À l’intention de francophones qui s’intéressent à la Russie et à ce qui s’y est produit durant ces dernières décennies : il est grand temps de restituer dans la langue française le mot « russien ». L’introduction de ce mot qualifié à présent comme vieilli permettra d’éviter plusieurs malentendus liés à l’absence dans le français contemporain de traduction des mots courants russes « российский » (rossiïskiï), « россиянин » (rossiïanine) et de leurs dérivés dont la fréquence d’emploi dans la langue russe a augmenté énormément depuis 1991.
Consultons le Trésor de la langue française informatisé :
- RUSSIEN, -IENNE, adj. et subst.
Vieilli. Synon. de russe (v. ce mot A 1 a). Peuple, prince, soldat russien. Nous ne sommes pas des Russiens accoutumés aux frimas scythiques pour hiverner ici jusqu’à demain matin, le derrière dans la neige (Gautier, Fracasse, 1863, p. 164).
− En compos.
♦ Grand-russien. (Celui, celle, ce) qui est de la Russie proprement dite (anciennement Grande Russie). Culture grande-russienne. Les Slaves ont aussi pénétré dans la zone des forêts vers l’Est et le Nord-Est (…); c’est là qu’on rencontre le type grand-russien, à la face carrée, aux membres épais, aux cheveux d’un blond roux, aux yeux brun-orange (Haddon, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p. 124).
♦ Blanc-russien. (Celui, celle, ce) qui est de Biélorussie (anciennement Russie Blanche). Littérature blanc-russienne. Les débuts de l’activité littéraire des deux poètes dont les poèmes sont connus aujourd’hui de tous les Blancs-russiens, Koupala et Kolas, remontent à l’époque prérévolutionnaire (Arts et litt., 1936, p. 54-12).
♦ Petit-russien. (Celui, celle, ce) qui est d’Ukraine (anciennement Petite Russie). Pour aller inspecter les environs de la cabane (…) Ivan Sabakoff portait l’anorak avec une grâce, une coquetterie petites-russiennes (Cendrars, Dan Yack, Plan de l’Aiguille, 1929, p. 66).
Prononc.: [ʀysjε ̃], fém. [-jεn]. Étymol. et Hist. 1. 1575 ling. (A. Thevet, Cosmographie univ., in Cosmographie moscovite, 51 [Techener, 1858] ds Quem. DDL t. 26); 2. 1589 le terroir Russien (Du Bartas, II Sepmaine, 504). Dér. régr. du topon. Russie, v. russe; suff. -ien*. Bbg. Quem. DDL t. 26.
Actuellement on se contente de traduire ces mots rentrés en vigueur « российский/россиянин » (rossiïskiï/rossiïanine) comme « russe/Russe », ce qui pervertit le sens et induit souvent en erreur.
Parfois on recourt à la mutation de cet adjectif en substantif : « de Russie », mais souvent cela s’avère soit impossible, vu la construction de la phrase, soit incongru.
Un petit rappel linguistique, historique et culturel concernant l’emploi de ces mots en Russie
Dans le dictionnaire d’Ojegov :
- РОССИЙСКИЙ, -ая, -ое. Относящийся к россиянам, к русским, а также к России, ее территории, внутреннему устройству, истории; такой, как у россиян, как у русских, как в России, Российская история. Российская Федерация. Р. флаг. Р. герб. Российские просторы. По-российски (нареч.).
- РОССИЯНЕ, -ян, ед. -янин, -янина, м. I. То же, что русские (устар., обычно высок.). 2. Общее название населения России. II ж. россиянка, -и.
- РУССКИЕ, -их, ед. -ий, -ото, м. Народ, составляющий основное коренное население России.
- РУССКИЙ, -ая, -ое. 1. см. русские. 2. Относящийся к русскому народу, к его языку, национальному характеру, образу жизни, культуре, а также к России, ее территории, внутреннему устройству, истории; такой, как у русских, как в России. Р. язык (восточнославянской группы индоевропейской семьи языков). Русская философская мысль. Р. критический реализм Р. богатырский эпос. Русское деревянное зодчество. Русская крестьянская община. Русские народные песни. Р. романс. Русское гостеприимство. Русская кухня. Р. национальный костюм. Русская тройка. Русская зима. Русская рубашка (косоворотка). Р. рысак (порода лошадей). По-русски (нареч.). 4. Русским языком говорю кому (разг.) – раздраженное требование послушать, понять.
