Août 1914, à Munich en Bavière, c’est la mobilisation. La première guerre mondiale commence… Dans la foule un autrichien inconnu a franchi la frontière. Il s’engage comme volontaire pour combattre la France dans un régiment d’infanterie bavarois. Ce jour-là, Adolf Hitler unit son destin à celui de l’Allemagne.

Août 1914, Etat-major du Kaiser

Août 1914, le Kaiser Guillaume II, Empereur d’Allemagne, se penche sur les cartes de la Prusse orientale où les russes viennent de passer à l’offensive. Il est le cousin de l’Empereur de Russie Nicolas II et comme lui un petit-fils de la Reine Victoria d’Angleterre. L’Histoire de sa famille, les Hohenzollern, se confond avec celle de la Prusse et du Reich. En 1871, à Versailles, ils ont fondé l’état le plus puissant d’Europe, l’Allemagne !

Le doigt posé sur la carte, le Général Paul von Hindenburg s’apprête à écraser l’armée russe à Tannenberg et à devenir le héros de l’Allemagne. En 1916, après la bataille de Verdun, il remplacera Falkenhayn à la tête de l’Etat-major général. À gauche, le Général Ludendorff seconde Hindenburg. Le 9 novembre 1923, il sera aux côtés de Hitler lors du putsch manqué de Munich. Ces deux militaires sont le produit d’une éducation prussienne traditionnelle rigide, reposant avant tout sur l’ordre, la discipline et l’obéissance. Quatre années de guerre vont précipiter le IIème Reich allemand et l’Europe au fond d’un gouffre.

France, 1916, Caporal du Kaiser dans les tranchées du côté de Soissons…

1916, quelque part en France sur le front du coté de Soisson, ce caporal qui vient d’obtenir la « Croix de Fer » pour sa bravoure au combat, c’est Adolf Hitler. Pendant la première guerre mondiale, comme des millions d’hommes européens anonymes, il a expérimenté la sauvagerie de la vie dans les tranchées.

11 novembre 1918, à Pasewalk, en Poméranie au nord de Berlin, alors que l’Allemagne vaincue se rend aux conditions d’armistice des alliées, soldat vaincu, blessé et sévèrement gazé, seul sur son lit d’hôpital, Hitler pleure de rage et de désespoir…

En 1919, dans un pays défait traversé par l’onde de choc de la révolution bolchévique venue de Russie, il entreprend très vite à Munich une carrière d’agitateur politique. Plus tard, devenu le Führer du peuple allemand, il portera toujours sur sa veste cette simple et unique décoration. C’est dans la violence et le chaos engendré par la première guerre mondiale qu’il trouvera la principale source d’inspiration de « Mein Kampf ».

Berlin, janvier 1933, passage de témoin…

15 ans ont passés… En public, c’est la poignée de main déférente d’un ancien combattant en civil qui s’incline respectueusement devant son vieux chef en uniforme suranné. En coulisse, Hitler attend son heure…

Illustre vieillard, le Maréchal Paul von Hindenburg, reste pour beaucoup d’Allemands l’homme qui a sauvé la Prusse orientale de l’offensive russe en 1914, une sorte de vestige historique rassurant. Président de la République de Weimar, il appelle Monsieur Adolf Hitler, chef du Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands (NSDAP) majoritaire au Reichstag, aux fonctions de chancelier pour former un gouvernement. Dans une Allemagne tourmentée entre la peur et le désir de la Révolution, le National-Socialisme apparaît comme une alternative ou comme un rempart au communisme. À des millions de chômeurs, il a promis du travail et à tous les allemands de déchirer le « Diktat » de Versailles ressenti comme une humiliante injustice. Hindenburg incarne l’ordre et la tradition d’une vieille Allemagne conservatrice. Un mois plus tard le Reichstag est dévoré par les flammes. Avec le Parlement, c’est la République de Weimar et la démocratie qui partent en fumée. Un an plus tard, Hindenburg meurt à 93 ans, Hitler cumule alors les fonctions de Chancelier et de chef de l’Etat et devient le Führer du troisième Reich !

24 octobre 1940, entrevue de Montoire

Montoire, Loir et Cher, 24 octobre 1940 : « Malheur aux vaincus[1] ! »

La Wehrmacht vient d’infliger une accablante défaite à l’armée française au début de l’été. Le 22 juin, le dernier gouvernement de la IIIème République présidé par le Maréchal Pétain signe un armistice qui met un terme à la bataille de France. Tout l’été l’Allemagne a célébré sa victoire. Pourtant, la guerre continue. Dans le ciel d’Angleterre, au-dessus de la Manche, la RAF ne s’avoue toujours pas vaincue. C’est un moment décisif de la guerre. Impérieux et dominateur, le Führer, au sommet de sa puissance, accorde une entrevue au Maréchal Pétain en gare de Montoire dans le Loir et Cher. C’est là qu’a lieu cette dramatique poignée de main qui ouvre la voie d’une collaboration d’état avec l’Allemagne.

