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Juin 1940 – mai 1945, Charles de Gaulle et la France dans la guerre

La France vient de subir la défaite la plus humiliante de son histoire, capitulant en quelques semaines devant l’armée allemande, après avoir cru à une paix impossible. Mais les grandes tragédies révèlent les grands hommes…

18 juin 1940 : « Ici Londres… »

De l’été 1940 à l’été 1944, la résistance sur le territoire de la France occupée a été avant tout une lutte politique clandestine. Les tout premiers réseaux français de résistance s’organisent en zone sud quelques semaines après l’armistice. Ainsi, Henri Fresnay, un officier démobilisé, fonde Combat à Lyon en août 1940. La plupart de ces mouvements sont liés aux services de renseignement britanniques ou plus tard à ceux de la France combattante du Général de Gaulle. Il est le premier, à la radio de Londres, le 18 juin 1940 à refuser la défaite et surtout l’armistice qui se prépare dans un appel à tous les Français. Ce général inconnu considère la bataille qui vient de s’achever en France comme l’épisode malheureux d’un conflit beaucoup plus vaste appelé à s’étendre au monde entier.

En 1940, de Gaulle « and his gallant band », comme le désigne le premier ministre britannique Winston Churchill, dans un discours à la chambre des communes est seul ou presque… Le 25 juin, cependant, 124 marins de l’Ile de Sein rallient à la voile les côtes d’Angleterre sur de petites embarcations de pêche et débarquent à Falmouth en Cornouaille. Depuis le 18 juin, ils ont entendu sur les ondes, au-delà de la mer d’Iroise, la voix d’un officier français qui appelait à l’aide et ils ont pris le large. À Londres, lors de la revue du 14 juillet 1940, cette poignée de marins formaient le quart des forces françaises libres aux côtés des éléments ralliés du corps expéditionnaire de Narvik de la 13ème DBLE.

Pendant la première année d’occupation, jusqu’au 22 juin 1941, l’Angleterre résiste seule aux forces de l’axe qui tiennent solidement le continent. L’URSS assure exactement ses livraisons de blé et de pétrole à l’Allemagne, les États-Unis entretiennent des relations diplomatiques avec le régime de Vichy et se cantonnent encore dans une neutralité bienveillance vis-à-vis de la Grande Bretagne. Le parti communiste et son chef Maurice Thorez qui s’est enfuit en Union soviétique dès 1939 ne donnent aucune consigne de lutte contre l’occupant. L’Humanité échappe à la censure allemande et continue de paraître en zone occupée. Dans ces conditions les résistants sont rares en France métropolitaine et l’immense majorité des français assommés par la défaite de juin 1940 est dans l’attentisme et s’en remet au gouvernement du Maréchal Pétain, héros prestigieux de l’autre guerre.


Le général de Gaulle à Londres passe en revue les premiers éléments de la France Libre.

Pourtant, le 11 novembre 1940 à Paris, des étudiants patriotes entonnent la Marseillaise et bravent les forces d’occupations pour venir fleurir la tombe du soldat inconnu sous l’arc de Triomphe. Ils vont jusqu’à décrocher les drapeaux à croix Gammée sur les avenues qui convergent vers la place de l’Etoile. Ces premiers résistants paieront de leur vie leur acte de bravoure. Au fils des mois les restrictions s’aggravent et la politique de Vichy s’engage inexorablement sur la pente de la collaboration.

Dans les villes, les français sont essentiellement accaparés par les difficultés d’approvisionnement de la vie quotidienne. Pour se tenir informé de la guerre qui continue sans eux, ils écoutent en secret la nuit les bulletins d’informations et les messages personnels de la BBC. « Radio Paris ment, radio Paris est allemand ! » fredonne-t-on alors. En zone occupée, les plus imaginatifs franchissent clandestinement la ligne de démarcation pour parvenir en zone libre puis, via les Pyrénées et l’Espagne, gagner l’Angleterre pour servir dans une des unités combattantes de la France Libre. D’autres vont chercher l’aventure et le salut au grand soleil de la Méditerranée. À Marseille, ils embarquent pour Oran vers l’Algérie et le Maroc. Dans l’Empire intact, des cadres loyaux au gouvernement de Vichy défient l’armistice sous le manteau et commencent à forger à partir « des tronçons de notre épée » – selon l’expression du Général Juin – la future armée d’Afrique qui s’illustrera en 1942 et 1943 aux côtés des alliés en Tunisie et en Italie avant de débarquer en Provence en août 1944 pour participer à la Libération de la France sous le commandement du Général de Lattre de Tassigny