Les mots « россияне/россиянин/россиянка » (rossiïianié/rossiïianin’/rossiïianka) ont été en fait bannis en URSS (1922-1991), pays successeur de l’Empire russe – non, pas « russe », mais l’« Empire russien », car on disait « Российская империя » (Rossiïskaïa imperiïa), et pas du tout « Русская империя » (Rousskaïa imperiïa) – mais pays qui n’aimait guère se souvenir de cette succession et dont la population vue dans son intégralité a été baptisée « peuple soviétique » par les bolcheviks. (Curieusement, ce mot difforme « soviétique » ne s’employait qu’en tant qu’adjectif dans des locutions « советский народ » (sovietskiï narod’ – le peuple soviétique), « советские трудящиеся » (sovietskiïe troudiachtchiéssia – les travailleurs soviétiques), « советские законы » (sovietskiïe zakony – les lois soviétiques), « Советский Союз » (Sovietskiï Soyouz – l’Union Soviétique), etc., et jamais comme substantif désignant une nationalité, de sorte qu’il était très difficile, voire impossible, de répondre correctement à la simple question : « Qu’êtes-vous ? » (dans le sens de citoyenneté ou de nationalité en français), au lieu de quoi on était forcé de révéler son ethnie, russe ou autre, ou recourir au nom du pays : « Je suis de l’Union Soviétique », mais jamais « Je suis Soviétique »).
Ces mots « россияне/россиянин/россиянка » (rossiïanié/rossiïanine/rossiïanka) sont revenus triomphalement dans la langue russe depuis 1991 pour y occuper la place centrale ; mais le monde, y compris le monde francophone, ne s’en est pas rendu compte jusqu’à présent.
C’est pourquoi les mots correspondants « Russiens/Russien/Russienne » sont désormais fortement recommandés d’emploi dans la langue française. Il suffit de les retirer de cette catégorie « vieilli », vieillie à son tour (l’Histoire, c’est la spirale.)
Qui plus est, les mots « великоросс » (velikorosse), « великорусский » (velikorousskiï), « Малороссия » (Malorossiïa), « малоросс » (malorosse), « малорусский » (malorousskiï), « Новороссия » (Novorossiïa), « новороссийский » (novorossiïskiï) revenant, eux aussi, dans le vocabulaire russe en y prenant de plus en plus d’envergure, ils exigent donc chacun une traduction française plus exacte, sémantique, du type « Grand-russien, Blanc-russien, Petit-russien » (voir plus haut ces mots soi-disant « vieillis ») et pas « Vélikorusse, Biélorusse, Malorusse », monstres onomatopéiques inintelligibles.
Passons à l’adjectif « российский » (rossiïskiï), de nos jours très répandu en Russie, non moins que le mot « français » dans le monde francophone. En tout cas, de loin plus répandu que le mot « русский » (rousskiï).
Il devient de plus en plus incongru de continuer de le traduire comme « russe ». Les Français, qui aiment tant les maths, doivent enfin comprendre, que les mots « российский » et « русский » désignent deux ensembles différents. Le deuxième est un sous-ensemble du premier, une partie de cet ensemble. Certes une partie constituante unificatrice, la plus nombreuse, dont la langue est celle de l’État tout entier, mais de point de vue ethnique et étatique une partie quand même. De sorte que ces deux notions appellent à être traduites différemment.
Traduire cet adjectif comme « de Russie » peut parfois sauver la situation, mais pas toujours.
