Document écrit le 25 février 2022 par le Général Lalanne-Berdouticq au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine.

 

Chers amis,

Quelques-uns parmi vous m’ont demandé de leur faire part de mes premières estimations concernant la guerre qui vient d’être déclenchée en Ukraine par l’offensive de l’armée russe le 24 février à 4 heures du matin.

Je les remercie de m’avoir conservé leur confiance car je faisais partie de ceux qui, nombreux, ne croyaient pas à une offensive massive sur l’Ukraine tant ses aléas sont grands vus sur le long terme.

Nous verrons rapidement les causes lointaines, les causes proches et ce qu’il me semble important les causes immédiates de cette offensive aux développements et aux imprévisibles conséquences.

Les causes lointaines

Nul ne peut contester que l’Ukraine et la Russie, si elles ne sont pas strictement le même pays, sont indissolublement liées par l’histoire. La Russie fut créée à Kiev au IXe siècle avant les invasions mongoles et l’on parla d’abord de « Russie kiévienne », des siècles avant de parler de « Russie moscovite ». Un Ukrainien est chez lui en Russie, comme un Russe l’inverse. C’est un fait et Poutine, comme tout Russe pénétré de patriotisme en est convaincu, avec raison.

L’Ukraine fut indépendante au sens juridique du terme pendant très peu de temps de sa longue histoire et je me rappelle ce général ukrainien nous faisant à Kiev un exposé sur ses forces armées, alors que je participais à un voyage militaire en 1994. Il nous dit : « Depuis 1991 c’est la troisième fois que l’Ukraine est indépendante. Je ne sais combien de temps elle le restera ; nous verrons ». De fait elle le fut entre 1918 et 1921 suite à une décision de Lénine, une autre fois, nommément, dans les années 1941-43 après l’attaque allemande, et enfin depuis 1991 après la chute de l’URSS. Il se peut donc que cette troisième indépendance ait pris fin le 24 février 2022.

Toujours est-il que, vu de Moscou, Kiev n’est pas une capitale nationale mais la capitale de la première Russie et celle d’une sorte d’Etat-province intrinsèquement lié à la Russie.

Dernière des causes lointaines de cette guerre : l’effondrement de l’URSS en 1991, conséquence de la chute du Rideau de fer en novembre 1989.

1991 fut vécu par tous les patriotes soviétiques, qui pour beaucoup n’étaient en fait que des patriotes russes, comme la plus grande catastrophe du siècle. La « Deuxième puissance du monde », militairement et diplomatiquement parlant, était rayée de la carte et ne comptait plus sur l’échiquier mondial. Cet immense ensemble eurasiatique (qui, ne l’oublions jamais, s’étend sur ONZE fuseaux horaires, de Kaliningrad sur la Baltique au détroit de Behring) allait s’enfoncer dans une crise dont nous n’avons pas mesuré l’insondable profondeur et la dramatique intensité pour les populations russes et associées.

L’Occident de son côté se réjouissait avec raison. En effet, comment ne pas avoir été euphorique, en voyant enfin « l’Europe respirer de ses deux poumons » (selon Jean-Paul II), libérée de l’occupation ou de la tutelle soviétique et renouer avec l’Ouest qui avait quant à lui préservé sa liberté. Polonais, Hongrois, tchèques et Slovaques, Roumains et Bulgares rejoignirent ensuite plus ou moins rapidement l’Union européenne.

Cependant les vainqueurs, tout enivrés de leur succès qui était plus dû à l’effondrement de leur adversaire qu’à leurs propres efforts, se montrèrent incapables de dominer leur sentiment de victoire et humilièrent leur ancien ennemi, Moscou.

Tragique erreur.

Les causes proches

Sans entrer dans le détail car nous manquons de temps, il convient de se souvenir des conditions de la réorganisation de la nouvelle Europe. Me trouvant à l’Ecole de guerre à cheval sur la « Chute du mur » (89) et les débuts de cette période, j’en ai un souvenir précis.

La terreur des alliés de l’OTAN vainqueur était alors le devenir des moyens de la puissance nucléaire russe déliquescente. Que deviendraient les centaines de missiles sol-sol russes stationnés au Kazakhstan et en Ukraine ? Que deviendraient les centaines de missiles mer-sol des Flottes du Nord et du Pacifique si le pouvoir moscovite s’effondrait complètement ? Il s’agissait de plus de trois mille têtes nucléaires, dont des centaines mégatonniques (puissance de la bombe d’Hiroshima : 20 000 tonnes d’équivalent TNT. Les Russes possédaient en 1991 certaines têtes d’une puissance de 20 MILLIONS de tonnes d’équivalent TNT). Or, si les missiles et leurs têtes étaient stationnés pour certains hors de la nouvelle Confédération des Etats Indépendants, le système de déclenchement et de contrôle des frappes résidait heureusement à Moscou.

