Dimanche 25 janvier est une date historique pour l’histoire de l’Europe : le peuple grec, fondateur de la démocratie, et qui a montré plusieurs fois dans son histoire sa résistance à l’oppression, a élu un gouvernement pour qui souveraineté nationale n’est pas un vain mot. En donnant une quasi-majorité absolue au parti Syriza qui veut renégocier la dette et redonner plus de pouvoir au peuple, les Grecs ont non seulement montré leur esprit de résistance, mais ils ont montré à tous les peuples d’Europe qu’une autre voie était possible!

Photo : Reuters

Or bien plus que les analyses classiques sur la question de la dette et le refus du libéralisme, c’est à un vrai tournant géopolitique que nous assistons. L’avalanche de déclarations et de prises de positions de la part des membres du nouveau gouvernement grec laisse penser non seulement à un changement de politique radical mais, bien au-delà, à un véritable tremblement de terre par rapport aux rapports de force politiques qui jusque là régissaient les liens entre nations en Europe.

Dès le mardi 27 février, après avoir annoncé une série de mesures populaires et anti-crise (augmentation du smic et réembauche de fonctionnaires licenciés) le gouvernement grec procédait à l’arrêt des privatisations en cours : DEI (compagnie nationale d’électricité), Hellenic petroleum, (compagnie pétrolière), mais aussi les ports de Salonique et du Pirée lorgnés par la société chinoise COSCO. Le ministre grec de l’énergie, Payianotis LAFANZATIS, déclarait qu’aucune privatisation dans l’énergie ne se ferait. Le nouveau gouvernement grec montre ainsi qu’il renoue avec une politique donnant la primauté aux intérêts nationaux et à contre-courant des politiques d’austérité en vigueur dans nombre de pays de l’Union européenne.

Est-ce le cri du coeur d’un petit pays ou simplement la volonté de défendre la souveraineté populaire, tant dévoyée par Bruxelles ?

Concernant la dette, les gouvernants grecs refusent d’emblée le pouvoir de la troïka européenne qui a tant fait de mal en Serbie ou en Roumanie ces dernières années.
Le ministre des Affaires étrangères Nikos KOTZIAS, se plaçant dans la droite ligne des Résistants grecs historiques, comme Markos après 1945, déclarait : « Ceux qui pensent que la Grèce va renoncer à sa souveraineté et son concours actif à la politique européenne se trompent ». Est-ce le cri du coeur d’un petit pays ou simplement la volonté de défendre la souveraineté populaire, tant dévoyée par Bruxelles. ? Or Alexis TZIPRAS enfonçait le clou dès le 28 janvier : « Nous n’entrerons pas dans un affrontement mutuellement destructeur –avec Bruxelles- mais nous ne poursuivrons pas une politique de soumission » : n’est ce pas là une preuve que l’idée de souveraineté et d’indépendance national vont de pair avec la démocratie ?
En affirmant que « le gouvernement grec est prêt à verser son sang pour rétablir la dignité des Grecs », Alexis TZIPRAS a voulu souligner que la dignité nationale et la volonté populaire, rudement mis à mal ces dernières années, doivent être respectées des grandes puissances.
Au-delà des affaires intérieures de la Grèce, c’est à une inflexion dans les équilibres au sein de l’Union européenne à laquelle nous invitent les dirigeants grecs.
Cela passe pour Alexis TZIPRAS et ses sympathiques collaborateurs par un rapprochement avec la Russie. Lundi 26 janvier le Premier ministre grec consacre sa première visite à une chancellerie étrangère à l’Ambassade de Russie . Le lendemain, il s’oppose à un élargissement des sanctions contre la Russie et son gouvernement parvient dans les dernières heures de ce 27 janvier à bloquer un texte du Conseil de chefs d’Etat favorable à de nouvelles sanctions ; la donnée que les européistes n’avaient pas pris en compte est que ces vétérans de la politique ont dans leur jeunesse milité fortement dans le camp de l’internationalisme communiste. Ainsi Nikos KOTZIAS, Ministre des affaires étrangères, avait auprès des Jeunesses communistes toujours été favorable à l’URSS : clairement russophile, il soutient l’ « idée d’une Ukraine fédérale », chère aux combattants de Novorossiya.
Cette russophilie du nouveau gouvernement grec n’est pas seulement empreinte de douce nostalgie, mais s’appuie sur des choix géopolitiques clairs. Voulant former un axe orthodoxe au sein de l’UE, Tzipras n’hésite pas à asséner qu’ « en cas de faillite de l’UE, nous pourrions envisager une forme d’union des pays orientaux de l’Europe ». C’est ce qui explique en retour le soutien appuyé de la Russie au nouveau gouvernement grec. Anton SILUANOV, Ministre des Finances de Russie, annonce le 1 février que la Russie est « prête à aider financièrement la Grèce » ; le lendemain, la Russie propose de rembourser la dette grecque évaluée à 240 milliards de dollars.

Cette russophilie du nouveau gouvernement grec n’est pas seulement empreinte de douce nostalgie, mais s’appuie sur des choix géopolitiques clairs.

Enfin, les Grecs ne veulent plus être considérés comme quantité négligeable dans le concert des nations et, s’érigeant en modèle de puissance régionale, ils poussent à un rééquilibrage des rapports de force au sein de l’UE. Dans la semaine déjà Tzipras avait proposé, comme pour l’Allemagne dans les années 1950, de renégocier la dette ; pour hausser le ton, il avait même demandé à l’Allemagne de payer à la Grèce les réparations de la Seconde guerre mondiale. Dimanche 1 février, le Ministre de l’Economie Yanis VAROUFAKIS envisageait, face aux pays du nord de l’Europe, une «rééquilibrage vers les pays du sud de l’UE », idée que JP Chevènement défendait déjà en son temps. Or la rencontre Hollande-Tzipras est déjà interprétée comme une vision méditerranéenne, dans la négociation et le retour à la relance, face à une Europe du nord plus attachée aux politiques d’austérité.
Les Grecs nous ont montré la voie à suivre, celle de l’indépendance nationale et de la voie populaire : à nous de prendre notre destinée en mains !

 

Alexis Troude

Alexis Troude

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