Leur emploi officiel
Prenons, par exemple, le point 2 de l’article 1er de la Constitution de la Fédération russienne (« russe » ou « de Russie », quoique les deux traductions soient fausses) à ne pas confondre avec la constitution officielle de la Fédération de Russie :
« Наименования Российская Федерация и Россия равнозначны. »
À présent, on a l’habitude de traduire cette phrase comme suit :
« Les dénominations « Fédération russe » et « Russie » sont équivalentes. »
Ou :
« Les dénominations « Fédération de Russie » et « Russie » sont équivalentes. »
Ne parlons plus de la première version, c’est évidemment faux (la Fédération n’est pas seulement « russe »).
Mais la deuxième n’en devient guère plus sensée.
Du point de vue logique, une fédération de X ne peut pas être équivalente à X, X n’étant évidemment qu’une partie d’une fédération de X. C’est un alogisme.
Une fédération (ou une confédération) suppose au moins deux entités fédérées. Par exemple, la locution « Confédération suisse » peut paraître semblable à une « Fédération russe », mais seulement du premier abord. Car il n’y a pas de « cantons suisses » qui puissent avoir l’exclusivité du qualificatif de « suisse » à l’exclusion d’autres cantons de cette Confédération ; le mot « suisse » n’est relatif qu’à la Confédération toute entière, et pas à une ou des entités quelconques dans son sein.
Donc je peux poser la question : « La Fédération de Russie, c’est en fait la Fédération dans laquelle se trouve la Russie, et qui d’autre ? » On ne peut pas être fédéré avec soi-même.
Tandis que la Fédération russienne se passera de ces questions. Il suffira de s’habituer.
On lira alors dans la Constitution :
« Les dénominations « Fédération russienne » et « Russie » sont équivalentes. »
Bon. Mais ne pensez pas que c’est tout ce que je veux apporter à la traduction française des réalités russes (plutôt russiennes, mais il me faut m’habituer).
Si on reprend la Constitution de la Fédération russienne (vous voyez, je m’y habitue peu à peu), on y trouvera l’article 65, lequel n’étant en fait dans son point premier que la liste des sujets de la Fédération russienne (Le mot « sujet » dans la locution « sujets de la Fédération russienne » est une autre traduction française peu ordinaire d’une réalité russienne, mais, Dieu merci, adoptée dans le monde francophone il y a déjà pas mal de temps.)
À noter que si les oblasts et les kraïs de la Russie sont aussi bien formalisés que ces « sujets », le mot okroug reste ordinairement traduit comme « district », ce qui induit en erreur. Ces trois types principaux des sujets de la Fédération russienne devraient être traduits en mots exacts, « endémiques » mais déjà existants en français.
Regardons cette liste des sujets de la Fédération russienne de près.
Les républiques, d’abord :
Республика Адыгея (Адыгея), Республика Алтай, Республика Башкортостан, Республика Бурятия, Республика Дагестан, Донецкая Народная Республика, Республика Ингушетия, Кабардино-Балкарская Республика, Республика Калмыкия, Карачаево-Черкесская Республика, Республика Карелия, Республика Коми, Республика Крым, Луганская Народная Республика, Республика Марий Эл, Республика Мордовия, Республика Саха (Якутия), Республика Северная Осетия — Алания, Республика Татарстан (Татарстан), Республика Тыва, Удмуртская Республика, Республика Хакасия, Чеченская Республика, Чувашская Республика — Чувашия.
La traduction française possible :
La République d’Adyguée (Adyguée), la République d’Altaï, la République de Bachkortostan, la République de Bouriatie, la République de Daghéstan, la République Populaire Donetsienne, la République d’Ingouchie, la République Kabardino-Balkare, la République de Kalmoukie, la République Karatchaïevo-Tcherkesse, la République de Carélie, la République de Komi, la République de Crimée, la République Populaire Louganienne, la République de Mariï El, la République de Mordovie, la République de Sakha (Iakoutie), la République d’Ossétie du Nord — Alanie, la République de Tatarstan (Tatarstan), la République de Touva, la République Oudmourte, la République de Khakassie, la République Tchétchène, la République Tchouvache — Tchouvachie.