C’est donc bien avec Moscou qu’il fallait traiter avant que tout s’effondre (Il se révéla que jamais le contrôle des missiles n’échappa au pouvoir central et qu’aucune tête ne tomba entre des mains indésirables, par exemple des trafiquants internationaux voulant monnayer sa matière fissile. Toute mise en œuvre de ces têtes étant techniquement impossible, la matière fissile aurait pu être utilisée pour confectionner un « bombe sale » irradiant une région après dispersion de cette matière hautement radioactive).

Il fut donc convenu avec Gorbatchev, mais sans qu’un traité en bonne et due forme soit signé, que s’il acceptait de rapatrier ses têtes nucléaires et de démanteler sur place les missiles stationnés à l’extérieur, les Alliés n’étendraient pas ensuite l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie ou de son « Etranger proche », autrement dit de son « glacis vital » tel que conçu par Moscou. Ce glacis vital comprend : les pays baltes, la Biélorussie, l’Ukraine et la Transcaucasie dont entre autres la Géorgie. Il fut de plus convenu que les Occidentaux gratifieraient la Russie d’une sorte de Plan Marshall pour l’aider à se reconstruire.

Or, profitant de l’état de faiblesse extrême de la Russie, les Alliés ne tinrent pas parole et, non contents de leur victoire, ils allèrent jusqu’à humilier gravement leur ancien adversaire et en quelques années tous ces pays sauf l’Ukraine et la Géorgie rejoignirent l’alliance.

Gorbatchev passa la main à Boris Eltsine qui assista à la dissolution de la puissance soviétique redevenue russe. Les industries passèrent entre les mains de bandits sans scrupules, la population creva de faim, l’Armée rouge n’était plus que l’ombre d’elle-même après avoir évacué en bon ordre et sans incidents la totalité de l’Europe orientale anciennement occupée. De retour en Russie, les divisions qui avaient échappé à la dissolution campaient parfois en pleine nature, sans casernement, et devaient nourrir leurs hommes grâce aux potagers et autres culture vivrières organisées par les soldats. Les officiers, seigneurs de l’ancien régime, devaient subsister en vendant leur matériel et parfois leur équipement personnel (J’ai souvenir, lors de ce même voyage en Ukraine de 1994, des officiers et soldats de la Garde venant juste de terminer devant nous une belle démonstration d’ordre serré, puis proposant de nous vendre leurs bottes, leurs ceinturons et autres casquettes de parade. Dramatique !).

La grande Russie était à terre et les Américains ainsi que leurs alliés la frappaient du pied. Aucune aide financière ou économique ne fut organisée. L’ambassadeur américain à Moscou faisait passer des notes comminatoires au Ministère russe des Affaires étrangères plusieurs fois par semaine afin que la politique du Kremlin soit favorable aux intérêts de Washington (Témoignage d’un diplomate russe devenu ambassadeur ultérieurement).

En 2000 Vladimir Vladimirovitch Poutine, ancien officier supérieur du KGB arriva au sommet du pouvoir et succéda donc à Eltsine, après que ce dernier eut courageusement résisté à une tentative de coup de force d’une partie de la garnison de Moscou, excédée par la faiblesse de l’Etat et sa corruption.

Les anciens membres des « Organes de force » de l’ex URSS prirent donc en mains les destinées du pays. Ils étaient, c’est un fait, les seuls à posséder la discipline, la volonté et le patriotisme nécessaires pour mettre un terme à cette chute vers le néant. De plus ils étaient les seuls à connaître la vérité sur la situation de leur pays et celle de l’étranger, vérité inconnue du grand public du temps de l’URSS.

S’en suivit une remise en ordre, lente mais méthodique, menée sans pitié pour certains « oligarques » qui s’étaient trop visiblement enrichis au détriment du bien public. D’autres furent épargnés et retournés, rendus raisonnables à la vue du sort réservé à ceux qui se croyaient suffisamment puissants pour résister aux nouvelles autorités. La prison, le « camp à régime sévère » du côté d’Arkhangelsk, voire la mort « accidentelle » étaient alors le lot des récalcitrants.

Hébétée de souffrances et de privations, la population russe, consultée à plusieurs reprises lors d’élections qui n’avaient pas besoin d’être truquées pour se montrer favorables au pouvoir, se rallia dans ses grandes masses à Poutine et Medvedev, son Premier ministre.

