En Juin 2017, la Fédération de Russie étendait une nouvelle fois son embargo alimentaire jusqu’à fin 2018, suite à la prolongation des sanctions Européennes dues à la situation en Ukraine. 

Cet embargo, s’illustrant à l’instar d’une « contre-sanctions » Russe, frappe depuis 2014 les produits alimentaires en provenance de l’Union Européenne, des Etats-Unis, du Canada et plus globalement de l’ensemble des pays sanctionnant la Russie. Une liste longue et variée contenant essentiellement des produits issus du monde agricole est régulièrement actualisée. 

Avant la crise Ukrainienne, plus de 10% des exportations agricoles Européennes étaient en direction de la Russie : boeuf, porc, fruits, légumes, lait… etc. La situation a depuis grandement évolué. 

Les promesses de l'agriculture russe
Les Echos – A Krasnodar, les promesses de l’agriculture russe
L’effet positif global des sanctions sur l’agriculture Russe

Alors que les Russes sanctionnent majoritairement les importations, les Européens sanctionnent les exportations. Le prix des produits cités précédemment a donc naturellement explosé sur le territoire Russe. La production interne a ainsi été encouragée afin d’éviter l’hyper-inflation.

L’exemple le plus flagrant est celui du secteur céréalier : entre 2013 et 2017, il est possible de constater une hausse de la production d’environ 100% et de 150% des exportations. La récolte de 2017 pourrait s’élever à 125 millions de tonnes, avec une exportation totale qui attendrait les 40 millions de tonnes. Il s’agit ainsi d’un record historique depuis l’URSS (1978). La Russie est ainsi aujourd’hui le premier exportateur de maïs, les USA restant le premier producteur mondial. De plus, par la qualité de sa production, Moscou a d’ores et déjà su conquérir d’importantes nouvelles parts de marchés, notamment en Afrique. 

Il y a donc une corrélation indéniable entre sanctions et renaissance d’une super puissance agricole Russe. Ces résultats s’expliquent, premièrement, par le fait qu’une carence en offres sur le marché, due à l’embargo, donne aux producteurs une meilleure rentabilité, les sanctions ont par exemple entraîné l’emergence de nombreux producteurs de fromages en Russie, cette denrée ayant vu son prix s’enflammer en 2014. 

Par ailleurs, le gouvernement Russe a encouragé et aidé économiquement les agriculteurs et les capitaux privés souhaitant investir dans ce domaine. En réalité, l’agriculture à été décrétée priorité nationale du gouvernement en 2005, l’autosuffisance alimentaire en 2010 et le programme d’Etat 2013-2020 de « développement de l’agriculture et de la réglementation des marchés des matières premières, produits agricoles et produits agroalimentaires » était la dernière pierre à cet édifice, allouant plusieurs dizaines de milliards d’euros à la modernisation et l’industrialisation du parc agricole. La tendance majeure est aujourd’hui aux grandes exploitations, néanmoins les petites exploitations sont également favorisées, notamment concernant les bovins. Un plan « anti-crise » de 2015 prévoyait également une hausse du budget fédéral. Cette politique doit également être mise en correlation avec la stratégie globale d’occupation des sols du pouvoir Russe, l’agriculture permet ainsi le développement de certaines régions, notamment l’extrême orient Russe. 

D’autre part, la Russie a su créer de nouveaux partenariat et relations économiques, notamment dans le secteur céréalier avec l’Iran, la Turquie ou encore l’Egypte. D’anciens partenariats subsistent également, à l’instar de la Biélorussie, où plus de 50% des exportations sont à destination de la Russie. D’ici à horizon 2025, la Russie pourrait devenir un exportateur incontournable dans le domaine des volailles, de la filière porcine et des huiles végétales. 

Enfin, cet essor est également du à des éléments structurels mis en lumières par les sanctions : avec un territoire de plus de 17 millions de km2, des terres historiquement fertiles (tchernoziom) et des facteurs tels que le réchauffement climatique, la Russie a tout pour redevenir une super-puissance agricole. 

 Quelles perspectives pour l’agriculture en Russie ?

Les grand perdants de cette guerre économique sont aujourd’hui les pays Européens : l’exemple flagrant des producteurs de porcs Français avec une perte de plus de 500 millions d’euros par an illustre cela. De plus, il ne s’agit pas uniquement d’une perte de parts de marchés : quand bien même demain l’embargo serait levé, il serait complexe pour les pays Européens de revenir au passé : d’année en année, la qualité de la production Russe se rapproche de la qualité Européenne. L’intérêt d’importer à nouveau Européen diminue donc au fil des mois. Lorsque la Russie est auto-suffisante pour de nouveaux produits, de nouvelles sanctions peuvent être créées et cette logique peut perpétuer.