Comme vous voyez, la traduction est soumise à la logique imperturbable : si le nom d’une république est constitué en russe par un adjectif (p. ex., « Чеченская » – Tchétchènskaïa), cet adjectif reste tel dans la traduction (Tchétchène). Si le nom est constitué d’un substantif (Адыгея – Adyguéïa), ce substantif reste tel quel dans la traduction en lui adjoignant « de » (d’Adyguée).
Ceci dit, il est indispensable de traduire les noms des deux nouvelles républiques russiennes selon cette même logique. Comme leurs noms en russe sont constitués par des adjectifs (Донецкая, Луганская), ces adjectifs doivent rester dans la traduction, malgré la pratique adoptée dans la presse francophone, à savoir de Donetsk et de Lougansk.
Et ce qui est capital, c’est que personne ne puisse dire exactement si l’adjectif « Донецкая » (Donetskaïa) provient du nom de ville « Донецк » (Donetsk) ou du nom du fleuve « Донец » (le Donets’), et de même si l’adjectif « Луганская » (Louganskaïa) provient du nom de ville « Луганск » (Lougansk) ou du nom du fleuve (plutôt de la rivière) « Лугань » (la Lougagne). Comme les noms des villes « Донецк » (Donetsk) et « Луганск » (Lougansk) proviennent incontestablement eux-mêmes des noms des fleuves correspondants, j’incline vers l’opinion que ce sont les noms des fleuves qui sont à l’origine des noms de ces oblasts devenus républiques…
Reste à adopter le principe de formation de ces adjectifs nouveaux (jusqu’à présent inexistant dans la langue française). Il y a deux voies pour cela :
a) translitérer la dénomination russe : Donetskaïa, Louganskaïa ;
b) en laissant des racines telles quelles, remplacer les terminaisons russes « -ский / -ская / -ское » (-skiï / -skaïa / -skoïe) pour les genres masculin, féminin et neutre, par celles, françaises, « -ien / -ienne » : Donetsienne, Louganienne.
Les deux solutions ont leurs défauts chacune. La première a, entre autres, ce défaut que les genres des mots correspondants en russe et en français ne coïncident pas. Si le kraï est masculin, comme son homologue russe, l’oblast est aussi masculin, tandis qu’en russe ce mot, « область », est féminin. Les deux variantes, « l’oblast Samarskaïa » et « l’oblast Samarskiï » sont impensables, autant à un Russe connaissant le français, qu’à un Français connaissant le russe.
La solution « -ien / -ienne » s’impose donc, avec la concordance avec le genre du mot français.
Voilà ce qu’il faut comprendre : lorsqu’on parle de la « République de Touva », ça signifie qu’il existe bel et bien un sujet de la Fédération russienne nommé par le substantif « Touva ». Si on laisse la dénomination « République Populaire de Donetsk » admise actuellement par la presse francophone, on pourrait en tirer une conclusion fausse qu’il existerait un sujet de la Fédération russienne nommé par le substantif « Donetsk ». Or, c’est faux. Donetsk, c’est une ville, la capitale du sujet de la Fédération russienne nommé « République Populaire Donetskaïa », mais pas ce sujet lui-même.
Ce raisonnement logique est surtout applicable aux autres sujets de la Fédération russienne. Comme vous verrez, ici tout est à refaire.
Les kraïs de la Russie :
Алтайский край, Забайкальский край, Камчатский край, Краснодарский край, Красноярский край, Пермский край, Приморский край, Ставропольский край, Хабаровский край.
Comme vous le voyez, les noms des 9 kraïs russiens sont tous constitués par des adjectifs.
La traduction courante française, en contradiction, n’inclut que des substantifs auxquels on a adjoint « de » :
Le kraï d’Altaï, le kraï de Transbaïkalie, le kraï de Kamtchatka, le kraï de Krasnodar, le kraï de Krasnoïarsk, le kraï de Perm, le kraï de Primorié, le kraï de Stavropol, le kraï de Khabarovsk.