Cependant, non contents d’avoir terrassé le géant, les Alliés mais surtout les Américains, non seulement favorisèrent l’entrée dans l’OTAN des anciens membres extérieurs du Pacte de Varsovie, mais s’engagèrent dans le démantèlement de la Yougoslavie. Le pire fut commis en 1999 lors de la campagne du Kosovo sur laquelle nous reviendrons car elle est la matrice de la contre-attaque russe.

Mieux, les Alliés imaginèrent de changer le régime politique de certains des pays du « glacis vital » russe au nom du « devoir d’ingérence » pour étendre leur propre vision de la démocratie. C’est ainsi que furent favorisées, voire organisées, par les services spéciaux américains et britanniques, les « révolutions de couleur » qui virent arriver au pouvoir, à Kiev mais aussi ailleurs, des hommes favorables à Washington et plutôt hostiles à Moscou. Ainsi, un pouvoir très favorable à l’ouest fut-il élu à la tête de ce pays en 2013 après les « événements de la Place du Maïdan » après la « Révolution orange ».

Pour Moscou, les choses ne pouvaient pas durer longtemps ainsi sans réaction.

Les causes immédiates

Il se trouve que, saisis du complexe commun aux grandes puissances s’aveuglant elles-mêmes, les Etats-Unis et leurs alliés ne tinrent pas compte de plusieurs avertissements pourtant clairs et qu’avaient bien distingués de nombreux observateurs, dont l’auteur de ces lignes.

En 2007 le président Poutine avertit le monde en disant au cours d’un discours solennel que la Russie avait terminé de reculer et qu’il faudrait de nouveau compter avec elle.

Malgré des finances encore précaires mais s’appuyant sur ses grandes ressources en gaz, pétrole (la Russie est le troisième producteur mondial depuis la destruction de l’Irak par les Américains) et métaux rares, la Russie, qui avait remis en ordre ses forces armées, commença de mettre en œuvre un ambitieux effort de réarmement. Une nouvelle classe de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) fut, par exemple, mise en chantier. De même des avions de combat de cinquième génération furent-ils mis au point puis construits tandis que les forces terrestres recevaient des matériels de haute qualité, pour certains parfaitement innovants. C’est le cas du système de défense antiaérien S 400, actuellement sans équivalent dans le monde.

Parallèlement, et forts de leur victoire supposée, les alliés, dont la France, baissèrent la garde et désarmèrent (en application de l’irresponsable incitation de M. Fabius à « engranger maintenant les dividendes de la paix », l’armée française se trouva réduite de 350 000 hommes à moins de 120 000, c’est-à-dire la moitié des effectifs dont disposait le roi Louis XV trois siècles auparavant et alors que le pays était passé de 22 millions d’habitants à 65), tout en réduisant drastiquement les budgets consacrés à la recherche et au développement (R&D) d’armements nouveaux. Les Américains, qui avaient « besoin d’ennemis pour faire survivre l’OTAN », s’étaient lancés dans leurs « Guerres folles ». Des Balkans (1995 puis 1999) à l’Afghanistan (2001) ou l’Irak (2003) et malgré les 750 milliards de dollars consacrés chaque année à leurs moyens militaires, ils s’engluèrent sur ces théâtres d’opération où aucune victoire n’était possible.

Ces « guerres folles » leur coûtèrent 6000 milliards de dollars sans parler des pertes humaines chez eux et surtout chez leurs adversaires, chez lesquels ils semèrent une haine inextinguible. Dans le même temps toujours, ils abandonnèrent de facto l’Europe, n’y laissant que 30 000 hommes sur les 220 000 qu’ils y maintenaient en 1991. Leur souci les portait vers l’océan Pacifique et les ambitions chinoises.

La « jurisprudence Kosovo »

(d’après le titre d’un article signé par l’auteur de ces lignes)

C’est là qu’il faut revenir sur l’affaire du Kosovo. Je me rappellerai jusqu’à la fin de mes jours cet entretien avec un colonel serbe de Bosnie en avril 1999, tandis que les avions de la coalition otanienne bombardaient la Serbie et le Kosovo, sans mandat de l’ONU, sans que la Serbie ait attaqué l’un des membres de l’alliance et au motif fallacieux d’un génocide inexistant (pendant 78 jours, avec parfois 800 sorties quotidiennes, avant une invasion terrestre forte de 46 000 hommes. Le dirigeant serbe Milosevic fut ensuite arrêté puis traduit devant une cour de justice internationale qui le condamna à la prison à vie. Il mourut en prison).