Il ne s’agit cependant pas uniquement d’économie, il s’agit avant tout d’une stratégie globale : dans un monde aux guerres économiques, la souveraineté alimentaire, l’auto-suffisance, le protectionisme agricole, sont des élément majeurs. Cela est en lien direct avec le « Concept de la politique extérieure de la Fédération de Russie », validé par Vladimir Poutine en personne, où est évoqué la nécessité de « protéger les intérêts nationaux et répondre efficacement aux actions économiques hostiles. » 

Quelles sont aujourd’hui les projections possibles pour l’agriculture Russe ? En terme de volumes d’exportation, à court terme, la récolte céréalière de 2018 sera très certainement inférieure au record de 2017, en raison notamment de difficultés climatiques. Néanmoins, à moyen et long terme, l’agriculture pourrait redevenir un élément majeur de l’économie Russe : si l’agriculture représente aujourd’hui moins de 4% du Produit Intérieur Brut, cette part devrait logiquement augmenter, parallèlement à une baisse du poids des hydrocarbures dans le PIB. Lors de l’URSS, il s’agissait de plus de 15% du PIB. La tendance principale à noter est l’émergence d’une quasi-autosuffisance dans la grande majorité des produits agricoles d’ici à 2025, conformément à l’objectif d’Etat de 2010. De plus, à l’instar de ce qui a été indiqué précédemment, la Russie est en phase de devenir l’acteur majeur des exportations de céréales, huiles végétales et viandes, hors bovines. Cette tendance semble vouée à croître au rythme de l’évolution de la population mondiale. Néanmoins, certains marchés issus de l’agriculture sont également destinés à reculer, la production de vodka notamment, confrontée à une concurrence externe, mais aussi une diminution de la consommation en Russie.  

Quentin Vercruysse

Print Friendly, PDF & Email

6 thoughts on “Vers une super puissance agricole Russe ?

  • pour moi la russie reste le pays le plus indépendant au monde et un pays dont on doit suivre l’exemple. tous contre un tel est le slogant rancunié et moribon des usa et leur partenair européen pour empecher la russie d’etre ce qu’elle doit etre. je dirais bravo la RUSSIE et pitié pour l’ensemble de l’union européenne qui doit se faire dicter tout trainer par le bout du nez par l’oncle sam.

    Répondre
  • Merci Nicolas J. pour ces informations et le dégonflage de la propagande poutinienne sur l’agriculture russe. On a mal au coeur devant le résultat des masters du MGIMO et la nullité absolue des scribes du softpower dans leurs supposés “commentaires”.

    Répondre
  • Cet article ne comporte pas de référence au rôle joué par la Chine dans le développement de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russe dans les domaines agricole et énergétique. C’est bien dommage, du fait de l’importance croissante prise par les entreprises chinoises à l’Este de l’Oural dans l’exploitation des ressources naturelles, notamment dans l’industrie du bois. qui nourrit des exportations croissantes vers les mégapole chinoises. Lors du dernier sommet des investisseurs à St Pétersbourg, Poutine a rappelé son intention de confier à la Chine le plan de développement de la Sibérie que “Nouvelle Russie” n’est pas arrivée à mettre en oeuvre. Les deux administrations préparent activement la transplantation de millions de Chinois en Russie de l’Est.

    Инициатива позволяет крупным компаниям, в том числе иностранным, которые намерены инвестировать в развитие Сибири, привлекать к работе трудовых мигрантов без всяких квот и разрешений Миграционной службы РФ. Согласно документу мигранты фактически не подлежат какому-либо контролю и учету со стороны властей РФ. Это может означать, что лет через 5-7 где-нибудь в Забайкалье, могут повырастать китайские города-миллионники. Примечательно, что законодательная инициатива вносится через две недели после того, как Китайская государственная компания CNPC отказалась выделять России аванс на строительство газопровода “Сила Сибири”. Судя по всему в Кремле правильно поняли «намек» (кстати, Роснефть уже заложила китайцам всю нефть, которую компания Игоря Сечина собирается добыть в Восточной Сибири, в том числе и существующие пока лишь на бумаге запасы в недоразведанных месторождениях).
    https://www.youtube.com/watch?v=FkdZGWn0j7Q

    Répondre
    • Vraiment impeu de sérieux je dois remarqué que tu t’egare dans ton analyse
      A cause de ta demence intellectuelle du à ta jalousie vis à vis d’un pays qui ne cesse de se relever et d’avancer vers son auto-suffisance. Franchement tu fais pitié à deblayer des inepties que seul un homme rancunier et désespéré ou un Agent pourrait proférer.