Qui plus est, le kraï « Забайкальский » (Zabaïkal’skiï) a subi une tentative peu glorieuse de « traduction partielle », quand on a traduit le préfixe « За » (Za) par « Trans » et on a inventé le substantif inexistant « Transbaïkalie » (le substantif « Baïkalie » n’existant pas davantage). Inutile de vous dire que vous ne trouverez pas beaucoup de Russes qui sauraient discerner ce que cette « Transbaïkalie » pourrait en fait signifier, tant cette chimère linguistique est éloignée du mot russe.
Tandis que le préfix « При » (Pri) dans le nom « Приморье » (Primorié) n’a pas subi cette procédure douteuse (dans cette logique, il aurait dû être remplacé par « Cis »).
Bon. Parmi les noms de ces neuf kraïs, cinq sont des adjectifs formés depuis les noms de leurs capitales ; donc la solution est la même que pour les autres cas comparables, c’est-à-dire, nom de ville comme racine et « -ien » comme terminaison : Permien, Krasnodarien, etc.
Les quatre restants seraient, du premier abord, étroitement liés chacun au lieu géographique bien connu dans la géographie française, de sorte que selon la logique, puisqu’un lieu géographique « Altaï » existe, on pourrait laisser « le kraï d’Altaï » tel quel.
Pas si vrai. Si vous vous souvenez, hormis ce « kraï d’Altaï », il existe aussi la « République d’Altaï ». Oui, il s’agit toujours de la même chaîne de montagnes, mais elle est située dans 4 pays !
De sorte qu’on ne peut pas admettre la même locution « d’Altaï » pour la République et pour le kraï. Ceci n’est guère le cas dans la Constitution de la Fédération russienne.
De même, la péninsule connue de Kamtchatka ne coïncide pas dans ses frontières avec le kraï Kamtchatien.
Aussi, si les notions historiques et géographiques russes « Забайкалье » (Zabaïkalié) et « Приморье» (Primorié) – que l’on a essayé de translitérer ou même traduire partiellement – existent, elles ne sont définies que très approximativement. Ces régions historico-géographiques ne peuvent pas être assimilées aux subdivisions administratives possédant des frontières définies rigoureusement.
De sorte que la liste des kraïs devrait être traduite comme suit :
Le kraï Altaïen, le kraï Zabaïkalien, le kraï Kamtchatien, le kraï Krasnodarien, le kraï Krasnoïarien, le kraï Permien, le kraï Primorien, le kraï Stavropolien, le kraï Khabarovien.
Passons maintenant aux oblasts, les sujets les plus nombreux de la Fédération russienne.
Амурская область, Архангельская область, Астраханская область, Белгородская область, Брянская область, Владимирская область, Волгоградская область, Вологодская область, Воронежская область, Запорожская область, Ивановская область, Иркутская область, Калининградская область, Калужская область, Кемеровская область — Кузбасс, Кировская область, Костромская область, Курганская область, Курская область, Ленинградская область, Липецкая область, Магаданская область, Московская область, Мурманская область, Нижегородская область, Новгородская область, Новосибирская область, Омская область, Оренбургская область, Орловская область, Пензенская область, Псковская область, Ростовская область, Рязанская область, Самарская область, Саратовская область, Сахалинская область, Свердловская область, Смоленская область, Тамбовская область, Тверская область, Томская область, Тульская область, Тюменская область, Ульяновская область, Херсонская область, Челябинская область, Ярославская область.
Pour la plupart les noms des oblasts sont constitués par des adjectifs provenant du nom de la capitale (centre administratif) de ce sujet de la Fédération russienne, donc ce sera la racine plus « -ien » (car le mot « oblast » est de genre masculin en français).
Mais il y a des cas particuliers dont on va parler.
Commençons par l’Amour. Marrant pour un francophone, mais c’est un fleuve, grand et beau. Or, évidemment l’oblast Amourien n’est guère le seul parmi les multiples territoires baignés par ce fleuve.
De même que pour certains kraïs, l’oblast Sakhalinien ne coïncide pas exactement avec l’île de Sakhaline.
Des particularités sont présentes dans les noms de deux oblasts, dont les capitales portent les noms presque identiques : « Новгород » (Novgorod, littéralement comme en français : « Ville neuve »).
