabotages, harcèlements et au développement de maquis nationaux dans les territoires occupés, ce que Churchill avait résumé en « Set Europe ablaze ».

Dans une situation comparable quoique meilleure étant adossé à des États alliés, Kiev, sans aucun doute avec le conseil du MI6 et de l’armée britannique et avec l’appui technique notamment ISR (Intelligence Surveillance Renseignement) de la France, s’est lancé dans le même triptyque stratégique. Les attaques du 31 mai 2025 (incluant la destruction de trois ponts, dont un sous le passage d’un train de passagers entraînant 110 victimes civiles) et la tentative du 3 mai sur le Pont de Crimée, doivent être placées dans ce contexte2.

L’intrusion du président américain ne paraît pas devoir infléchir véritablement la politique Blinken appliquée sous Biden, d’alimentation de la guerre sans intervention directe US, par le truchement de proxys européens. Quand bien même un individu pourrait-il transformer des tendances historiques lourdes, les USA n’ont pas été purgés du Deep state, qui, comme ses extensions en UE, attend simplement les mid-terms, voire les prochaines élections présidentielles US. On doit noter que, bien que le président ukrainien affirme que l’opération avait été programmée par le SBU depuis 18 mois, il y a une correspondance évidente avec le calendrier des (non)négociations de paix, l’intervention du président Trump et la demande d’un cessez-le-feu de 30 jours (nécessaire au repositionnement des forces de Kiev).

Ainsi, de la même façon que Londres devait débloquer l’isolationnisme états-unien et augmenter l’assistance jusqu’à impliquer l’engagement US dans la 2ème GM, Kiev multiplie les actions tactiques à fort rendement médiatique. La coûteuse invasion de l’Oblast de Kursk peut être comparée à l’offensive des Ardennes de 1944, qui avait un double objectif politique, jouer sur la lassitude des opinions anglo-saxonnes- et notamment US avant les élections présidentielles- et enfoncer un coin dans les relations des Alliés occidentaux et Soviétiques (but cohérent comme l’avenir devait le prouver, qui est maintenu dans le testament politique de Hitler). De même, les attaques des bases russes du 1er juin 2025 répondent à différents objectifs d’ordre psychologique et médiatico-politique :

  1. Elles démontrent le maintien d’une capacité offensive et professionnelle de haut niveau, rassurant population et alliés.
  2. Elles recentrent l’opinion ukrainienne autour de son leader, alors que le président Zelensky était en difficulté vis-à-vis de Washington et en interne (Porochenko, Zalujny poussé par les Britanniques, Klitschko poussé par les Allemands) avant les futures présidentielles.
  3. Elles obligent l’OTAN, pensant la guerre perdue, à ne pas se retirer d’Ukraine qui vient d’imposer sa présence aux opinions occidentales.
  4. Elles rééquilibrent la position de Kiev par rapport aux gains territoriaux constants de Moscou.
  5. Enfin, elles mettent à mal les négociations voulues par le président étasunien, bénéficiant en cela de l’aide de l’UE, du Royaume Uni et du Canada. Des jeux de pouvoir internes et byzantins entre Alliés et au sein de l’appareil kiévien peuvent aussi expliquer cette décision.

Les causes du succès

La stupéfiante vulnérabilité des aéronefs russes pourrait avoir plusieurs causes.

1. La distance de ces bases d’avec le front, Oleneya (oblast de Mourmansk) à 2000 Km et Belaïa (oblast d’Irkoutsk) à 4 300 km, semblait un facteur de sûreté comme le déplacement de la flotte de la Mer Noire. En réalité l’opération a démontré l’extrême vulnérabilité d’une société ouverte, reposant sur les voies de communication et la circulation des biens, face à des intrusions de moyens légers et dissimulables, comme les drones FPV (first person view) employés3. La technologie (drones longue distance) et les contraintes socio-économiques rendent difficiles la protection, sans lourde immixtion dans la vie quotidienne d’une société de temps de paix. La Russie mène une demi-guerre, profitant de sa supériorité de masse pour ne pas mobiliser toute sa société ; ces attaques démontrent peut-être que la victoire exigera une évolution à cet égard. Le primat poutinien du développement intérieur qui a interdit le passage à une véritable économie de guerre trouve peut-être ici ses limites.