Hitler n’a aucune considération pour la France vaincue. Cependant, pour le caporal de 1916, le fantassin blessé de l’armée du Kaiser, la minute est exaltante. Il tient littéralement à sa merci le vainqueur de Verdun et de l’autre guerre… un maréchal de France ! Ce retournement inouï ne peut que renforcer Hitler dans sa conviction d’avoir été élu par le Destin pour être l’instrument la revanche allemande ! A ce moment, aucune force ne semble être capable de l’arrêter… Pourtant, des deux hommes, celui qui survivra à l’autre n’est pas celui que l’on pourrait croire alors. Hitler fomente déjà pour l’été 1941 une offensive suicidaire contre l’URSS. Zeus rend fou ceux qu’il veut perdre[2].

Berlin, avril 1945, Hitler dans le bunker révèle son visage…

21 avril 1945, épouvante à Berlin… Dans les jardins de la chancellerie pilonnés sans répit par l’artillerie soviétique, c’est le dernier anniversaire d’Hitler.

Entre deux bombardements, il sort du Führerbunker[3] pour passer brièvement en revue les enfants de la Volkssturm[4] enrôlés pour la défense de la capitale du Reich. Hitler les entraine avec lui dans la mort. C’est à la fin de sa vie que Hitler révèle enfin son visage qui ressemble à celui du Rattenfänger[5] d’un vieux conte allemand, où un inquiétant joueur de flûte de passage ensorcelle les enfants d’un village[6] et les entraine en dansant derrière lui vers les eaux d’un fleuve pour les noyer.

« Donnez-moi l’Allemagne pendant 10 ans et vous ne la reconnaîtrez plus » avait déclaré Hitler en 1933 au moment d’accéder à la Chancellerie… En avril 1945, au moment où est prise cette ultime photo du Führer devant l’entrée du bunker berlinois juste avant la fin, l’Allemagne est en effet devenue un champ de ruines méconnaissable…

Après la guerre, le Général de Gaulle écrira : « C’est le suicide, non la trahison, qui mettait fin à l’entreprise d’Hitler… »[7]


[1] Vae victis ! Brennus chef gaulois vainqueur aux sénateurs de Rome en 390 avant Jésus Christ.

[2] Quos vult perdere Jupiter dementat ! L’Énéide de Virgile.

[3] Bunker situé sous la chancellerie à Berlin où Hitler a vécu terré pendant les derniers mois de sa vie et où il s’est finalement donné la mort.

[4] Milice populaire allemande levée à la fin de la guerre et qui enrôla même des enfants et des vieillards pour la défense de Berlin.

[5] Der Rattenfänger von Hameln « L’attrapeur de rats »… ou le joueur de flute de Hamelin en français.

[6] Hamelin en Basse Saxe sur les bords de la Weser

[7] Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome III, Le Salut, 1945 – 1946

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Jean de Joinville

11 thoughts on “1914 – 1933… du Kaiser au Führer

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  • le Traité de Versailles n’était pas un “Diktat” ! C’est le point-de-vue de la propagande allemande !… le Traité de Versailles était au contraire extrêmement doux, car les Américains ne voulaient à aucun prix d’une France forte. D’ailleurs, la plupart des clauses (y compris les réparations) n’ont pas été mises en oeuvre. Mon aïeul, comme beaucoup d’officiers de l’époque, comme de Gaulle lui-même, regrettait au contraire qu’on ait empêché nos armées de fondre en 1918 sur l’Allemagne qui s’effondrait, et de briser définitivement notre ennemie. Hitler était un socialiste, un nihiliste païen, francophobe notoire. Il a perdu l’Allemagne classique et libérale (celle qui est admirable). Si nous avions écouté de Gaulle (Vers l’armée de métier, 1934), nous aurions vaincu Hitler aisément avec une armée blindée moderne. Mais Pétain, Weygand, Blum (les socialo-fascistes alliés aux socialo-pacifistes) ont désarmé la France. Avec une armée moderne à la de Gaulle, nous aurions fondu sur l’Allemagne pendant l’automne 1939 alors que la Wehrmacht était en Pologne ; au lieu de cela, on est resté dans la drôle de guerre a attendre notre tour. On confia, en catastrophe mai 1940, la 4ème division cuirassée (formée de bric et de broc) au colonel de Gaulle, qui infligea de durs revers à Guderian à Laon et Abbeville. Il enfonça dans une profondeur de 14 km le dispositif allemand. Malheureusement, il ne put évidemment pas exploiter cette percée et sauver la France. De Gaulle fut cité à l’ordre de l’armée pour cela. Avec un tel chef, la France aurait brisé l’Allemagne, comme et mieux qu’en 1914. Et nous n’aurions jamais eu la domination de l’empire américain qui a découlé des renoncements des dirigeants français et de leur défaite (comment voulez-vous qu’un peuple se batte avec des chefs qui promeuvent le renoncement et le passéisme stratégique ?).