Ces deux Novgorod(s) ont chacune un supplément de nom : « Великий Новгород » (« Villeneuve la Grande » ou « Vélikiï Novgorod », ou « Новгород » (Novgorod) tout court jusqu’en 1999 et dans la langue parlée), et « Нижний Новгород » (« Villeneuve-Basse », ou « Nijniï Novgorod », ou « Нижний » (Nijniï) tout court, « La Basse » dans la langue parlée, et étant de loin plus grande que « Novgorod la Grande » plus ancienne ; mais on sait très bien que le mot russe « Великий » (Vélikiï) ne correspond pas tout à fait au mot français « Grand »).
Et les deux oblasts correspondants ont aussi des particularités dans leurs noms. Celui dont la capitale est Vélikiï Novgorod est nommé « Новгородская » (Novgorodskaïa, « Novgorodien ») tout court, tandis que celui avec Nijniï pour capitale porte le nom « Нижегородская » (Nijégorodskaïa, « Nijégorodien »), une curieuse variation du nom de la ville.
Et on passe aux trois oblasts que j’ai laissés pour le dessert, tant les traductions actuelles de leurs noms prêtent à rire, à savoir ceux qui sont traduites à présent « de Moscou », « de Léningrad » et « de Sverdlovsk ».
Les deux derniers noms de villes, « Léningrad » et « Sverdlovsk », n’existent tout simplement plus ! Ou alors seulement dans cette géographie française des oblasts russiens : « Léningrad » était l’ancien nom soviétique de Saint-Pétersbourg, et « Sverdlovsk » celui d’Iékaterinbourg. Donc ces sujets de la Fédération russienne ne peuvent en aucun cas être nommés ainsi ; à traduire « Léningradien » et « Sverdlovien ». Ces noms, Léningrad et Sverdlovsk, ne subsistent en russe que sous la forme de leurs adjectifs ou bien dans l’aspect historique. La géographie française a tort de les faire perdurer.
Enfin, les deux premiers oblasts, prétendument « de Moscou » et « de Léningrad », n’ont en fait rien à voir avec ces villes sauf par le fait qu’ils entourent ces villes sans les inclure (sans parler du fait que Léningrad, lui, n’existe plus, de sorte que l’oblast soi-disant « de Léningrad » entoure la ville qui portait jadis le nom de Léningrad et avec laquelle il n’a en surplus rien à voir, les villes de Moscou et de Saint-Pétersbourg étant des sujets propres de la Fédération russienne sous forme de villes d’importance fédérale). Donc ce seraient les oblasts « Moscovien » (et surtout pas « Moscovite » qui pourrait être proposé mais qui désigne un habitant justement de la ville de Moscou, et pas de l’oblast) et « Léningradien » comme je l’ai dit plus haut (qui a non une seule, mais deux bonnes raisons de ne pas être nommé « de Léningrad »).
Donc on aurait :
L’oblast Amourien, l’oblast Arkhangélien, l’oblast Astrakhanien, l’oblast Belgorodien, l’oblast Brianien, l’oblast Vladimirien, l’oblast Volgogradien, l’oblast Vologdien, l’oblast Voronéjien, l’oblast Zaporojien, l’oblast Ivanovien, l’oblast Irkoutien, l’oblast Kaliningradien, l’oblast Kalougien, l’oblast Kémérovien — Kouzbass, l’oblast Kirovien, l’oblast Kostromien, l’oblast Kourganien, l’oblast Kourien, l’oblast Léningradien, l’oblast Lipétien, l’oblast Magadanien, l’oblast Moscovien, l’oblast Mourmanien, l’oblast Nijégorodien, l’oblast Novgorodien, l’oblast Novossibérien, l’oblast Omien, l’oblast Orenbourgien, l’oblast Orelien, l’oblast Penzien, l’oblast Pskovien, l’oblast Rostovien, l’oblast Riazanien, l’oblast Samarien, l’oblast Saratovien, l’oblast Sakhalinien, l’oblast Sverdlovien, l’oblast Smolénien, l’oblast Tambovien, l’oblast Tverien, l’oblast Tomien, l’oblast Toulien, l’oblast Tioumenien, l’oblast Oulianovien, l’oblast Khersonien, l’oblast Tchéliabinien, l’oblast Iaroslavien.