2. La protection par moyens de guerre électronique neutralisait bien les GPS mais leur emploi a été inutile car les camions vecteurs ont été positionné en des lieux choisis et repérés préalablement, puis les drones pilotés à vue, apparemment en exploitant le réseau téléphonique russe et/ou une carte SIM et l’alimentation par des adresses IP du logiciel Mission planner.

3. La DCA classique par batteries de S-300 et S-400 est conçue pour des interceptions à des distances et altitudes supérieures. De plus, les drones ont été lancés à l’intérieur du périmètre de protection anti-aérienne du PVO. Il n’est pas connu si des défenses de type Pantsir assuraient une sûreté immédiate, mais cet armement quoique modifié n’est pas optimal contre des myriades de petits drones FPV. On doit considérer qu’il n’y avait pas de patrouilles en alerte et alignant des fusils de calibre 12 ; relativement efficaces contre ce type de drones légers.

4. Les fameux pneus posés sur les ailes des appareils sont destinés à leurrer les logiciels d’IA qui recherchent les cibles, en modifiant les critères d’identification enregistrés, mais ils sont inefficaces contre des drones pilotés en FPV, donc à vue, par un pilote humain4.

5. Les fonds nécessaires à la constructions d’abris et alvéoles tels que l’OTAN en emploie pour protéger ses aéronefs, semblent avoir fait l’objet de malversations dans le cadre d’une corruption reconnue depuis le début de la SVO.

6. Le traité START-3 ou New START signé en 2011 et prolongé jusqu’en 2026, contraint les parties à accepter des mesures de contrôles des équipements nucléaires et en particulier à ne pas les dissimuler face aux mesures techniques de l’autre partie. La Russie a suspendu sa participation en avril 2023 et il n’y a plus eu d’inspections sur site depuis 2022. Toutefois le texte prévoit expressément une clause « Non‑Interference with National Technical Means (NTM) ». « The treaty permits the use of national technical means of verification (e.g. satellites) in a manner consistent with international law, and contains explicit provisions that prohibit interference with NTM and the use of concealment measures that may impede monitoring by NTM. »

On remarquera que les bombardiers US stationnés bien alignés sur leurs bases présentent la même vulnérabilité à l’imagerie et éventuellement aux drones que leurs homologues russes.

On sait le président russe et l’appareil diplomatique d’État très attachés aux respects des formes juridiques. Il est possible que cela ait conduit à respecter cette clause en exposant les avions. Dans ce cas, ce serait à la fois une preuve de naïveté russe mais aussi de duplicité anglo-saxonne, en exploitant une obligation juridique liée à la réduction des armements pour frapper une des parties grâce aux informations satellitaires glanées par l’OTAN.

Toute l’opération a été possible parce que Kiev et l’Occident disposent de relais dans la société russe, recrutés par appât du gain, idéologie, contrainte (le fameux MICE pour Money, Ideology, Compromission, Ego). Ces facteurs sont amplifiés par les gap générationnels et la présence de diasporas mal intégrées et sensibles à un extrémisme religieux fortement manipulé par des Anglo-saxons qui le pratiquent depuis des décennies. Il est très probable que le contrôle social et policier établi par Kiev sur le territoire qu’il domine soit beaucoup plus étendu et sévère5. Le conflit civilisationnel en cours n’est d’ailleurs pas toujours tributaire des frontières apparentes, puisqu’on trouve des adeptes de l’idéologie occidentale en Russie mais aussi des partisans d’une vision traditionnelle aux USA et même en Europe, même s’ils y sont réprimés et loin de pouvoir reprendre le pouvoir dans une démarche trumpiste6.

La fourniture de moyens ISR7 et d’experts en matière d’infiltration, une présence dans la société russe, étaient les préalables nécessaires à l’efficacité d’une frappe avec des drones peu onéreux, à faible charge et portée réduite, néanmoins contrôlés depuis des milliers de kilomètres et suffisants pour créer des dommages sur des appareils non protégés. Au vu des explosions filmées les charges militaires étaient réduites et de simples hangars en tôle ou grillagés auraient certainement été des obstacles efficaces face à cette menace, comme les RETEX du front en témoignent. On doit donc ajouter une impréparation intellectuelle de certains dirigeants militaires parmi les causes de succès ennemi. Cela est certes critiquable après presque quatre ans de guerre, mais s’explique aussi par le tabou du nucléaire, que l’Occident ne semble plus respecter.

