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Point de vue sur la situation opérationnelle de la SVO à la fin juin 2024

Les facteurs non militaires pesant sur la SVO, mutations internes dans la foulée de la réélection du président Poutine et gesticulations internationales occidentales et russes, on fait l’objet d’une étude à part. Il nous semble que la situation militaire de ce début d’été 2024 a souvent fait l’objet d’analyses erronées.

Des erreurs d’interprétation et de leurs causes

Un des biais fréquents tient au reformatage de la pensée de nos contemporains, dominée par l’instantanéité (« actualité continue »), la vitesse (autorisée par des réseaux de communication de plus en plus performants et intégrés) et la saturation des facultés cognitives par un bombardement d’informations impossibles à « digérer » dans la continuité. Les esprits ainsi conditionnés génèrent frustration, rejet et négation des événements qui s’inscrivent dans le temps plus long du Réel (par opposition au Virtuel). Cumulé à l’hégémonie de l’affect sur l’intellect cultivée par les médias, cela conduit à deux graves biais d’interprétation des faits : Un pessimisme défaitiste au moindre signal de ralentissement ou d’arrêt des opérations, voisinant avec un excès d’optimisme irréaliste lors de victoires, même limitées. Cela pousse à mal supporter le récit d’une guerre positionnelle et d’attrition, en recherchant tout fait pouvant laisser penser à un déblocage et à un passage à une guerre de mouvement avec pour finalité une solution rapide du conflit.

Il nous semble qu’il convient d’interpréter à la lueur de ce qui précède les commentaires sur les évolutions militaires récentes, avec deux erreurs majeures :

  • Imaginer que l’État-major russe veut développer des actions offensives majeures
  • Penser que parmi celles-ci, il est envisagé de prendre la ville de Kharkov (de la même façon que les manœuvres autour de Kiev en février-mars 2022 ont été interprétées comme une tentative de saisir la ville de vive force, ce qui n’est techniquement pas soutenable).

Sur ces fausses prémisses il est facile de décliner un narratif affirmant erronément « que l’offensive russe a été stoppée », et que « Kharkov va être sauvée par une contre-offensive ukrainienne en préparation ».

Rappels de situation

Kharkov (2,5 millions d’habitants avant la guerre, probablement moins de la moitié actuellement) est un centre urbain majeur, avec un bâti industriel dense et résistant, qui contrôle la boucle interne du Donets nord. Quatre batailles y ont été livrées pendant la 2GM avec des effectifs (et des pertes) que ne peut engager aucun des belligérants actuels. En février 2022, les Russes avaient progressé dans tout l’Oblast mais sans prendre la ville ; à l’automne, les forces de Kiev ont réussi à percer le mince cordon de troupes russes1 et à les repousser jusqu’au fleuve Oskol. Actuellement, les troupes russes engagées dans l’Oblast représentent une force conséquente (11ème et 44ème corps d’Armées, éléments de la 6ème armée combinée et de la 1ère armée de la Garde) mais toujours insuffisante pour saisir une ville de cette importance et mise en défense. Il est très improbable que cela soit un objectif immédiat. De même, il ne paraît pas que les évolutions correspondent à une offensive majeure, visant à débloquer le front et à revenir à une guerre de mouvement avec des offensives « grand style » (dont les politiques, les médias, les commentateurs et par conséquence les opinions, sont friands). En effet, les FAU sont toujours capables d’actions défensive et offensives (v. infra), la masse critique russe est insuffisante, les concentrations de troupes et de matériels sont toujours vulnérables aux attaques par drones et bombes planantes, les moyens ISR (pour intelligence, surveillance, reconnaissance) otano-kiéviens restent opérants et les armes de précision à longue portée récemment livrées encore capables de frapper les bases de départ, zones de rassemblements et logistiques russes.

Analyse des objectifs et phasage des opérations

Il nous paraît que l’intention principale russe reste d’atteindre les buts de guerre fixés en février 2022, qui sont centrés sur le Donbass ; la libération complète de la région implique la prise des pivots très lourdement fortifiés depuis une décennie de Kramatorsk et Kupyansk. La mise en œuvre opérationnelle de cet objectif entraînera mécaniquement l’atteinte des deux autres buts de guerre, destruction de la menace militaire ukrainienne et affaiblissement de l’idéologie politique dominante à Kiev. Une victoire russe contre Kiev serait également une défaite de l’Occident collectif, UE, OTAN et hégémon étasunien, ce qui n’entrait probablement pas dans les prévisions initiales.

