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Jeux olympiques de Paris 2024 : Opportunité festive ou catastrophe sécuritaire ?

Les Jeux olympiques sont l’événement international sportif de référence qui rassemble pour quelques semaines des spectateurs venus du monde entier. C’est avant tout l’occasion pour les meilleurs athlètes d’atteindre la consécration en gagnant de haute lutte les fameuses médailles. Cette affluence de sportifs et d’afficionados a depuis de nombreuses années attirée les grands annonceurs, les sponsors, les représentants de l’industrie du sport, des chaînes de télévision, des médias – en un mot les intérêts commerciaux. D’un événement qui se voulait pacifique et destiné à rapprocher les nations, les Jeux olympiques sont devenus en outre éminemment politiques. Le prestige acquis par les victoires sportives rejaillit sur le pays dont les champions sont les citoyens. Tous les moyens – accusation de triche ou de doping – peuvent devenir licites pour discréditer les sportifs ressortissants d’un Etat qui contesterait la gouvernance mondiale. Quant à l’organisation des Jeux Olympiques, elle est un moyen pour une grande mégalopole d’affirmer son prestige et son rayonnement.

Les Prochains jeux olympiques à Paris promettent d’être les plus chauds de ces dernières années et il ne s’agit pas seulement de la chaleur du soleil français. L’office du tourisme de Paris prévoit que le nombre de participants aux Jeux (équipes sportives au complet) sera d’environ un million de personnes tandis que le nombre de fans des jeux de 2024 atteindra 15,3 millions de personnes. Ainsi près de 16 millions de visiteurs viendront s’ajouter à la population parisienne pendant 2 semaines. Il convient de rappeler que la capitale compte environ 2,1 millions d’habitants et qu’en additionnant la banlieue, l’ensemble dépasse les 11 millions. La population totale va donc doubler pour l’espace d’un mois. Le nombre de touristes à Paris est d’environ 38 millions mais étalé sur l’ensemble de l’année.

Bien que les autorités françaises semblent avoir pris les problèmes de la sécurité à bras le corps, certaines craintes subsistent.

Le coordonnateur du groupe des observateurs de l’ONU, Edmund Fitton-Brown a ainsi déclaré dans The New York Times, : « Je suis inquiet à cause des jeux Olympiques de Paris. Ils feraient une excellente cible pour des terroristes ». Cette opinion est partagée par d’autres spécialistes occidentaux de la lutte contre le terrorisme. Ceux-là estiment que l’attentat du Crocus City Hall peut motiver l’ « État islamique» à lancer des attaques dans les pays européens, notamment en France, en Belgique et au Royaume-Uni.

Jetons un coup d’œil sur les effectifs qui ont été prévus par le gouvernement français pour assurer la sécurité des Jeux :

  • 45 000 membres des forces de sécurité du ministère de l’intérieure (police et gendarmerie) ;
  • 2 000 policiers municipaux ;
  • 18 000 militaires dont 3 000 provenant de l’armée de l’air ;
  • 2 500 policiers étrangers ;
  • Entre 18 000 et 24 000 employés de sociétés privées de sécurité.

Qu’en est-il des terroristes et les criminels susceptibles de préparer leurs attentats pendant les Jeux ? Qui sont-ils ? De quoi sont-ils capables ?

Depuis la fin de l’année dernière, des événements troublants se sont succédé. Trois attentats se sont produits à la fin de l’année 2023 : le 13 octobre à Arras, le 16 octobre à Bruxelles et le 3 décembre à Paris. Par ailleurs, le 14 décembre 2023, une cellule terroriste internationale associée au Hamas a été identifiée (pour la première fois en Europe) au Danemark et en Allemagne. Fin décembre 2023, des membres d’un groupe islamiste en Autriche et en Allemagne qui préparaient des attentats contre la cathédrale de Cologne ont été arrêtés. Le 26 février 2024, un professeur radicalisé par l’Etat islamique a été arrêté en France, soupçonné de préparer un attentat terroriste. Le 4 mars suivant, des partisans de l’Etat islamique qui tentaient de recruter des adolescents ont été arrêtés en Belgique et en France. Le 7 mars, deux partisans de l’EI qui préparaient un attentat terroriste contre une synagogue de Moscou ont été « neutralisés ». Le 8 mars, des partisans de l’Etat islamique qui préparaient des attentats terroristes en Suède ont été arrêtés et le 11 mars, une cellule de trois Palestiniens préparant également des attentats terroristes a été découverte en Italie. Fin mars 2024 la police française a saisi des papiers d’identité italiens, belges, roumains et français, contrefaits ou volés (passeport, permis de conduire, permis de séjour). D’autres documents qui n’ont pu être saisis ont déjà été envoyés en Turquie et sont probablement destinés aux trafics de migrants clandestins et ont pu également alimenter les filières des groupes terroristes.

Fin mars 2024, la police française a saisi plusieurs documents d’identité (passeports, permis de conduire, titres de séjour) faux et volés de citoyens italiens, belges, roumains et français. Certains de ces documents avaient déjà été envoyés en Turquie et étaient probablement destinés à être utilisés par des migrants illégaux, mais ils pourraient également être utilisés par des groupes terroristes.