      Répondre
  • Votre vision des choses est orientée par la propagande d’Etat, non par la réalité du terrain, telle qu’elle est vécue par les agriculteurs russes. Vous prétendez informer le public français, alors que vous misez sur son ignorance et la barrière linguistique pour faire passer des idées fausses parce que partielles. En effet si développement d’une certaine agriculture russe il y a eu, du fait de la réponse économique aux sanctions contre la Russie, encore faut-il préciser de quelle agriculture il s’agit et dans quelles conditions s’est réalisé ce développement. En effet il faut distinguer entre les grandes exploitations dirigées par des sociétés anonymes, des partenariat public privé en quelque sorte, et les petites et moyennes exploitations qui essaient de survivre tant bien que mal sans l’aide de l’Etat.

    Les mêmes dysfonctionnements de marché se retrouvent dans les produits agricoles que dans les matières premières contrôlées par un petit groupes de fonctionnaires qui veillent au grain. C’est l’Etat qui fixe le prix de vente des producteurs, comme c’est l’Etat qui récupère la différence avec le prix aux consommateurs. Idem dans le BTP, où le prix de commande des grands travaux ne correspond pas au prix réel, d’où une perte importante pour le budget de l’Etat au profit d’un cercle restreint de hauts fonctionnaires qui alimentent la corruption. Résultat, la production de céréales c’est considérablement développé sur des grandes exploitations subventionnées par l’Etat qui nourrit le monde entier avec le blé russe. Mais les paysans qui ne peuvent compter sur les aides publiques disparaissent les uns après les autres, car ils sont obligés de subir la loin du marché faussée par l’intervention de l’Etat qui encadre les prix mais sans dispositif compensatoire pour permettre aux petites et moyennes exploitations de perdurer.

    Si les céréales se portent bien, il en va tout autrement du bétail et des produits laitiers qui coûtent trop cher à produire pour les producteurs qui s’adressent aux consommateurs russes. La baisse du pouvoir d’achat vient porter le coup de grâce à des paysans qui pourraient produire de la qualité si les prix à la consommation étaient tirés vers le haut. Mais c’est le contraire qui se produit, du fait aussi de l’approche global de l’économie russe qui privilégie les échanges de gros entre Etats, plutôt que de nourrir correctement sa population avec des produits russes vendus suffisamment chers pour être rentables. Ainsi le Russie vend des S-35 à l’Indonésie contre la fourniture d’huile de palme qui vient remplacer les graisses animales produites en Russie dans la production de produits laitiers.

    Il n’est pas besoin de pousser très loin l’analyse pour se rendre compte à quel point vous fausser la réalité en gommant tout ce qui pourrait nuire à l’image de marque du système mis en place par Poutine et ses alliés.

    Сейчас близкие к власти СМИ трубят об очередной «победе» — рекордном экспорте зерна из России. Но «забывают» сказать, что рост производства зерна непосредственно связан с деградацией российского животноводства. В сравнении с концом советской эпохи производство говядины сегодня меньше в 3 раза, производство шерсти — в 4 раза. Молока производится на 25 млн. тонн меньше, чем в РСФСР в 1990 году. Производство молока у нас сейчас примерно как в 1957-м! То есть, по этому показателю мы отброшены на 60 лет назад. А если взять производство молока в расчете на жителя страны, то мы сейчас вообще на уровне послевоенного 1948 года. Отмечу: это все не какие-то домыслы коммунистов, а официальные данные Росстата. При такой катастрофе с молочной отраслью меня не удивляют признания Россельхознадзора о том, что у нас большая часть сыра — фальсификат, который вообще-то и сыром называть нельзя. Павел Грудинин, который блестяще знает состояние отрасли, как-то сказал: «За вычетом фальсификата продуктов в наших магазинах практически нет».

    http://svpressa.ru/economy/article/194200/?cba=1

    Répondre
    • Doit-on vous rappeler que la propagande des medias occidentaux parlaient en 2014 d’un risque de penurie alimentaire en Russie ? vous l’avez deja oublie ?

      Ainsi que d’une banqueroute financiere de l’Etat Russe dans les 2 annees a venir : on est en 2018 on attend toujours.

      En 2015 ils promettaient aussi une guerre de Syrie qu’allait etre l’Afghanistan de la Russie. La encore tout faux…

      Les medias occidentaux ne decrivent plus le monde tel qu’il est, mais tel qu’ils VOUDRAIENT qu’il soit.

      C’est la definition meme de la propagande.

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.