Si cet axe d’effort demeure le principal, son obtention avec un minimum de pertes humaines et de ressources (afin de ne pas impacter la société russe, les projets de développements intérieurs et d’équilibre économique) exclut un assaut massif et frontal. Il est également devenu nécessaire d’intégrer le risque d’une guerre ouverte avec l’Ouest, en essayant de limiter les « dérapages » réciproques et en conservant une réserve stratégique pour pouvoir mener une guerre prolongée et à grande échelle.

La stratégie russe est d’exercer une pression suffisante pour que Kiev ne puisse disposer des moyens humains et matériels nécessaires pour conserver ces territoires ; cette démarche vise la destruction des moyens capacitaires et du potentiel biologique ukrainien, fût-ce au prix de pertes territoriales qui seront récupérées à l’issue du processus.

Les opérations depuis le 10 mai 2024 peuvent s’analyser comme suit :

Les mouvements de troupes russes ont permis d’aspirer les réserves et les unités les plus capables de Kiev, de les écarter d’autres régions et de les broyer localement. Cela permet dans un second temps de fournir une base opérationnelle possible pour ouvrir d’autres points de pression, avec un front à partir de l’Oskol vers Kupyansk, voire éventuellement dans la région de Sumy. Il s’agit de détruire la capacité de génération de forces ukrainienne, de disloquer les « pompiers » envoyés colmater les brèches, d’empêcher la constitution de réserves et d’éviter la mobilisation efficace d’une nouvelle armée dotée de matériels et de conseillers occidentaux. Sur 40 millions d’habitants il en reste approximativement 25 sous contrôle de Kiev , ce qui permet encore de générer a minima un million d’hommes et de femmes2. Le matériel soviétique initial a quasi intégralement disparu au feu, mais les moyens occidentaux peuvent permettre un rééquipement. Le problème majeur est la formation efficace des nouveaux soldats, pour une armée devant faire face à des attaques multiples et permanentes, sans disposer du répit nécessaire. Le recours aux unités les plus expérimentées et motivées conduit également l’armée de Kiev à s’auto-consumer, comme la Wehrmacht après 1943. Le cycle opérationnel russe correspond peu ou prou aux canons de l’art opératif, avec une combinaison d’actions successives débouchant sur un résultat indirect.

Kiev ne bénéficie pas de l’option suivie par de l’armée de Moscou, qui put procéder à une rétraction efficace à l’automne 2022 en abandonnant de larges portions du territoire conquis pour raccourcir les lignes et se mettre en situation défensive. Alors que la Russie a pu en profiter pour mobiliser partiellement et se réorganiser, l’Ukraine ne dispose pas de la même capacité de génération de force3, ni de la possibilité de se replier, ni de l’initiative stratégique, alors que Moscou peut lancer des pointes simultanées ou successives sur toute l’étendue du front.

Dans ce cadre, les actions russes ne visent nullement à relancer un cycle d’offensive majeure mais à poursuivre une guerre positionnelle et d’attrition pour brûler le potentiel et les réserves ukrainiennes. On peut penser que la seconde phase visera à isoler Kupyansk, pour la rendre intenable et forcer les troupes de Kiev à l’évacuer comme ce fut le cas à Avdivka.

Les avancées russes ont porté sur les zones de Lyptsi et Volchanks au Nord-est de Kharkov (sur la rive Est, donc côté Kupyansk et non de Kharkov). La destruction ou le contrôle des ponts sur le Donets ont obligé les forces ukrainiennes à emprunter un itinéraire sous le feu russe et à traverser la Volchya par des opérations amphibies risquées (notamment à Chugiv).

Les Ukrainiens ont dû rameuter leur « pompiers du front », comme les unités SS et Panzer d’élite de la Wehrmarcht en leur temps, subissant la même usure. La 47ème brigade mécanisée, unité d’élite a été engagée dans l’offensive avortée du front de Zaporoje, puis pour renforcer Avdivka et enfin actuellement à Ocheretyne. Elle est fortement diminuée. La 93ème brigade mécanisée a été engagée à Volchansk et partiellement à Chasov Yar, diminuant également sa disponibilité opérationnelle. Cela a imposé d’engager à Orechetyne la 110ème brigade mécanisée, créée seulement un mois avant et même pas encore dotée des moyens organiques d’une unité mécanisée. Selon les commentateurs, de 30 à 47 bataillons ukrainiens auraient été engagés pour stopper les pointes russes, soit au moins 10% du potentiel total disponible. Fin juin, pour supporter la 57ème brigade et la 136ème brigade fortement étrillées et la 125ème brigade territoriale au faible potentiel, les FAU déploient autour de Volchansk des unités d’élite, 36ème brigade de marine (d’élite), Brigade de police Lyut, un bataillon de la 82ème brigade d’assaut aérien… Ce mécanisme impose à Kiev d’être en permanence en mode réactif, de consommer ses moyens plus vite qu’elle ne les produit et rend impossible de reconstruire l’appareil militaire ou de « souffler » pour mettre en place une stratégie opérative autre que cette successions de combats d’arrêt qui écartèlent le dispositif. Toutefois, tant que l’Ukraine disposera de moyens occidentaux et indigènes (notamment au plan des drones, secteur très bien maîtrisé par Kiev) pour organiser son complexe de reconnaissance et de frappe, il est hautement improbable que l’armée russe se lance dans une phase d’exploitation d’une percée quelconque. Le système du « grignotage » paraît donc devoir persister.