J’assumais alors des responsabilités importantes en Bosnie. Ulcéré par ce qui se passait dans son propre pays cet officier avec lequel j’entretenais des relations courtoises malgré nos positions respectives, me dit d’un air où pointait la commisération : « Vous n’avez aucune idée, j’insiste, aucune idée de la manière dont nous, les orthodoxes, allons vous faire payer cette guerre du Kosovo ! Un jour vous allez la payer au centuple ».

Démontrons combien il avait raison.

En août 2008, s’appuyant sur le fait qu’en Géorgie les Ossètes du sud et les Abkhazes, majoritairement russophones, demandaient leur rattachement à la Russie, l’armée de Poutine prit en mains ces deux provinces, déclarées indépendantes et qui demandaient le secours de la Russie. Sans l’intervention du président Sarkozy, certainement décisive, les chars russes auraient pris Tbilissi.

L’OTAN ni aucune autre nation ne réagit militairement à ce coup de force qui s’appuyait sur les mêmes principes que ceux excipés à propos du Kosovo. Ils protestèrent alors violemment au nom des principes qu’ils avaient eux-mêmes violés neuf ans auparavant, mais évidemment sans succès.

En 2014 les Russes récupérèrent la Crimée, dont le port de Sébastopol, siège de leur Flotte de la Mer Noire, leur était vital. Cette province n’avait été cédée par Khrouchtchev à l’Ukraine qu’en 1955 dans le cadre d’une URSS triomphante et sure d’elle-même. La Crimée n’avait jamais été ukrainienne puisqu’avant d’être devenue russe par la conquête de Catherine II, elle était ottomane depuis des siècles. Un referendum organisé par Moscou obtint une majorité écrasante pour son rattachement à la Russie, 85% de la population y étant russophone. La consultation avait été contrôlée sur place par des observateurs étrangers. Jurisprudence Kosovo toujours mais sans effusion de sang cette fois.

Simultanément des partisans séparatistes des deux provinces du Donbass en Ukraine déclenchaient une insurrection dans cette partie du pays très majoritairement peuplée de russophones. Moscou leur apporta un soutien direct, au nom des principes du Kosovo et envoyèrent même des « volontaires civils » appuyer les insurgés.

Les réactions de la « Communauté internationale » ne furent une nouvelle fois que de principe, occupée qu’elle était par des débats internes sybaritiques, et elle se cantonna aux grands principes de droit tel qu’elle le concevait pour les autres.

Des accords de cessez-le-feu furent signés à Minsk en 2014 puis 2020 qui disposaient que les deux soi-disant républiques du Donbass disposeraient d’une autonomie importante par rapport à Kiev, qui y autoriserait entre autres le russe comme langue officielle. Kiev refusa de ratifier ces accords mort-nés et le front se gela autour d’accrochages sporadiques et de tirs d’artillerie de harcèlement qui occasionnèrent des centaines, peut-être des milliers de tués (On parle de 14000 morts, chiffre absolument invérifiable, comme ceux de nombreux autres conflits).

Devant l’impuissance de la « Communauté internationale » à employer la force quand elle l’aurait dû selon ses propres critères, devant le « deux poids deux mesures » des jugements moraux portés sur l’action de la Russie restaurée dans sa puissance, Poutine comprit qu’il avait le champ libre et qu’au demeurant l’OTAN ne ferait pas tuer un soldat pour entraver son action dans son « étranger proche ».

Le 29 septembre 2015 le monde fut stupéfait des événements de Syrie. La Russie y frappa brusquement certaines positions islamistes de toute la puissance de ses missiles (y compris tirés de submersibles à la mer) et de ses avions d’arme. En quelques jours cette action renversa la situation qui prévalait à Damas dont le régime, à bout de souffle, fut sauvé. Non seulement Assad, épuisé, fut conforté, mais l’espoir changea de camp et aussi bien DAECH que les islamistes de toute sorte, y compris les soi-disant « modérés » se trouvèrent rapidement en infériorité, voire écrasés. En quelques semaines l’armée et la détermination russes avaient changé le cours de l’histoire. Avec de petits moyens (4000 hommes et moins de 50 avions), les Russes donnaient une leçon de stratégie appliquée aux Américains et à leurs alliés qui étaient engagés sur ce théâtre depuis quatre ans sans résultat décisif. Par ailleurs la marine russe revenait en Méditerranée de manière significative.

Militairement et donc diplomatiquement, la Russie était victorieusement de retour et démontrait de nouveau sa puissance et son intelligence de situation.

