Quelle naïveté j’ai eu de penser que tout serait comme avant, en ce jour de réveillon.
Comme à mon habitude, je me suis baladé dans Paris en fin d’après-midi dans le
quartier du Trocadéro, friand de ces lumières et cotillons qui m’enchantent chaque
31 décembre. Première surprise, les touristes sont revenus en masse et se prennent
en photo dans toutes les positions en-dessus, en dessous ou à côté de la tour Eiffel,
qui reste pour eux le Graal à atteindre -du moins du bout des doigts!
Mais j’ai été moins enthousiaste à la vue de ces dizaines de cars de CRS et de ces
bataillons entiers de policiers qui patrouillaient dans les rues de Paris . Cherchent-ils
un terroriste ou un bandit de grand chemin? Non, appliquant à la lettre les ordres du
Kommandantfuhrer Lallemant, ils sont là pour cerner tout débordement, toute
incartade à la macronie toute-puissante. J’ai donc assisté à des scènes proprement
hallucinantes, dignes du monde d’Orwell. Alors que je me dirigeais vers l’Ecole
militaire, j’ai vu un bataillon entier de CRS sommer un groupe de quelques dizaines
de personne de se disperser. Quel avait été leur forfait? Danser sous les fenêtres de
notre Grand manitou Veran. Comme dans certaines villes à l’époque de l’URSS, j’ai
assisté au nettoyage de la place manu militari, sans qu’aucune loi n’interdise les
regroupements-du moins pour le moment. Le pouvoir a-t-il tellement peur de ses
citoyens? Puis rentrant chez moi, j’ai assisté à une autre scène renversante, dans
tous les sens du terme. Sur le pont de l’Alma en contrebas, un groupe de jeunes avait
organisé, comble de la transgression, un feu d’artifice – interdit par l’oukaze de Herr
Darmanin. Ils ont réussi vaille que vaille à allumer le feu et ont dû, poursuivis par une
brigade motorisée, prendre leurs jambes à leur cou. Y a-t-il un danger imminent à
manifester sa joie à Paris le soir du réveillon ou bien sommes nous entrain de vivre
un cauchemar à ciel ouvert?
Rentrant chez moi bien avant les douze coups de minuit, on ne sait jamais si le
camarade Veran avait décidé d’un couvre-feu, j’allume la télé. Contrairement à la
réunion festive que j’organisai chez moi depuis des années, cette fois comme l’an
dernier achtung personne à la maison , je restai bien obéissant. Afin d’ avoir un
semblant d’ambiance, je zappe sur toutes les chaînes de télévision et de guerre
lasse, le programme français étant à l’image du pays d’un ennui assourdissant, je
regarde les chaînes étrangères. Quelle ne fut ma surprise quand aux douze coups de
minuit retentissent dans plusieurs capitales du monde le traditionnel feu d’artifice
auquel nous n’avons pas eu le droit -au nom de quoi , personne ne peut répondre en
«Absurdistan».
A Belgrade, capitale d’un million et demie d’habitants à deux heures de vol de Paris,
c’est un feu tonitruant qui éclate le long du Danube, avec un pyrotechnie et une
musique digne d’un Découflé de la grande époque. Sur plus de 500 m le long du
Danube avec au milieu une tour du tout nouveau Belgrade Waterfront, c’est un
émerveillement, symbole du renouveau de ce petit pays européen et en même
temps la manifestation de la vitalité de sa population. Celle-ci se presse par milliers
au même moment aux points cardinaux de la ville (la forteresse du Kalemegdan, la
place de la République ou les bords du Danube) pour assister à des concerts géants
organisés par la municipalité. Face à la peur qui est devenue un principe de la
politique de la ville à Paris, ici règne la joie d’être ensemble en écoutant les
chanteurs rock ou variété nationaux. Le message est clair: face à un virus et une
épidémie, le meilleur antidote est le vivre ensemble, en maintenant les moments clé
de la vie citoyenne.
Le philosophe d’origine roumaine Cioran avait bien perçu le phénomène, en
affirmant au milieu du XX° siècle déjà que : «L’histoire est terminée à l’ouest, elle ne
fait que commencer à l’est». Dans ce Nouveau monde tant annoncé, les nations
heureuses et bien vivantes au XXI° siècle ne sont pas celles que l’on attendait. J’ai
bien peur qu’ à travers cette démonstration symbolique, nous ayons définitivement
perdu la partie!
Alexis Troude
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Bonjour
Oh oui je valide ,les Belgradois savent faire la fête
Vivement le nouvel an prochain
Bonne Année Alexis Troude,
un texte d’une grande fraîcheur dont je partage chaque idée.
Merci.