AllemagneArticleContributeurs libresEuropeHistoireRussieUkraine

Contre-offensive ukrainienne : Vers une nouvelle bataille de Koursk?

Depuis l’annonce de la livraison de chars occidentaux, la future et hypothétique contre-offensive ukrainienne est pour ainsi dire devenue un véritable serpent de mer. D’abord annoncée pour l’hiver, elle fut ensuite évoquée pour le printemps et désormais, certains émettent l’idée que celle-ci puisse se tenir en été. La guerre de l’information et les affirmations contradictoires de part et d’autre ne permettent pas à ce jour d’avoir la moindre certitude sur la question. Il est néanmoins possible de faire quelques hypothèses sur ce à quoi pourrait ressembler cette contre-offensive et ses conséquences. Celle-ci pourrait-elle ressembler (dans une certaine mesure) à celle de Koursk ayant eu lieu au cours de l’été 1943 ?

Comparaison n’est pas raison mais…

Il convient tout d’abord de remettre les choses dans leur contexte et de garder un certain sens de la mesure. Ainsi, les proportions et les échelles ne sont naturellement pas comparables entre ce qui fut sans doute la plus grande bataille de blindés de l’histoire et une contre-offensive qui, si elle a lieu, restera sans doute anecdotique pour la postérité.
Néanmoins, il est tout de même possible de faire quelques rapprochements aussi bien sur le fond que sur la forme.

Une offensive de la dernière chance ?

Le premier élément pouvant faire penser à Koursk est relatif au contexte dans lequel se trouve l’armée ukrainienne ainsi que l’occident qui la soutient. L’épuisement en hommes, munitions et matériels laissent largement penser (y compris dans le camp occidental) qu’il pourrait s’agir d’une offensive de la dernière chance.

Ainsi, comme au printemps 1943, l’armée allemande qui vient d’essuyer un énorme revers à Stalingrad se voit contrainte de reconstituer ses forces et reprendre l’initiative. Comme l’Ukraine aujourd’hui, l’espoir s’appuie notamment sur l’arrivée de chars allemands, attendus comme des armes miracles, ici en l’occurrence, il s’agissait des chars Tigre et Panther. Il s’agit aujourd’hui de Léopard 2A4/A5 et de quelques chars Challenger 2 britanniques, quant aux M1 Abrams américains, ils arriveront sans doute après la guerre (si tout va bien).

Enfin, concernant le fond, l’engagement d’autant de moyens sur une même bataille par les Allemands était en soit le marqueur du côté décisif de celle-ci dans un sens ou dans l’autre. Ainsi, le général Heinz Guderian déclara : “Tout ce que l’armée allemande put ramasser comme forces d’attaque fut affecté à cette entreprise, dont Hitler lui-même avait dit à Munich, qu’elle ne devait pas échouer, car le simple repli sur les bases de départ signifierait déjà pour nous la défaite”.

Du côté des similarités, il est possible d’ajouter non sans un brin d’humour qu’en 1943, les divisions Waffen SS, Das Reich, Totenkopf ou Leibstandarte Adolf Hitler furent de la partie. Néanmoins, si une partie des bataillons de représailles ukrainiens en partagent l’idéologie, il n’en va pas de même de leur potentiel au combat.

Les mêmes contraintes liées au terrain qu’en 1943

Le choix d’une offensive estivale comme aujourd’hui répond à une réalité similaire là encore. En effet, le terrain sur lequel s’est déroulée la bataille de Koursk ressemble de façon troublante à celui d’aujourd’hui. Après tout, rien d’étonnant puisqu’à quelques kilomètres près, il s’agit pratiquement du même (nord de Kharkov et ouest de Belgorod en 1943). Dans tous les cas, dans cette région, les armées mécanisées évitent à tout prix la raspoutitsa du printemps.

Des Soviétiques parfaitement préparés et l’importance des réserves

Après 4 mois de préparation, l’opération Citadelle est lancée le 5 juillet 1943. Ce sont près de 800 000 hommes, 2000 chars et 2000 avions qui sont présents côté allemand. Le Kremlin est déjà informé d’une telle mobilisation de forces, plusieurs mois avant le déclenchement de l’opération par le renseignement soviétique. Néanmoins, Gheorghi Joukov préconise de renforcer les défenses soviétiques (en particulier celles antichars) et de laisser les Allemands “se mettre en pièces” sur leurs défenses avant de lancer une offensive générale.