Effets et conséquences

Le parc initial (justement connu grâce au comptage dans le cadre du START) des forces aériennes stratégiques russes comprenait 57 Tu-22M, 47 TU-95 et 16 Tu-160, 121 MiG 31, 19 IL-78 ravitailleurs et 7 Be A-50 à radar aéroporté. L’aviation à longue portée est en principe stationnée sur la 6950ème Base aérienne d’Engels-2 (oblast de Saratov) avec des Tu-22 M3, Tu-95 MS6, Tu-160, sur la 6952 eme Base aérienne (Oblast de l’Amour) avec des Tu-95 MS16 puis la 6953ème base aérienne de Belaya (Oblast d’Irkoutsk) avec des Tu-22M3. Des mouvements inter bases expliquent les localisations des avions stationnées sur les bases attaquées, qui abritent les quatre escadrilles équipées de Tu-22M3/MR, les trois équipées de u-95MS et celle opérant des Tu-160. Lors de l’attaque du 1er juin les bases accueillaient :

  1. A Belaya 7 Tu-160, 6 Tu-95, 2 IL-78M, 6 An-26, 2 An 12, 39 Tu-22 M3, 30 MiG-31, repérés la veille
  2. Diaghilevo, (déjà attaquée en 2022)
  3. Olenya, 11 Tu-95 MS, 40 Tu-22 M3, 4 An-12, repérés la veille
  4. Ivanovo (A-50, A-50 U)
  5. et peut-être la base navale d’Olenogorsk près de Murmank où un SNLE aurait été touché.

Les pertes sont naturellement objet de secret d’un côté et de propagande de l’autre. Kiev revendique 41 aéronefs détruits, les vidéos mises en circulation comprenant des erreurs numériques pouvant s’expliquer par une fabrication par IA. Néanmoins, d’autres vidéos, les témoignages et les vues satellites de l’OTAN confirment la réalité de l’opération et de pertes. Moscou reconnaît cinq destructions, des sources occidentales annoncent un BDA (battle damage assessment) de 13 cibles touchées. Ces appareils, modernisés mais issus de la période soviétique, même simplement détériorés, poseront un problème pour leur réparation car l’industrie nationale ne dispose plus de certains atouts de l’URSS. Le coût des destructions, de deux à sept milliards de USD selon diverses déclarations de Kiev, apparaît davantage comme un argument de communication facilement compréhensible par le public. Les sites frappés concentraient des appareils stratégiques qui étaient en fin de vie (environ 2028) malgré les rénovations ; en outre, les missiles hypersoniques diminuent l’efficacité stratégique comparée de ces vecteurs. Leur emploi pour bombarder (non nucléairement) l’Ukraine, comme celui des B-52 maintenus en service dans l’USAF, confirment que ces avions conservent un intérêt, mais probablement plus réellement stratégique. L’impact majeur est donc médiatique, symbolique, politique et moral. Qu’il y ait bien eu 34% du potentiel aérien stratégique détruit ou pas modifie évidemment les capacités offensives russes, mais ne change pas certains constats.

  1. Kiev et l’alliance occidentale sont en mesure de faire continuer la guerre, probablement longtemps.
  2. La Russie ne peut prendre les mesures nécessaires à une victoire sur l’Alliance sans impacter fortement et durablement le pays, en réorientant l’industrie, militarisant la société et mobilisant.
  3. La très importante question du seuil nucléaire est désormais posée.

En effet, il s’agit d’appareils de la force aérienne stratégique russe à finalité de dissuasion nucléaire.

L’attaque d’éléments de la dissuasion nucléaire dans la doctrine russe révisée permet une riposte nucléaire contre les États dotés alliés d’un agresseur qui ne l’est pas. C’est un pas significatif dans l’escalade qui a donc été commis. En effet, il y a déjà eu des conflits impliquant un État doté contre un autre non nucléaire (USA contre Irak, URSS contre Afghanistan, Royaume Uni contre Argentine, Israël contre Syrie, France contre Libye) mais toujours sous le couvert d’une pseudo coalition sous l’égide des Nations Unies, ou dans le cadre de « non-guerre » asymétrique, et surtout sans mise en cause des intérêts vitaux de l’État doté impliqué. Il semble que ni Kiev ni l’OTAN ni l’UE n’aient craint une riposte nucléaire russe. Cela est en soi un dangereux signe de perte de crédibilité de la Dissuasion russe.