Le 28 mars 2024, le ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, a annoncé la suspension de toutes les messageries ENT (environnement numérique de travail) en raison des menaces d’attentats contre les établissements d’enseignement, celles-ci étant devenues plus fréquentes en France depuis le début de l’année. Toutes les menaces se sont révélées fausses, mais elles ont nécessité la mobilisation d’importants moyens policiers, ce qui a distraits les forces de l’ordre de leurs tâches quotidiennes. Cela a accru la « fatigue » parmi les policiers à l’approche de l’ouverture des Jeux olympiques.

Les Jeux olympiques n’ont pas encore commencé que les forces de l’ordre ont déjà empêché 32 tentatives de saboter le relais de la flamme olympique en France, comme l’a déclaré le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin, sur son réseau social : « La sécurité entourant les festivités liées à la flamme olympique se déroulent dans de bonnes conditions. Cela grâce à la mobilisation totale des agents du ministère. Plus de 330 000 enquêtes administratives ont été effectuées, conduisant à exclure près de 1 200 personnes représentant une menace. » « Par ailleurs, 32 actions de perturbations du relais ont été entravées et 20 drones neutralisés. Nous continuerons de mobiliser les moyens nécessaires pour assurer la sécurité de cette belle fête populaire » (14 mai 2024).

A ces risques s’ajoute celui représenté par un autre groupuscule « Extinction Rébellion ». Ses partisans radicaux s’opposent à la tenue même des Jeux Olympiques à Paris. Ils comptent attirer l’attention sur leur lutte par des actions très médiatisées, de préférence devant le plus grand nombre de journalistes étrangers, quitte à ne pas être toujours compris. Autre sujet délicat à Paris celui des toilettes publiques. La mairie de Paris a décidé de commencer à les moderniser en 2024 et 150 unités seront construites pour les Jeux Olympiques (pour près de 20 millions de personnes !?). La prochaine étape de modernisation de ces infrastructures critiques ne commencera qu’en septembre 2024. Ce sera trop tard, mais il est trop tard pour changer de plan.

Et ce n’est là qu’une petite partie de la « résistance intérieure française ». Début avril, les syndicats des fonctionnaires français ont déposé des préavis de grève pour toute la période des Jeux Olympiques, du 26 juillet au 11 août. La grogne gronde également dans les rangs de la police, après l’annonce de la « mobilisation à 100 % » des forces de l’ordre, puisque cette mesure les prive de leurs vacances. Face à la menace d’une grève, le ministre de l’Intérieur a annoncé le 9 mars que des primes (de 500 à 1 500 euros) seraient versées à tous les salariés mobilisés des organismes publics de l’État, tandis que les policiers et gendarmes recevraient des primes pouvant atteindre 1 900 euros.

Cette décision a également enthousiasmé d’autres syndicats :

– Le 8 avril, une cinquantaine d’employés de la Monnaie de Paris ont manifesté devant le siège de l’organisation dans le centre de la capitale, affirmant que les arrêts de travail des deux dernières semaines avaient « bloqué la production » des médailles olympiques. Les protestataires réclament les « primes olympiques » qui sont versées à d’autres fonctionnaires, tels que les policiers et les infirmières, qui devront travailler lors des prochains Jeux olympiques et paralympiques. La direction de la Monnaie a refusé de verser ces primes et négocie des augmentations de salaire annuelles pour ses 430 employés.

– le plus grand syndicat des transports publics parisiens (CGT-RATP) a annoncé une grève pour la période du 5 février au 9 septembre en raison de désaccords avec la direction sur les augmentations annuelles de salaires. Le syndicat a dénoncé une « attitude dédaigneuse » ajoutant que sans transports publics, « il n’y aura pas de Jeux olympiques ». Le président de la RATP, Jean Castex, a déclaré aux journalistes que la grève ne durerait pas longtemps dans la mesure où les négociations avec les travailleurs du secteur étaient en cours. Au même moment, le 8 février, plusieurs centaines de salariés de la RATP ont pris d’assaut le siège du syndicat pour réclamer une augmentation de salaire d’au moins 300 euros, et non de 0,9% comme prévu.

– les salariés de la SNCF se sont également mis en grève. Ils sont mécontents que les autorités ne respectent pas les termes d’un accord conclu précédemment pour surmonter la crise, qui prévoyait une augmentation du nombre d’emplois et une augmentation des salaires de 500 euros par mois. Le Premier ministre français Gabriel Attal a répondu : « Les Français savent que la grève est un droit, mais le travail est un devoir. »

– En décembre 2023 et janvier 2024, des chauffeurs de taxi parisiens ont également manifesté. L’organisateur était le Syndicat National des Chauffeurs de Taxi (INV). Des centaines de taxis circulaient au ralenti depuis la limite ouest de la ville jusqu’à l’hôtel de ville, rendant difficile le passage des autres véhicules. Le mécontentement des chauffeurs est causé par les restrictions imposées par le gouvernement au travail des chauffeurs de taxi pendant les Jeux olympiques : ces jours-là, les déplacements sur les lignes dédiées des « itinéraires olympiques » d’une longueur totale de 185 km à travers le pays ne seront autorisés qu’aux service d’urgence, aux bus olympiques accrédités et aux taxis urbains avec compteurs.

