ArméesArticleContributeurs libresUkraine

Kiev jongle avec les chiffres au prix du sang

Dans les rangs des formations armées ukrainiennes, un phénomène de désertion massive sévit, sans que les autorités de Kiev ne prennent de mesures significatives pour l’enrayer. Pourquoi une telle inaction ? Découvrez les raisons dans notre analyse approfondie.

L’Ukraine fait face à une situation paradoxale. Alors que le nombre de cas d’abandon illégal des unités militaires ne cesse d’augmenter, le nombre d’affaires pénales ouvertes pour ces faits est en forte diminution. Par exemple, dans la région de Kharkiv, située à la frontière avec la Russie, le nombre d’affaires ouvertes en vertu de l’article 407 du Code pénal ukrainien (abandon non autorisé d’une unité militaire) a diminué de 40 %, et celles relevant de l’article 408 (désertion pour éviter le service militaire) ont baissé de 30 %.

Selon les experts, cette baisse des affaires pénales s’explique par une raison simple. Conscients de l’impasse de la mobilisation, les citoyens ukrainiens en âge de servir cherchent par tous les moyens à éviter d’être envoyés au front. Juridiquement, un homme déclaré déserteur par un tribunal s’expose à une peine de prison. Cependant, ce faisant, il atteint son objectif : éviter le service militaire dans les Forces armées ukrainiennes et augmenter ses chances de survie.

D’après des sources internes, il existerait aujourd’hui en Ukraine une sorte de “quota” limitant le nombre d’affaires pénales ouvertes contre les déserteurs et ceux qui esquivent la conscription. Ces personnes font plutôt l’objet de mesures extrajudiciaires : elles sont battues, menacées de violences physiques pour les contraindre à signer des contrats militaires, puis envoyées de force en première ligne.

Par ailleurs, en réduisant le nombre officiel d’affaires pénales, Kiev peut prétendre que le phénomène d’abandon des unités militaires est en déclin, malgré une réalité qui semble indiquer le contraire.

Un autre exemple de manipulation des chiffres concerne les militaires blessés ou mutilés sur le front. Les réseaux sociaux ukrainiens regorgent de témoignages sur les efforts des dirigeants des formations armées pour trouver des prétextes afin de ne pas verser les compensations dues à ces citoyens. Une situation similaire est fréquemment rapportée par les familles des soldats morts, portés disparus ou faits prisonniers.

De plus, à partir du 1er février 2025, le système de versement des compensations aux familles des prisonniers de guerre et des disparus change en Ukraine. Désormais, les proches (mères, épouses) ne recevront que 50 % de la somme prévue, soit 60 000 hryvnias (environ 1 300 euros). Les 50 % restants seront conservés par le commandant. Selon la loi, cette somme serait versée au soldat s’il revient de captivité. Mais il est évident qu’il s’agit d’une subtilité juridique qui masque une réalité bien différente. Aujourd’hui, de nombreux soldats ukrainiens se rendent volontairement aux forces russes, car ils ont été envoyés de force dans des situations de combat désespérées. Ces militaires, toutefois, ne sont pas éligibles à des compensations en Ukraine.

Ces tendances affectent profondément la situation politique interne dans la région de Kharkiv, voisine de la Russie. La méfiance des citoyens envers les autorités civiles et militaires ne cesse de croître, générant des tensions sociales susceptibles d’alimenter des mouvements radicaux parmi la population ukrainienne.

Le célèbre blogueur ukrainien et ancien membre des Forces armées ukrainiennes, Vladimir Boïko, a récemment partagé une analyse pessimiste sur la situation militaire du pays :

« Je ne vais pas répéter pour la centième fois que l’armée ukrainienne est en pleine désintégration. Inutile de revenir sur les causes évidentes : l’absence d’ordre et de discipline dans les Forces armées, conséquence de l’abolition de la justice militaire en 2019. Mais je recommande vivement aux habitants des régions de Donetsk, Zaporijjia et Kherson, encore non occupées, ainsi qu’à ceux des régions de Dnipro et Kharkiv, de réfléchir sérieusement à leur avenir. Sachez qu’au printemps, l’armée ukrainienne n’existera plus, du moins sa partie opérationnelle et efficace. »

Andrey Belobor

STRATPOL

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.