Enfin, la déconfiture absolue de l’évacuation de Kaboul par les Américains le 15 août 2021, avec l’abandon en rase campagne de l’armée afghane, d’un matériel énorme, de son gouvernement « démocratiquement élu » et de ses alliés otaniens ou non, finirent de convaincre Poutine que la puissance américaine n’était plus qu’une apparence et que leurs dirigeants étaient dénués du nerf de toute action : le courage, la détermination dans la vision de long terme et l’absence de crainte des pertes humaines.

La guerre en Ukraine

Au petit matin du 24 février 2022, le président russe passa outre les avertissements et les menaces de sanctions. Il savait qu’aucun soldat occidental ne viendrait verser son sang pour défendre Marioupol ou même Kiev et ne s’était pas laissé impressionner par les légitimes tentatives d’apaisement prodiguées par le président Macron qu’il humilia au travers d’un protocole digne de la Chine impériale du XVIIe siècle.

Après un discours d’une rare clarté il engagea ses forces sur trois directions stratégiques et avec trois buts concomitants, le centre de gravité du conflit se trouvant à Kiev.

Ses objectifs semblent les suivants :

  • Détruire l’appareil militaire ukrainien en vue de « finlandiser » ultérieurement ce pays puisque l’OTAN et les Chancelleries occidentales refusent depuis des années de s’engager à ce que l’Ukraine ne rejoigne pas l’alliance.
  • Soutenir les républiques séparatistes du Donbass, dont il a reconnu l’indépendance et qui l’ont « appelé à l’aide », légitimant ainsi en droit international cette intervention, selon une conception cette fois plus solide que la « jurisprudence Kosovo » appliquée jusqu’alors dans le Caucase et en Crimée.
  • Enfin et surtout, défaire le pouvoir politique de M. Zelenski, dont il considère qu’il est issu des suites du « coup de force de Maïdan » de 2013, plus ou moins organisé par les services occidentaux.

Il promet également une « dénazification » de l’appareil politique ukrainien, s’appuyant sur le fait que certains des partisans de M. Zelenski appartiendraient à des groupes se réclamant de « l’extrême droite à sympathies nazies » (il y a là une contradiction quand on sait que M. Zelenski est lui-même juif). Ce dernier but sous-entendrait le projet d’une longue occupation du pays et d’une épuration de ses élites.

L’avenir ?

Comme le disait un auteur non dénué d’humour, « il est difficile de prévoir l’avenir, surtout quand il s’agit du futur ». Néanmoins on peut s’y risquer.

Nul doute que l’armée russe vaincra la résistance des forces militaires ukrainiennes car le déséquilibre est trop grand entre elles.

Il est encore trop tôt pour être certain que les buts politiques de Poutine seront atteints et qu’il réussira à installer un pouvoir à sa main en Ukraine, dont les sentiments antirusses ont explosé dans toute la partie du pays située à l’ouest du Dniepr.

Enfin il est probable que les « républiques populaires du Donbass » seront durablement détachées de l’Ukraine ne serait-ce que par le poids des Russophones en leur sein.

Quant à savoir si Poutine, qui pourrait bien avoir été saisi de paranoïa suite à ses succès et à la restauration de la puissance russe en vingt ans, n’a pas commis une erreur terrible et mal calculé les conséquences à long terme de cet énorme coup de force en plein continent européen, c’est une autre histoire.

Je pensais quant à moi qu’une invasion violant si outrageusement le droit international et les principes westphaliens et issus des traités post 1945 (que l’affaire du Kosovo violait tous également !) n’aurait pas lieu et qu’il se contenterait d’un appui militaire officiel aux provinces du Donbass en application du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Le coup de semonce me semblait suffisant pour réveiller nos chancelleries qui avaient oublié le tragique de l’histoire et la vertu de la force.

Ce n’est pas le cas et l’on est passé de la semonce au tir direct.

Poutine, homme d’Etat sans équivalent sur le continent depuis De Gaulle ou Thatcher, sera-t-il un nouveau tyran qu’il faudra un jour abattre au prix d’immenses souffrances, tel un Hitler, ou bien reprendra-t-il ses esprits ?

Ou bien encore, ayant gagné sur tous les plans, la sagesse le saisira-t-elle et se contentera-t-il d’assister aux renoncements d’une Europe désarmée, repentante, envahie de peuples allogènes qui la haïssent, qui se meurt de dénatalité et de consumérisme sans espoir ?

L’avenir le dira. Il a rarement été aussi incertain et peut se révéler très dangereux, voire mortel, si quelque affreux dérapage comme l’histoire en a connus se terminait en échange nucléaire.