Rien à signaler sur les trois villes d’importance fédérale :
Moscou, Saint-Pétersbourg, Sébastopol — villes d’importance fédérale.
Par contre, je traduirais « Еврейская автономная область » (Iévreyskaya autonomnaya oblast’) par « L’oblast autonome hébreu » (et pas « juif »). Car le mot « juif » est associé en russe avec une appellation péjorative, presque interdite, de ce peuple. D’autant plus que la racine des mots « Еврей » (Iévrey) et « Hébreu » est évidemment la même.
Enfin, des okrougs autonomes, anciens « districts » autonomes. En russe :
Ненецкий автономный округ, Ханты-Мансийский автономный округ — Югра, Чукотский автономный округ, Ямало-Ненецкий автономный округ.
Toujours des adjectifs ici, pas des ethnies. Qui plus est, le mot Iamal dans le nom de l’un des okrougs n’a rien à voir avec une ethnie comme d’aucuns pourraient le penser, c’est un mot de la langue Nénètse donné à cette péninsule. De sorte qu’on aura :
L’okroug autonome Nénétsien, l’okroug autonome Khanty-Mansien — Iougra, l’okroug autonome Tchoukotien, l’okroug autonome Iamalo-Nénétsien.
J’espère que ces propositions, aussi insolites qu’elles puissent paraître, pourraient être prise en considération par les auteurs des articles concernant ou évoquant la Russie et ses régions, les Russes et les Russiens, y compris les articles pour la Wikipedia francophone, par les traducteurs en français et généralement par tous les francophones s’intéressant à la Russie.
Valerik Orlov
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“J’aimerais bien connaître votre opinion sur ce projet.” avez-vous écrit à la fin de votre article “Filiale francophone du Mouvement international russophile (FFMIR)”. N’ayant pas trouvé sur RI le moyen de laisser un commentaire, je le fais ici pour vous dire que votre idée est excellente et qu’elle va répondre à l’attente de nombreux francophones et de Français en particulier. Хотя я не говорю свободно по-русски, я знаю достаточно, чтобы читать и понимать тексты традиционных песен, которые я очень люблю, и многое другое…
Я тоже регулярно сотрудничаю с Еленой Сидоровой, директором Франко-российского института Южно-Российского государственного политехнического университета (НПИ) имени М.И. Платова (https://www.institutfrancorusse.org/ru/index.html). Я упомянут на сайте как “эксперт” партнер в качестве корректора текстов, опубликованных на французском языке.
Cher Michel,
Merci bien pour votre intérêt.
Je vous invite à l’échange d’idées sur le forum que je viens de mettre en ligne et qui s’appelle “Amicale des russophiles francophones” :
https://russophile.boris-vian.net
Dans l’espoir de vous y voir bientôt…
Bonjour, vous faites de la propagande pour une filiale francophone du M.I.R.,
mais je ne trouve nulle part une adresse mail pour l’approuver et pour s’y affilier.
Il y a longtemps que je demande partout, mais personne ne me répond !!!
Bonjour Pierre,
Vous ne la trouvez toujours pas, car elle est justement à créér !
C’est ce que je propose.
D’ailleurs le M.I.R. lui-même tarde à se développer.
En attendant son élan j’ai mis en ligne le forum qui s’appelle “Amicale des russophiles francophones” :
https://russophile.boris-vian.net
Ce forum est hébergé sur des serveurs russes (hébergeur https://hostland.ru àSt-Pétersbourg), donc pas soumis à aucune influence occidentale.
Qui plus est, j’invite tout francophone pas malveillant à la Russie à créer GRATIS (et sans trace de publicité) son blog sur mon domaine boris-vian.net (alias borisvian.ru), par exemple pierre_delmotte.boris-vian.net pour s’y exprimer sans aucune censure (à condition de ne pas enfreindre la législation russe qui est loin d’être aussi cruelle que celle de l’Occident).