Pour relativiser ce constat on peut remarquer que les forces stratégiques russes avaient déjà subi des attaques de leurs radars de détection avancée en mai 2024 à Orsk et Armavir, des pertes d’AWACS A-50 et des attaques sur les aéroports militaires Diaguilevo et Engels en décembre 2022 qui portaient les mêmes avions stratégiques8. L’éventuelle détérioration d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins serait une aggravation sensible de la situation, car si les bombardiers stratégiques sont employés comme vecteurs de missiles de croisière pour des frappes non nucléaires en Ukraine et donc considérés comme « cibles légitimes », il en va tout autrement de ces SNLE qui ne sont dédiés qu’à la défense nucléaire.

Outre le camouflet qu’a représenté l’opération Spider Web, les questions de la crédibilité russe et de la dissuasion nucléaire sont posées.

Le président russe semble faire preuve de sa retenue habituelle et de sa lucidité face à une dérive fatale. Néanmoins l’opération kiévienne est susceptible de causer un effet indirect : La société russe comprend en effet une partie de la population qui aspire à retrouver la situation ante et une autre, formée de patriotes durs qui dénoncent une certaine faiblesse. Des actions aussi médiatiques génèrent humiliation et frustration, susceptibles de peser sur le Kremlin qui doit équilibrer sa politique entre ces deux extrêmes, en plus de conserver une position crédible aux yeux des partenaires occidentaux, de moins en moins impressionnés. La stratégie occidentale9 essaie justement depuis les années 2010 de s’inspirer du passé pour créer les conditions d’un effondrement du régime sur le modèle de la Révolution de 1917 en parallèle de la guerre avec le IIème Reich. Estimant que le fardeau économique et social de la guerre en Afghanistan de 1979 à 1989 fut un catalyseur de l’écroulement économique, puis politique, social et militaire de l’URSS10, certains souhaitent orienter le conflit en Ukraine de manière à impacter la société russe et favoriser un changement de régime et une mise au pas, favorisant l’exploitation économique de la Russie, et fracturant le bloc eurasiatique avec la Chine.

Paradoxalement, trop rabaisser la Russie et détruire son appareil militaire conventionnel risque de pousser le Kremlin à suivre les dirigeants occidentaux dans la montée aux extrêmes en activant son ultima ratio. Quelles que soient les pertes réelles en aéronefs, la triade nucléaire russe est amplement suffisante pour déclencher une apocalypse ou mener des frappes limitées mais destructrices. Les points de vue publics alternent entre euphorie (imaginant un effondrement russe par suite d’une brillante manœuvre) et dépression (redoutant la défaite rapide de l’Ukraine), deux erreurs de propagande (sous-estimation de l’adversaire et défaitisme) que ne commettent pas les Ukrainiens lorsqu’ils distillent successivement des compote-rendus triomphants et des demandes misérabilistes. Avant ce coup d’éclat du 1er juin (et ils y reviendront certainement rapidement), nombre d’auteurs penchaient vers une stabilisation « à la coréenne », ou vers une permanence alimentée du massacre, comparable au conflit Irak-Iran.

Les perspectives sont assez sombres, puisque le PM Starmer a officiellement déclaré préparer la guerre sous cinq ans avec la Russie (« nous avançons dans la préparation de la guerre »), dans le fil de déclarations comparables par des responsables militaires suédois et allemands, du SECGEN de l’OTAN Rutte (« nous ne sommes pas en guerre avec la Russie mais on ne peut pas parler de paix non plus ») et de la volonté affirmée de l’UE de se réarmer dans la même perspective. On se rappellera tout de même que les Blitzkrieg hitlériennes contre l’Europe occidentale et surtout la Russie découlaient de l’impératif de vaincre ces ennemis avant qu’ils n’aient atteint une capacité industrielle et militaire rendant leur défaite impossible par un Reich aux moyens limités.


Notes:

1Acronyme latinisé du russe ВСУ : Вооружённые си́лы Украи́ны, littéralement Forces Armées Ukrainiennes

2 Revendiquées par le GUR : sabotage de la voie à Melitopol, à Koursk et à Briansk où un viaduc a été détruit, créant un étranglement logistique de la zone, qui pourrait être le préalable d’une offensive locale.

3 Les poids lourds sont un vecteur privilégié, comme au pont de Kertch ou pour permettre les mouvements de troupes et d’équipements camouflés en convois civils ; cela peut surprendre au regard des voies routières en Russie.