En revanche, il est probable qu’une action russe visant à dégager à plus long terme Kramatorsk et Slavyansk se fasse par Konstantinovka (au Sud-Ouest de Chasov Yar/Bakhmut et au Nord de New York, également puissamment fortifiée. Cela explique la pression sur Ocheretyne, axe autoroutier entre Konstantinovka et Pokrovsk.

Après un mois de combats, le « gel » du front correspond à la stratégie explicitée supra, davantage qu’à une réussite ukrainienne. Toutefois, il semble que Kiev amasse des forces et des moyens (provenant de Pologne) pour une éventuelle contre-offensive. Pour ce faire, il a été nécessaire de dégarnir d’autre fronts (Kherson, Zaporije…) qui pourraient être réactivés par les Russes selon le schéma indiqué ci-dessus. La concentration de bataillons ralliés (5ème brigade d’assaut, 13ème brigade Karthia et 71ème « Jäger ») à Kharkov semble indiquer la constitution d’une force destinée à repousser les Russes vers la frontière, probablement via Lipsy. La 5ème brigade d’assaut et la 13ème de la garde nationale sont déjà engagées dans des combats de contre-attaque au Nord de la ville. Les observateurs russes envisagent une telle offensive pour juillet 2024. Évidemment, cela est couvert par le «brouillard de la guerre » et on ne saurait être trop affirmatif. L’analyste souligne toutefois que la « contre offensive d’été » ukrainienne de 2023, malgré quelques tentatives de déception, avait été annoncée et anticipée efficacement par la construction de la ligne Surovikine ».

Constats

Guerre dans le ciel :

Il paraît probable que la flotte aérienne constituée avec des dons européens de F-16, malgré de nombreuses difficultés (pilotes, personnels techniques au sol, compatibilité des pistes…) puisse soutenir un assaut mécanisé blindé reposant sur des chars et VCI occidentaux. L’emploi de chasseurs F-16 offre un intérêt considérable en termes de compatibilité avec les systèmes intégrés otaniens (détection, contrôle, surveillance, coordination, etc). C’est aussi une facilité certaine en matière de compatibilité des armes, les missiles et bombes occidentaux étant conçus pour être employés avec ces appareils. Le temps du dogfight semble révolu (les missiles air-air peuvent frapper à plus de 100km) mais ces avions peuvent servir d’efficaces vecteurs d’armes, créant une menace jusque lors quasi-inexistante pour la VKS et les troupes au sol russes, ainsi que les installations très en amont sur le territoire fédéral lui-même.

Malgré un grand investissement des contre-mesures électroniques russes, les drones ukrainiens restent à la pointe techniquement (répétiteurs, évasions de fréquences, qualité de pilotage, accroissement de rayon d’action…). La production en masse permet de compenser les pénuries en artillerie ou aviation et de maintenir un haut niveau de menace. La production de ces drones n’implique pas de sites industriels ciblés par les frappes russes mais la fabrication peut se faire en petits ateliers indécelables et disséminés. Les productions comprennent un volet R&D qui s’étend à la multiplication des types de drones (maritimes, aériens FPV, aériens à long rayon, aérien porte charges, quadricoptères, ailes à hélices, ailes à réacteur…).

L’aviation confirme son grand retour après l’éclipse des phases initiales en 2022. Alors que l’emploi massif de bombes planantes (FAB) de 500, 500 et 3000 Kg par l’armée russe a été un facteur majeur de destruction des points d’appuis ukrainiens, on constate les premiers emplois des équivalents occidentaux (GBU-39B) sur les lignes russes. L’apparition d’une armée aérienne ukrainienne va amplifier cette tendance, avec l’apport des missiles de croisière aéroportés occidentaux. Cela ne devrait pas permettre un retournement en faveur de Kiev mais en revanche éviter un effondrement, ce qui permettra de prolonger la durée de la guerre.