Alexandre Lalanne-Berdouticq

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27 thoughts on “Les causes de la guerre en Ukraine

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  • les invasions mongoles en Russie c’est fin 12e siècle hein. Et pas avant le 9e…

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  • Les USA ont volé leur pays aux indiens, aux mexicains… Volé les richesses de nombreux pays par une guerre directe, ou une guerre de proxy; une fois le chaos installé ils raflent les pépites. La guerre en Ukraine n’a pas seulement pour but de conforter leur rafle des fleurons industriels et agricoles de ce pays, d’user la Russie et d’y provoquer aussi le chaos pour la piller, mais cerise sur le gâteau, de plonger l’Europe dans le même chaos dont les populations étrangères seront les ferments longtemps muris. Ils ont financé les Bolchevicks pour détruire la Russie de l’intérieur, Hitler pour contenir les bolcheviks trop expansionnistes. Maintenant que le puzzle historique est assemblé, le camp du bien est haï sur toute la planète. France, prend garde, le temps du dépeçage arrive!

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  • Tout à fait d’accord avec cette analyse. Je grossirais le schéma en disant qu’au fond, c’est depuis et toujours le l’impérialisme américain, dans sa folie destructrice mondialiste, qui veut faire tomber la Russie. La guerre froide n’a jamais cessée. Ils ont les dents longues et l’appétit féroce. Tout les pays qui ne se soumettent pas à cette vision mondialiste, qui je le rappelle au passage engendrera une gouvernance mondiale, sont des ennemis. Cette mafia parallèle à l’OTAN, que l’ont peut aussi appeler OCDE, joue ses dernières cartes. L’économie américaine est au bord du gouffre, la planche à billets n’a que trop tourné. L’intégration de l’UE dans ce « bloc » avait pour but de sauver cette économie: mais ce n’est pas suffisant. La solution, passer à l’économie numérique, l’argent virtuel et donc des dettes virtuelles. Les dettes seront alors nulle car virtuelle, mais seront quand même mise en avant et utilisées à des fins de propagandes politiques en vue de réformes ultra libérales. Alors oui, je soutiens définitivement le patriotisme de M. Poutine, je l’admire même avec nostalgie. Comparer M. Poutine au grand Général De Gaulle prends tout son sens. Pauvre France, au mains et à la botte des américains depuis la mort de De Gaulle. Espérons que cela ne nous entraîne pas dans un nouveau conflit mondial, qui semblerait plaire aux américains car cela permettrait de relancer une économie, comme après chaque guerre.

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    • Tout à fait et les amères loques sont responsables de beaucoup de guerres et je me réjouis de leur perte de puissance. Vive la Russie qui j’espère nous libérera de l’oligarchie mortifère qui nous gouverne

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  • La citation, affreusement déformée, est de Pierre Dac :
    “Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir”
    Manque général de précision corrigé !

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  • Cet article m´a appris beaucoup sur l´arrière plan historique indispensable pour comprendre les
    événements proches et immédiats. J´habite en Suède,pays anti russe à presque 100% et qui se
    se pose la question de l´adhésion à l´OTAN depuis le début de la crise ou la guerre si vous voulez.
    Moi ce qui m´intéresse c´est l´après guerre. Vu de Suède, en voie d´islamisation rapide, la Russie
    (et la Hongrie) peut être un refuge pour ceux d´entre nous et nos enfants et petits enfants qui
    veulent se soustraire à ce futur funeste. On peut comparer à plus de 300 ans de distance au
    refuge qu´a constitué le Brandenburg (Prusse) pour les huguenots. Au rythme de l´immigration
    en Europe le problème pourra se poser pour d´autres pays. Puis, il y a le retour éventuel de Trump
    au pouvoir aux USA….???

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  • En page d’accueil, les “twits” de M. Moreau sont proposés. L’un d’eux présente une vidéo, intitulée “LA BLITZKRIEG CONTINUE“.

    1° Sur la forme : der Krieg” – c’est masculin.
    2° Sur le fond : un “Blitzkrieg” qui continue, n’est-ce pas en français un enlisement ?

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  • Je ne connais pas suffisamment les différentes étapes qui nous ont conduit dans cette situation pour les commenter. Aussi, je me contenterai de faire part de mon sentiment personnel : M. Poutine se conduit comme un Chef d’Etat qui se sait responsable de la préservation des intérêts et de la sécurité de son pays et de la nation qui y vit. Je rêve d’un chef pareil pour mon pays. Hélas ! en Occident on préfère aller vers le collapse général plutôt que de reconnaître qu’il fait ce qu’il doit faire et qu’il est légitime à le faire, même si, pour cela, il a dû enfreindre un élément du droit international. N’oublions surtout pas que s’il ne l’avait pas fait, l’autre partie avait bien l’intention de le faire (ou a fait en sorte qu’il le croît).