Merci pour votre intérêt à la russophilie francophone, Pierre.
A l’époque soviétique, le citoyen soviétique se désignait comme “citoyen soviétique” ou “homme soviétique”, ou il utilisait l’adjectif “Ia sovietsky”. Après 1991, les habitants du Donbass lors des recensement qui refusaient de se considérer comme des Ukrainiens mais ne se considéraient pas pour autant comme des Russes ou des Russiens répondaient l”nationalité soviétique”, concept qui n’existait pas à l’époque soviétique, par opposition à la destruction de l’URSS. Le terme “Rossiya” à l’époque soviétique existait pour désigner la RSFSR. Un habitant de la RSFS de Russie (“Rossiya”) étaient russien (rusky), tatars, yakoute, etc et l’usage du terme “Rossiyanie “n’avait pas vraiment de sens puisque les deux concepts de base de l”époque était la nationalité (donc une partie seulement des habitants de la RSFSR) et la citoyenneté (Soviétique), il était pratiquement inutile de désigner sous un vocabl global les habitants de la RSFSR, même si, officiellement, ils étaient des “Rossiyanie”. Pour les habitants de la Biélorussie, on peut aussi utiliser le terme de “Biélorussiens”. Mais il faut savoir que dans la langue française le terme de Russien a un équivalent jugé plus archaïque, celui de Ruthène. On a ainsi eu les Biancs-ruthènes, les petits-Ruthènes ou les Grands-Ruthènes.
Bonjour Prigeac,
Merci bien pour votre intervention.
Comme j’ai déjà écrit, la réalité russienne actuelle diffère de celle qui avait lieu en URSS.
(J’aurais pu écrire beaucoup sur la politique nationale en URSS, mais c’est un hors-sujet ici.)
Et cette nouvelle réalité exige de nouvelles approches.
Bonjour Prigeac,
La réalité en Russie a changé magistralement depuis l’époque de l’Union soviétique et de la R.S.F.S.R, et cette nouvelle réalité exige des nouvelles approches, et parfois des nouveaux mots, même si auparavant ils étaient qualifiés archaïques…
L’Histoire est une addition de “petits détails”, les mots traduisent la pensée d’une personne , une langue les mots communs à un groupe de personnes. Ceux qui veulent diminuer la précision des mots, ne veulent pas, par fainéantise ou idéologie, comprendre l’histoire, le mode de pensée de celui qui leur parle. Bref ils en ont rien à faire de l’autre. A lire le développement ci dessus, il apparaît que vouloir ignorer cette précision pour tenter de comprendre la différence entre 2 mots, est bien digne d’un monde “occidental”, manichéen sans subtilités.
Bravo a ce travail, je ne parle pas russien, mais m’intéresse à la culture russienne et je vais tenter désormais d’utiliser les bons mots.
Merci infiniment pour cet article bien intéressant, l’onomastique n’est en effet jamais neutre et je ne suis même plus étonné, à force, de l’ignorance crasse dans laquelle se trouvent et se complaisent tant de journalistes singulièrement en Europe francophone (je vous écris de Bruxelles).
En finale vous consacrez quelques lignes aux termes « hébreu » et « juif ». Ils me font penser à ce décret de Lénine pris en 1921, je crois, réprimant les injures antisémites. Cela a donné lieu à des expressions satiriques comme « подеврейвать» plutôt que « поджидать» , mot comportant le phonème tabou.
Ma Babouchka était une ukrainienne très ordinairement antisémite et mon père, né à Kiev en 1927, empreint a contrario d’une morale toute soviétique qu’il nous a léguée intacte et qui a laissé des traces chez le vieil homme que je suis devenu.
Remarquable travail de linguiste, merci beaucoup Monsieur Valerik Orlov. Il faudrait que cet article soit publié très officiellement dans toutes les universités françaises qui enseignent la langue russe, l’histoire et les civilisations russiennes.
Merci pour ce cours. Un peu compliqué pour un débutant.
Article long et laborieux pour un point de détail.
J’aurais bien voulu une explication dès le début de la différence entre russe et russien.