Des véhicules bénéficiant de protections spécifiques contre les drones kamikazes ont été observés, parfois avec un certains succès contre leurs charges réduites ; les « cope cage » et autres « barbecue » s’ils n’ont pas été efficaces contre les véritables missiles antichars (ex Javelin) le sont davantage contre les roquettes (Ex RPG-7) et les drones légers FPV. Les Russes développent des unités de « chasseurs de drones » sur véhicules légers portant des armes automatiques. C’est une tactique employée par les FAU depuis longtemps, moins coûteuse que le recours aux véhicules blindés lance-missiles et relativement efficace sur les drones subsoniques.

Il semble que les missiles à longue portée occidentaux aient été employés à détruire la capacité antiaérienne russe (SEAD, Suppression of Ennemy Air Defense), pour ouvrir le ciel aux F-16. Le résultats de ces opérations reste à définir. Ces opérations ont produit des effets variables face au Viet-Nam, à la Serbie, à l’Irak. On notera que ces théâtres mettaient toujours les USA ou l’OTAN aux prises avec un adversaire aux capacités infiniment moindres. Les performances respectives d’Israël, de la Syrie, de l’Iran et des Houthis seront très certainement incorporées aux analyses en cours.

Guerre sur terre :

L’Etat-major ukrainien est encore capable de mobiliser des ressources et d’opérer des transferts importants, de concentrer des capacités et de soutenir logistiquement ses unités.

Comme lors du tournant de 1944, l’État-major russe s’est avéré capable de monter des opérations offensives combinées, incluant des actions en ville, et pas seulement de tenir une posture défensive, tout en maintenant une stratégie d’attrition.

Les combats ont montré que les assauts russes pouvaient être efficaces en n’alignant que des effectifs assez réduits. La tactique russe de rassemblement sous couvert dans les aires urbaines suivi d’un assaut très rapide en colonnes pour limiter le danger des drones et de l’artillerie, fonctionne encore ; le principe de « navettes » rapides puis d’équipes d’assaut de 3 à 5 hommes semble plus ou mois copiés par les Ukrainiens.

La capacité de résistance ukrainienne est encore vigoureuse, certaines unités conservant leur mordant et leurs qualités tactiques, cela concerne les réguliers mais aussi les unités du SBU, les régiments politiques.

Contrairement aux assertions communes, l’artillerie kiévienne ne manque pas d’obus sur les points ou leur appui a été décidé. Néanmoins la supériorité de feu russe semble de cinq pour un.

L’appui feu d’artillerie reste un atout majeur, lance-roquettes multiples, obusiers et missiles sont déployés par les deux camps. Les Russes disposent avec les lance-flammes lourds thermobariques TOS d’une arme très efficace. Les missiles à longue portée et haute précision sont également très efficaces, même si les ATACM-S américains sont détournés pour bombarder les villes russes et la Crimée.

Les deux camps ont fait des prisonniers, les troupes peu expérimentées recrutées par Kiev ont davantage tendance à se rendre ou à fuir leurs positions. Toutefois, le front n’a pas « craqué » ; comme le Volksturm, les territoriaux, s’ils sont encadrés par des formations solides, sont capables de tenir une posture défensive et les combats restent très durs. C’est un des motifs probables de refus de tenter de prendre des centres urbains de vive force. Les garnisons pourraient les transformer en môles défensifs capables d’émousser, ralentir les pointes russes, a minima d’infliger des pertes insoutenables dans la politique actuelle du Kremlin. L’armée russe s’est avérée capable de victoires urbaines (Marioupol, Soledar, Bakhmut, Avdivka) mais pour préserver les troupes cela impose des destructions considérables et des pertes collatérales probablement non souhaitées (surtout dans des territoires ayant vocation à retourner dans le giron russe).

Le besoin en moyens spécialisés du Génie se confirme, pour les franchissements de coupures humides (nombreuses en Ukraine), l’ouverture d’itinéraire, le déminage. L’impératif du combat inter-armes se confirme, il a déjà conduit à revoir l’organisation des BTG russes. La supériorité supposée de l’OTAN en matière de modèle intégré associant les trois armes est peut-être en passe d’être remise en question. L’armée russe pourrait bénéficier de la culture héritée de l’armée soviétique en la matière, qui avait été plus ou moins abandonnée en adoptant un modèle occidental « plus léger » et davantage professionnalisé (et surtout plus économique et adapté à des opérations de projection ponctuelles) avec l’abandon partiel de la Division pour la Brigade, notamment.