– Le 18 janvier, des centaines de policiers sont descendus dans les rues des villes françaises pour réclamer des paiements supplémentaires à la veille des Jeux Olympiques. Ils s’opposaient au fait de travailler en dehors des heures normales pendant les Jeux. Les participants à la grève ont exprimé leur mécontentement à l’égard de l’horaire de travail pendant les Jeux olympiques, qui prévoit des postes de douze heures et un seul jour de congé par semaine. La police a annoncé faire grève pendant les Jeux olympiques si ses revendications n’étaient pas satisfaites.

Il semble que les Jeux olympiques de 2024 s’annoncent riches en événements sociaux, mais ce n’est pas le dernier problème pour les organisateurs. Le niveau de criminalité est également une source d’inquiétude. Il serait naïf de penser que les groupes criminels français et européens passeront à côté d’un événement aussi important que la concentration de 15 millions de citoyens étrangers solvables dans un espace aussi restreint.

Tandis que les policiers seront en grève en raison d’un emploi du temps chargé et de primes insuffisantes, des bandes organisées de Nantes, Bordeaux, Lyon, Marseille et Paris, spécialisées dans les vols à la tire, les vols à main armée et les cambriolages d’appartements, pourront s’enrichir exceptionnellement aux dépens des fans et des touristes qui arriveront à Paris. Les gangs d’adolescents issus des quartiers défavorisés, des groupes ethniques et autres racailles voient la période des Jeux Olympiques comme une bonne opportunité de braquage.

Les forces de l’ordre ne suffisent plus pour toutes les missions. Le comité d’organisation des Jeux Olympiques continue de recevoir des demandes d’accréditation des participants aux Jeux, dont le nombre total est d’environ un million de personnes. Leurs profils de sécurité sont vérifiés par le service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas). Le 31 mars 2024, la première partie des contrôles a été effectuée : sur un million de questionnaires, seuls 180 000 ont été vérifiés. 400 personnes ont été exclues des listes de personnes autorisées à travailler pour appartenance à des groupes liés à « l’islam radical » ou à des « militants écologistes radicaux ». Parmi ces candidats refusés figuraient « 102 membres du personnel de sécurité ». Il semble peu probable que tous les profils restants puissent être examinés minutieusement avant l’ouverture des Jeux olympiques.

Il ne s’agit pas d’ennuyer le lecteur avec encore plus de détails, mais on peut mentionner d’autres facteurs qui suscitent des inquiétudes pour un séjour en toute sécurité à Paris lors des Jeux olympiques :

  • Le sentiment anti-israélien au sein de la population musulmane est toujours présent et les militants propalestiniens sont très actifs.
  • L’aggravation des relations avec la Russie, qui mène une guerre en Ukraine, avant les Jeux olympiques de 2024, et d’éventuelles mesures de représailles de la part du Kremlin pour se venger de la position belliqueuse de Macron. De plus, les athlètes russes n’ont pas été invités aux Jeux, le Kremlin n’aura donc pas à craindre pour ses citoyens.
  • Des cyberattaques contre les infrastructures numériques sont possibles. Il s’agirait soit de perturber les événements sportifs, soit de commettre des actes frauduleux contre les visiteurs.
  • Le risque d’une forte augmentation du trafic de drogue, de la prostitution et de bagarres générale.

Faut-il pour autant désespérer ? Le comité olympique International reste pleinement optimiste :

« Comme toujours, la responsabilité de la sécurité incombe aux autorités locales. Elles ont informé le CIO qu’elles travaillaient depuis plusieurs années en partant du principe que les mesures de sécurité les plus élevées possibles seraient nécessaires. Il existe également une étroite coopération internationale », a indiqué le service de presse du CIO.

Les services de renseignement français ne sont pas moins optimistes :

« La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a recommandé au ministère de l’Intérieur d’abandonner la tenue de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et de passer au « Plan B » en raison de la forte menace planant sur la sécurité des participants », rapporte la radio Europe 1, citant une source au sein des services de renseignement.

Emmanuel Macron lui-même est préparé à toute surprise dès l’ouverture des Jeux :

« La cérémonie d’ouverture des JO de Paris pourrait être déplacée au Stade de France en cas de menace terroriste », a-t-il déclaré, cité par BFMTV. Dans le même temps, le président français a admis qu’il existait un « Plan B et un « Plan C » pour la cérémonie, qui pourraient être « limitée au Trocadéro » ou Stade de France.

Les Jeux Olympiques auront lieu, quoiqu’il arrive, à Paris et les touristes se rendront dans la capitale pour y participer. Il ne reste plus qu’à rappeler la sagesse populaire française à tous les athlètes et supporters : « Aide – toi, le ciel t’aidera », quant aux organisateurs : « Aujourd’hui en fleurs, demains en pleurs ».

Pavel Schevchenko

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