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  • La conclusion semble ne pas échapper à notre “bienveillante propagande”, pour qui Poutine est fou, mégalo, homosexuel, etc etc et j’en passe. Dans un monde occidental à la dérive il semble que la simple idée d’un Homme d’Etat au sens pur du mot échappe complètement aux occidentaux. Certes la Russie est complexe et le grand tort est de vouloir la comprendre à l’aulne de l’occident, aucun pays n’est aussi étendu et surtout n’héberge autant d’ethnies différentes, de géographie, de climats, etc, aucun de nos petits politiques n’est capable de comprendre ce que cela représente. Penser que Poutine, seul homme d’Etat réel actuel se batte pour les intérêts de la Russie comprise comme la Mère du peuple est incompréhensible pour nos médiocres actuels. Il défend des valeurs, des idéaux, une histoire, etc etc tout ça est loin de nos médiocres qui eux ne défendent que des intérêts de quelques uns. Toute guerre est atroce mais celui qui est responsable n’est pas celui qui se bat mais ceux qui l’ont obligé à se battre.

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  • “Poutine, homme d’Etat sans équivalent sur le continent depuis De Gaulle ou Thatcher, sera-t-il un nouveau tyran qu’il faudra un jour abattre au prix d’immenses souffrances, tel un Hitler, ou bien reprendra-t-il ses esprits ?” In cauda venenum ! Tout un article objectif qui se termine de la sorte en dit long sur le lavage de cerveau atlantiste d’officiers généraux, qui même s’ils s’en défendent, ont l’OTAN dans leurs gènes. Jusqu’ici personne à l’Ouest n’a eu le courage de dire la vérité, Poutine n’a pas eu le choix ! Les vrais coupables sont à Washington ! Quand j’écris personne à l’Ouest, je prends en compte le fait que Xavier Moreau vit à Moscou.

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    • je suis du même avis ! Tout cet article pour en arriver à…Poutine, nouveau tyran !!
      c’est pathétique!
      Que dire alors du comportement des USA et de l’OTAN ??

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  • A la source de cette histoire, une haine occidentale viscérale pour la Russie.
    Pourquoi ? Parce que ce pays , parce qu’il maîtrise son destin, est le miroir de la décadence du magma occidental déculturé, ce qui est insupportable pour les “élites” occidentales.
    L’Ukraine , un Etat composite intégrant la moitié est de la Pologne annexée suite au pacte germano soviétique de 1939, était l’outil permettant, au coeur de la Russie , de mettre celle ci à genoux en se débarrassant du régime patriote en place.
    Le complot intégrait la mise au pas des russes ukrainiens, le main mise sur Sébastopol et le chantage aux fusées de l’OTAN.
    La Russie était prise au piège , soit de laisser faire et de disparaître, soit de réagir comme elle l’a fait,
    au prix de risques calculés, mais énormes.

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  • J’ai appris bien des choses fort intéressantes dans cet article du Général Lalanne-Berdouticq, merci de l’avoir posté. Mais à propos de:
    “(Poutine) promet également une « dénazification » de l’appareil politique ukrainien, s’appuyant sur le fait que certains des partisans de M. Zelenski appartiendraient à des groupes se réclamant de « l’extrême droite à sympathies nazies » (il y a là une contradiction quand on sait que M. Zelenski est lui-même juif). Ce dernier but sous-entendrait le projet d’une longue occupation du pays et d’une épuration de ses élites.”

    Erwan Castel est un combattant français chevronné. Il a rejoint le Donbass il y a environ 7 ans. Il est interviewé par Michel Collon et son témoignage sur, notamment, la nazification de l’Ukraine est édifiant: ils sont plusieurs milliers (!) et rendent un culte à Stepan Bandera de sinistre mémoire.

    Il n’y a pas, à ma connaissance, de contradiction entre le fait que M. Zelenski soit juif et ses sympathies nazies. On peut être de confession juive et ne pas pratiquer sa religion d’une part, et son rôle consistant à suivre les diktats des marionnettistes qui l’ont fait élire d’autre part, il avait intérêt à faire ce qu’on lui ordonnait s’il voulait garder sa position de pouvoir.
    -*-

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    • D’après ce que j’ai lu dans différentes publications le grand père de Zelinsky serait juif mais comme cette religion se transmet par la mère rien ne semble prouver que Zelinsky soit réellement juif.

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      • Son père, sa mère et ses grands-parents étaient juifs.

        Je ne repropose pas le lien vers les sources communautaires : mon commentaire a peut-être été refusé à cause de sa présence ?