Guerre en mer :

Pendant les opérations terrestres et les frappes aériennes stratégiques réciproques, Kiev a maintenu une pression sur la Mer noire, à l’aide de drones et de missiles français, britanniques et étasuniens. La flotte russe est toujours maintenue à l’écart de Sébastopol mais ses croiseurs lance-missiles participent aux frappes sur le territoire de Kiev. Le pont de Kertch a fait l’objet d’attaques massives, pour l’instant sans résultat. Les drones navals (BEC) semblent moins efficaces et les navires russes expérimentent des protections mécaniques (filets pare torpille, cages…), un meilleur emploi des armes automatiques de bord et l’action d’hélicoptères ASM. En retour on voit les premiers drones équipés de missiles AA, sans effet pour l’instant. Le nœud du problème semble le soutien ISR de l’OTAN dont les drones et avions de surveillance électronique en zone internationale sont toujours intouchables ainsi que la faiblesse de la capacité radars transhorizon russe, du fait d’un nombre limité pour longtemps d’AWACS E-50.

Extrapolation

Les changements de personnels ayant suivi la réélection de Vladimir Poutine semblent témoigner d’une volonté de maîtriser les coûts de la guerre en cours. Le porte-parole du Kremlin Peskov a ainsi déclaré qu’il fallait mettre l’économie de sécurité en harmonie avec l’économie (générale) du pays.

La hausse des coûts militaires est réelle, atteignant 7% du PIB. L’ombre de l’URSS et de son effondrement sous le poids de ses dépenses militaires plane probablement sur les esprits des dirigeants.

Cependant, pour la première fois depuis la fin de l’URSS, la Russie dispose d’une génération de managers civils et militaires, sélectionnés pour leurs capacités dans le cadre d’une guerre et aptes à relever une génération qui s’était davantage investie dans le profit personnel en exploitant aux marges le développement économique. La volonté d’opérer des restrictions dirigées, à des fins d’efficiences, aiguillonnés par la nécessité et le patriotisme et animée par des personnalités reconnues comme incorruptibles est un espoir considérable. Pour d’évidentes raisons l’Occident collectif a toutes les raisons d’espérer et de tenter de forcer l’échec de cette démarche , qui mettrait les richesses russes définitivement hors de portée et donnerait un signal très négatif au reste du Monde…

Pour revenir à des considérations militaires (mais la guerre n’est que la continuation de la politique comme l’avait défini Clausewitz), on se doit de remarquer que le management russe est suffisamment satisfait des résultats obtenus depuis 3 années et confiant dans l’avenir pour maintenir le commandement militaire en place et engager une réforme aussi lourde et cruciale de la politique et de l’économie.


Notes:

1 Les forces ukrainiennes (FAU, traduction de VSU) ont pu attaquer avec une supériorité de huit contre un, des unités légères faiblement retranchées et déployées pour sécuriser la région, comprenant des bataillons d’infanterie mais aussi de la Rosgvardia ; comme si un front avait été confié uniquement à la gendarmerie mobile face à une armée régulière.

2 Pour mémoire, la France a mobilisé 8,5 millions d’hommes échelonnés de 1914 à 1918, dont 3 millions simultanément, pour moins de 38 millions d’habitants. La mobilisation kiévienne est inégalitaire, elle vise la génération pré-1991 et protège les populations de l’Ouest et de la capitale. On peut y voir une volonté de préserver l’avenir en ménageant la population des moins de 25 ans (deux millions) et des étudiants. C’est aussi une manière indirecte de réduire le nombre des personnes les moins hostiles à la Russie, ayant connu l’union du temps de l’URSS, moins concernés par deux décennies d’implantation de la russophobie et d’idolâtrie occidentale et sociologiquement incertaines.

3 ll semble que les mobilisations ne compensent que 25% des pertes et seulement au plan quantitatif. la qualité décroissant régulièrement, d’où la demande de conseillers de l’OTAN sur zone. Pour le service direct des armes, il est vraisemblable que des personnels étrangers (pilotes, techniciens au sol, spécialistes de l’artillerie et de la guerre électronique et du Renseignement…) seront déployés, sous contrat « internationalisé » ou officiellement comme dix pays de l’OTAN se disent prêts à le faire après la proposition du président français. Actuellement leur nombre reste assez limité et ne permet pas d’initier la dynamique nécessaire.

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Olivier CHAMBRIN

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