4 Des études sur les réseaux neuronaux artificiels par couches (ie IA) démontrent que la simple apposition d’un sticker sur un panneau de signal routier suffit à perturber les décisions de conduite automatique des véhicules autonomes. Cela dit, ces dispositifs sont capables d’apprendre et de corriger ce qui rendra ce type de camouflage moins efficace.

5 Restrictions légales, purges des branches de l’État, dénonciation et punition des populations, arrestations et détentions, liquidation ou neutralisation judiciaire des concurrents politiques, rafles par le TCC pour enrôlement forcé, contrôle médiatique et performance de la communication à usage interne et à destination des opinions occidentales… Il est difficile de définir si le GRU s’abstient d’actions comparables à celles du SBU par ordre ou parce que la société ukrainienne a été ainsi verrouillée.

6 En témoignent les tentatives ratées de l’UE en Géorgie et celles, réussies, en Roumanie et Moldavie. La politique intérieure et l’instrumentalisation de la justice suscite aussi des inquiétudes en France et en Allemagne et au Royaume Uni avec en plus la nomination d’Anna Baerbock à la tête de la 80ème session des NU.

7Intelligence, Surveillance and Reconnaissance

8 Par la suite des AWACS A-50 avaient été ciblés, pour « vider le ciel » et favoriser le déploiement des F-16.

9 Majoritairement nourrie et influencée par des penseurs et politiques issus de l’émigration forcée de Russie et des pays slaves, cultivant une tradition familiale russophobe mise au service de la lutte contre l’URSS après la 2GM.

10 Vision occidentale et post-évènementielle. Les causes profondes sont certainement plus complexes, y compris en intégrant le coût de la course aux armements entre les deux hégémons.

Olivier CHAMBRIN

11 thoughts on “Eléments sur les attaques ukrainiennes de bases russes

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  • C’est avec un peu de malice sympathique à votre égard que je soumettrai à votre brillante sagacité et analyse , l’article de l’ex ambassadeur indien Bhadrakumar suite à vos différents articles sur la problématique russe à l’égard du conflit ukrainien.
    Article sur Numidia / la cause du peuple du samedi 7 juin 2025.
    Je me permettrai de noter l’importance mise en avant par l’ex ambassadeur de l’objectif voire la priorité devenue de prendre Odessa , entre autres, vu que les protagonistes de l’alliance occidentale ont fait monter les enchères en transgressant tout et son contraire.
    Odessa , vous vous rappelez ?
    Et je citerai presque avec délectation la conclusion de l’article cité : et le temps , comme souvent , devient un ennemi au lieu d’un allié précieux.
    J’avoue avoir fait preuve de la même patience que Vladimir Poutine pour sonner l’hallali de cet argument et empoigner ma dague pour lui éviter de souffrir plus avant comme argument périmé.
    Cordialement.
    Vianney.

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    • Bon jour Vianney,
      Commentaire malicieux et pertinent. Je rejoins Son Excellence sur la position trumpiste, et sur le caractère ontologique de la lutte en cours, un peu moins sur l’emploi de ses moyens par la Russie. Pour Odessa je vous avais déjà répondu que je partage votre point de vue sur son importance, surtout qu’une action (de l’OTAN) sur la pince Sud (via Roumanie, Moldavie et Transnsitrie) me semble probable et que la dissolution du PKK et le changement de position de l’Azerbaidjan et de l’Arménie permettent une “extension du domaine de la lutte” à travers la Turquie. La position de la Syrie 2.0 et les tracations russo-étatsuniennes sur l’Iran et le traitement de la guerre israélienne joueront sans doute aussi. Et certainement, même le temps peut s’avérer une denrée rare.

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  • Article clairvoyant. Cette guerre par proxy a contraint la Russie à réévaluer sa doctrine de défense et à tenter de conceptualiser une “riposte graduée” pertinente. Mais le premier barreau demeure très difficile à identifier…alors que c’est l’urgence désormais dans cette guerre non seulement hybride mais également et surtout multi-strates. La priorisation absolue du facteur temps sur le terrain risque d’être la seule alternative en attendant que cette démarche aboutisse (si tant est qu’elle le puisse).