        Répondre
      • Bon. C’est ma quatrième et dernière tentative (et cette fois sous un autre pseudo, bien que mon précédent me parut banal, anodin et irréprochable).

        Je ne mets cette fois aucun lien pour prouver mon dire (pour le cas où il y aurait un problème avec une source pourtant on ne peut plus autorisée, je crois).

        J’en suis donc réduit à répondre par une affirmation à une négation, en présentant mes excuses pour cela.

        Le père et la lère de Zélenski sont juifs, d’après les sources que j’ai trouvées.

        Pour autant que cette information ait la moindre valeur, le vrai ne vaut-il pas plus que le faux ?

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  • Quelle analyse juste et réaliste. Il est clair que les Russes ont une dent contre l’Europe et notamment la France. Au sortie de la deuxième guerre mondiale, on a encensé les américains en laissant croire que ce sont eux qui ont abattu le régime nazi. Il faut être réaliste, les américains ont laissé des dizaine de milliers de mort suite au débarquement de 1944 pendant que les Russes se comptaient par millions de morts pour refouler les divisions allemandes jusqu’à Berlin et atteindre le Bunker d’Hitler qui avait mis fin à ses jours. C’est cela la réalité et il est clair que les États Unis qui ont fait le bilan de toutes leurs opérations ne veulent plus jouer les gros bras compte tenu des échecs qu’ils ont essuyés.
    L’Europe est un conglomérat de nations qui n’ont pas les mêmes objectifs, qui ne parlent pas la même langue, qui sont incapables de se mettre d’accord pour créer un corps expéditionnaire de 500 000 hommes pour répondre à Poutine, bref une fausse alliance qui n’a pas ou plus les moyens de soutenir les beaux discours de ses dirigeants. Tout est à construire ou a imaginer pour que l’Europe soit respectée et reconnus comme une seule nation qui compte. Arrêtons de croire que la politique des Bisounours est la seule qui doit être mise en application. Nous ne faisons plus peur à Personne… CQFD

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  • Intéressant article d’un grand militaire ! Certains points de vues me semblent cependant contestables ou du moins devoir être élargis !
    Ayant servi comme officier d’EM dans l’UNFICYP et à titre privé au Kosovo je prends la liberté de vous rappeler:
    Ex-Yougoslavie: Les 8000 bosniaques exécutés devant des casques bleus néerlandais médusés de peur par Mladic avec l’appui de Milosevic à Srebrenica en juillet 1095 ne méritent pas votre silence.
    Chypre: Le monde entier a condamné l’invasion d’une partie de cette île par la Turquie. Le monde sait-il l’humiliation quotidienne subie par les chypriotes turcs sous domination écrasante des grecs. Le monde a-t-il oublié que Chypre appartenait à l’empire Ottoman jusqu’en 1878, date à laquelle les britanniques l’ont tout simplement annexé en échange d’un traité de protection jamais respecté !
    Ces 2 exemples me permettent donc de vous dire qu’il existe différents points de vues et que selon la page à laquelle on ouvre le grand livre de l’Histoire, le monde actuel pourrait se remodeler à l’envi !
    Pourquoi l’Autriche ne réclamerait donc pas la Suisse primitive, par exemple, ou le Mexique tout le sud des EU !
    A bon entendeur et merci mon Général

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  • Excellent article, merci.
    Tout à fait d’accord sur l’erreur de traitement de ces bombardements de la Serbie dans le cadre de la ” guerre du Kosovo “.
    Cependant, au sujet du Kosovo, vous écrivez : ” motif fallacieux d’un génocide inexistant “.
    Il m’avait semblé que l’armée Serbe (de Bosnie ou de Serbie, je ne sais pas) avait envahi le Kosovo de façon pas vraiment pacifique, jusque tenir des combats devenus célèbres près de la frontière Albanaise (j’en ai oublié le nom du lieu) contre l’UCK qui n’était pas non plus exempte de violations diverses.
    Et l’arrivée massive de réfugiés Kosovars que j’avais rencontrés en Macédoine du Nord (alors nommée FYROM) parait aller dans ce sens.
    Aurais-je été victime d’une désinformation ?
    Bien cordialement.

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  • Merci pour cet article.

    Les dirigeants des pays Otan et de l’Ouest ont une grande responsabilité dans les évènements actuels.

    Espérons qu’un personnage hors du commun, style Churchill ou de Gaulle, émerge à l’Ouest afin de nouer un dialogue et une relation constructive avec la Russie !

    La Russie est notre famille, elle vient de défendre les Chrétiens d’Orient et d’Arménie.
    Honte à nous de ne pas l’avoir fait avec elle !

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