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    • Magnifique résumé “Gaspard de la Nuit” vous me donnez l’envie de commencer la lecture de deux livres écrit par le Général de Gaulles : • La discorde chez l’ennemi, • Le fil de l’épée et • Vers l’armée de métier, La France et son armée.

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    • Vous avez raison Gaspard de la nuit… D’une part, le terme « Diktat » pour désigner la paix de Versailles appartient bel et bien à la langue et à l’Histoire de l’Allemagne. C’est ainsi que les Allemands ont reçu le texte du traité. La paix est toujours « dictée » aux vaincus. C’est tragique mais c’est ainsi. Tout particulièrement, les deux articles 231 et 232 qui imputaient l’entière responsabilité de la guerre à l’Allemagne avec pour conséquence le paiement de lourdes réparations a nourri un ressentiment sur lequel le discours d’Hitler a prospéré dans un contexte de crise économique terrible d’hyper inflation d’abord puis de chômage massif après 1929… Voilà ! D’autres part, je partage humainement votre admiration pour la vision et le beau destin français du général de Gaulle … Je vous remercie de votre commentaire.

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  • Pas de “Le très pacifiste et très isolationniste président Roosevelt”?
    Pas de “Finalement, c’est le Japon qui mit fin au suspense en attaquant Pearl Harbor”?

    Pourquoi ne pas continuer dans le politiquement correct après “6 avril 1917”?

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    • Bonjour Anonymous ! Tout d’abord, merci de lire et merci pour votre commentaire… Le sujet de ce papier sur l’Allemagne du Kaiser au Führer était une modeste tentative de « donner à voir » à travers quelques images glanées sur internet quelques moments photographiques de l’ascension d’Hitler pour essayer de percer le mystère de sa personnalité…. Je n’ai sans doute pas été convainquant mais ce sujet m’intrigue… Qui était cet homme ? Le général de Gaulle dans le troisième tome de ses Mémoire de guerre nous livre une étrange et profonde méditation à ce sujet. Quant à votre remarque sur le Président Roosevelt, il partage en effet bien des choses qui appartiennent à l’Amérique protestante avec son prédécesseur Wilson. Comme lui, il était démocrate, comme lui aussi il a été interventionniste et à confirmé la rupture avec l’isolationnisme traditionnel des Etats-Unis en engageant son pays dans une guerre mondiale. Votre idée de suggérer une continuité politique entre ces deux hommes est fondée. Cependant, Roosevelt et l’Amérique n’était pas au cœur du sujet cette fois-ci, c’est pourquoi il n’est pas fait mention de lui dans ce papier.

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  • “…le « Diktat » de Versailles ressenti comme une humiliante injustice.”

    Invoquer le “ressenti” permet d’éluder les faits. Ce qui explique aussi pourquoi il est si difficile de trouver en France une présentation neutre de ce qu’aura été la terrible inflation allemande, de l’entre-deux-guerres.

    Autrement dit, la mentalité revancharde d’une caste militaire française rétrograde, désireuse d’humilier les Allemands, en se comportant comme des chefs de guerre moyenâgeux, aura bordé le lit du national-socialisme allemand.

    Cela a aussi été la conséquence du formatage idéologique et de l’endoctrinement à “la revanche”, succédant à 1970, et réalisée par les membres du corps enseignant, nommés “hussards noirs”. La “réussite” pour la France, du fait de cet aveuglement collectif, aura été la destruction du pays, suivie de la revanche allemande, et d’un second ravage..

    L’on pourrait considérer que si tous ces arriérés avaient voulu détruire leur pays de leurs mains, jamais ils n’y seraient aussi bien parvenus.

    Mais, ne nous ne aveuglons pas sur le présent, car le même genre de socialistes nationaux, ainsi que des forces étrangères, sont à nouveau à l’œuvre, dans ce pays ; ainsi que chez nos voisins.

    Autant dire que les laisser agir sans freins risque à nouveau de nous coûter cher, à tous.
    Retenez-le bien.

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  • Hitler est certainement mort à ce jour mais le Nazisme lui a survécu.
    En Occident, nous sommes sous son joug et notre seul espoir vient de Russie. On dirait que l’histoire se rejoue un siècle plus tard.
    Prions et œuvrons pour qu’un tel désastre ne se reproduise pas.

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  • Est-ce vraiment Hitler qui s’est suicidé ? qu’en est-il de la théorie qui prétend que Hitler a été exfiltré avec de nombreux autres nazis (opération paper clip) et dirigé vers l’Argentine ?
    Dès qu’une réalité est généralement admise sans qu’aucune contestation puisse être débattue, il y a matière à se poser des questions, et sur les deux dernières guerres il y a de trop nombreuses zones d’ombre, je ne parle même pas de celle qui se déroule actuellement, qui est une vaste scène de théâtre.

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    • Bonjour
      Les restes de la dentition d Hitler, recuperes par les soviétiques à Berlin, sont à Moscou et cette dentition a été authentifiée par un expert français qui s est rendu sur place procéder aux vérifications.

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