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    • Bonjour.
      Ce que vous dites est très juste. N’oublions pas que c’est la Dissuasion nucléaire qui a conduit à la création dune doctrine de proxy, au départ purement empirique. Ce qui s’applique à la fédérationde TRussie est cependnat aussi applicable aux autres et la planète abrite désormais de nombreuses formations, étatiques ou pas, capables d’exercer une action stratégique impactant les grandes puissances hégémoniques.

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  • Nos média ont présenté cette attaque ukrainienne comme innovante, acceptable, et touchant des cibles légitimes. Seul le dernier point est exact, les cibles militaires étant effectivement légitimes même si elles ne sont pas pertinentes comme le souligne l’auteur.

    En réalité, l’attaque ukrainienne n’est pas innovante, n’est pas légale selon des experts occidentaux du droit international, et a de plus été menée de façon terroriste.

    a) en ce qui concerne l’innovation, les ukrainiens ont camouflé et transporté des drones offensifs dans des containers d’apparence banale, transportés par des camions civils. Ce sont les russes et non pas les ukrainiens qui ont inventé ce principe en 2010, c’est le système “Club-K”. Le Club-K est un container d’apparence inoffensive qui contient des missiles (ou des drones), et qui peut s’ouvrir pour démasquer et rendre actif son contenu offensif. Voir: https://web.archive.org/web/20241205092913/http://roe.ru/esp/catalog/marina-de-guerra/armas-de-la-nave/klab-k/

    b) en ce qui concerne la légalité, ce sont les occidentaux qui ont protesté lors de la sortie du Club-K en 2010, et considéré que le camouflage d’armes offensives sous une apparence civile dans un container ordinaire contrevenait aux conventions de Genève et aux droit humanitaire. Voir un article détaillé publié dans Human Rights Brief en 2012 et librement téléchargeable sur le site du Washington College of Law, qui soutient qu’une telle utilisation est “non seulement illégale mais criminelle”: The Club-K Anti-Ship Missile System: A Case Study in Perfidy and its Repression.” Human Rights Brief 20, no. 1 (2012): https://digitalcommons.wcl.american.edu/hrbrief/vol20/iss1/4/

    c) enfin, les ukrainiens ont utilisé des conducteurs de camion civils totalement ignorants de la nature de leur cargaison pour l’acheminer à proximité des bases aériennes. Plusieurs de ces conducteurs sont morts, l’un tué lors de l’explosion de son camion piégé après un incendie, un autre étranglé probablement après avoir découvert le pot aux roses. Tout comme dans le cas du camion piégé ayant explosé sur le pont de Crimée, lui aussi conduit par un civil ignorant la nature de sa cargaison, une telle utilisation de civils innocents est bien sûr terroriste.

    Puisque le monde occidental a considéré que l’utilisation du Club-K est illégale (voir criminelle pour reprendre la conclusion de l’article cité) lorsqu’il est d’origine russe, le fait que le même jugement ne soit pas repris par l’occident lorsque l’origine est ukrainienne démontre que deux poids deux mesures sont appliquées.

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    • Bonjour pour cette contribution éclairée et éclairante.
      Votre argumentation me parait juste sur tous les points abordés, je n’ai rien à y ajouter sinon mes remerciements.

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  • Article qui détonne avec les analyses habituelles de Xavier Moreau dans ses videos hebdos.
    Les vidéos nous expliquent que la guerre est déjà gagnée par les russes, tandis que cet article tend à nous dire que dans les conditions actuelles, la dynamique est en leur défaveur (les ukrainiens tiennent bons, et leurs alliés réarment).
    Ca donne de la crédibilité à Strapol comme site d’analyse ouvert plutot que comme site de propagande

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    • Bonjour.
      Xavier Moreau joue un rôle important d’émission de contre-narratif dans un univers médiatique français très peu objectif ou honnête. Plus modestement je tente d’agir en analyste, qui se doit de mettre de côté ses biais (sympathie ou antipathie, espoirs) en traitant la communication de guerre et les faits bruts disponibles, pour proposer une synthèse dont le lecteur tirera ses propres conclusions. Merci de votre intérêt.

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  • Après les bombardements de cette nuit sur l’Ukraine, la dite opération n’a manifestement rien changé au champ de bataille et à l’avancée de l’armée russe.

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    • Bonjour.
      Vous avez raison sur les conséquences opérationnelles immédiates et cela n’ a rien d’étonnant.
      En effet, l’effet majeur espéré était certainement médiatico-pyschologique.
      Pas stratégique et pas même opératif, comme l’état du front en témoigne.

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