Général Zhukov derrière une mitrailleuse à Kursk en 1943
Le Général Zhukov derrière une mitrailleuse à Kursk en 1943

Les défenses soviétiques tiennent leurs positions et le plan initial de prise en tenaille par la Wehrmacht ne se passe pas comme prévu. Après 5 jours, les armées du Reich n’ont avancé que de 25 kilomètres. Les pertes humaines et matérielles importantes, mais aussi surtout le débarquement anglo-américain en Sicile le 10 juillet 1943 obligent l’Allemagne a opérer un repli vers l’ouest. Néanmoins, le mal est fait et malgré des pertes humaines de l’ordre de 1 à 6 et matérielles avoisinant 1 à 5 (en faveur de l’Allemagne1), il s’agit d’un échec allemand. Les pertes soviétiques sont immédiatement compensées par d’immenses réserves, et l’armée rouge ne cessera plus d’avancer jusqu’à Berlin.

Le nombre d’hommes et de chars que pourra déployer l’Ukraine dans une hypothétique offensive estivale est sans commune mesure avec ce que fut la bataille de Koursk. Néanmoins, s’il s’agit des dernières cartes dont Kiev dispose, il n’est pas à exclure que la stratégie russe soit celle préconisée par Joukov en 1943. Si les dernières forces ukrainiennes en état de combattre venaient à s’annihiler sur des défenses russes bien préparées, il n’y aurait alors plus rien en face au moment de se diriger vers Kiev ? Odessa ? La Transnistrie ? 2

F. D.

Notes

1. Il convient de signaler que le nombre réel de pertes de part et d’autre reste sujet à débat. Les chiffres dont il est fait mention s’appuient sur les estimations de l’historien soviétique Grigori Krivosheev.

2. Il ne s’agit que d’hypothèses dans la mesure où les objectifs russes ne sont pas connus et peuvent évoluer.

Print Friendly, PDF & Email

7 thoughts on “Contre-offensive ukrainienne : Vers une nouvelle bataille de Koursk?

  • A Koursk la Wehrmacht a pu disposer au début de l’opération d’une important soutien aérien et le char Tigre avait une incontestable supériorité en matière de blindage et d’armement sur le T 34 russe modèle 43 encore équipé du canon de 76 mm. L’armée ukrainienne ne disposera pas de ces atouts, son aviation est réduite à la portion congrue, et le Léopard 2 version A4 ou A5 n’est pas supérieur au T 90 M voire au T73 B3 modernisé.

    Répondre
  • Comment se fait-il que les voies ferrées reliant la Pologne à Kiev soient encore intactes, et que des blindés puissent impunément être mis sur des plateformes en direction du front du Donbass ? Pourquoi le train blindé de réparation de voies n’est-il pas encore aplati comme une crêpe, ainsi que les voies qui le supportent ?
    Comment se fait-il que des intercepteurs Mig-29 et des bombardiers Sukhoï Su-25 ukrainiens, puissent décoller sans problème, avant d’être abattus par l’aviation russe ?
    Ils ne sont pas à décollage vertical que je sache, il leur faut des pistes ( aérodromes, autoroutes, ou routes en ligne droite sur au moins 3 km ), et les bombes anti-pistes sont créées justement pour détruire ces infrastructures !
    Sinon, toute cette quincaillerie va se retrouver sur le front, face à l’armée russe, ce qui risque d’entrainer des pertes en vies humaines du côté russe !
    Comme tous les russophones sont partis de l’Ouest de l’Ukraine, je ne vois pas ce qui retient les troupes de détruire tout ce qui représente le pouvoir nazi : la Rada de Kiev, tous les bâtiments administratifs, et tous les mausolées à la gloire de Stepan Bandera, à Kiev comme à Lviv ! L’armée ukrainienne sera bien obligée de revenir précipitamment défendre la capitale, mais cette fois le rapport de force sera inversé !
    Et tout ça peut se faire par la voie des airs, sans engager de troupes au sol ( à l’américaine, quoi ) !

    Répondre
  • Non, il n’y a aucun rapport. La bataille de Koursk s’inscrit dans un conflit germano-russe insense; “Aucun prince prussien ne doit rien entreprendre sans s’etre assure de la bienveilance de la Russie”; on ne saurait etre plus clair; ensuite, en 1943, l’Allemagne, nazie, faut-il le rappeler, avait besoin de retablir sa securite face au regime communiste… Enfin, en 1943, les Allies etaient amis de l’URSS, et lui ont fourni tous les renseignements qu’ils avaient acquis grace au decryptage de la machine “Enigma”.

    A cote, un affrontement entre l’Ukraine et la Russie n’est rien d’aure qu’une plaisanterie douteuse.

    Répondre
    • Tytelman est pro-ukrainien, donc…

      Répondre
    • Xavier Tytelman est devenu un menteur professionnel, plus doué encore que bien des politiciens.

      Répondre
  • Bonjour
    Qu’en est il des divisions blindées et mécanisées Russes. On voit des éléments motorisé, des para, Wagner et Chechen…. qu’en est il des divisions lourdes russes??

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.