22 juin 1941 « Barbarossa » : les communistes entrent dans le combat

 Au cours de l’année 1941, le conflit devient mondial avec l’entrée en guerre de l’Union soviétique le 22 juin et celle des États-Unis le 7 décembre. Le parti communiste français qui obéit aux ordres de Moscou entre enfin dans la résistance où il va jouer un rôle de premier plan tout en poursuivant ses propres objectifs politiques. Les communistes ont des méthodes radicales. Ils apportent leurs réseaux et l’habitude de la clandestinité. Dans la France occupée, pendant l’été 1941, ils n’hésitent pas à abattre des officiers allemands en pleine rue à Nantes et à Bordeaux ou à Paris, métro Barbès. Ces attentats terroristes dont l’impact militaire contre la Wehrmacht est nul enclenchent le processus sauvage de la répression. S’ils ignorent le plus souvent la pitié, les militants communistes savent aussi mourir courageusement, comme le petit Guy Mocquet – 17 ans – fusillé le 22 octobre 1941 par les allemands à Châteaubriant avec cinquante autres otages en représailles à l’assassinat du Colonel Hotz à Nantes. Contre les fonctionnaires de Vichy, ils mènent avant tout une lutte révolutionnaire pour prendre la tête de la résistance et imposer leur dictature en France à la libération. Pour cela, ils sont en compétition avec les réseaux du général de Gaulle. Celui-ci dépêche de Londres Jean Moulin, le 1er janvier 1942,avec pour mission de réaliser sous son égide l’unité des mouvements de résistance.

Novembre 1942, c’est le tournant de la guerre ! Les forces de l’Axe connaissent leurs premiers revers décisifs en Russie à Stalingrad et en Afrique du nord. Après le débarquement allié au Maroc et en Algérie, l’Angleterre remet progressivement la conduite de la guerre aux États-Unis. Le Général de Gaulle prend alors congé de Churchill et transporte le siège de la France libre de Londres à Alger. En métropole, le mouvement de la résistance prend de l’ampleur, la répression aussi. Dans une France désormais entièrement occupée, le régime de Vichy discrédité s’enfonce dans une collaboration sans issue. Alors que le Conseil National de la Résistance (CNR) unifie les principaux mouvements qui reconnaissent enfin pour chef le général de Gaulle, Jean Moulin est dénoncé, pris, torturé et tué par la Gestapo à Lyon en juillet 1943. Les réfractaires au Service du travail obligatoire en Allemagne (STO) viennent gonfler les effectifs des maquis de Bretagne, du Limousin et des grands massifs alpins du Vercors et des Glières où la milice les traque impitoyablement. Depuis le tournant de novembre 1942, le rôle politique du Maréchal Pétain – 87 ans ! – passe au second plan, toutefois il bénéficie toujours du respect d’une grande partie des Français. En mai 1944, un mois avant le débarquement, lors de sa visite dans Paris occupé, il rassemble encore des dizaines de milliers de personnes qui l’acclament devant l’Hôtel de ville.

6 juin 1944 : libération et ferments de guerre civile

Paris, 25 août 1944 : de Gaulle et le Général Leclerc saluent les hommes de la 2ème DB, derrière, le capitaine Claude Guy et le général Juin…

1944 est l’année de la Libération qui commence le 6 juin avec le débarquement des anglo-saxons sur les plages de Normandie. Le général américain Eisenhower commandant en chef des armées alliées à l’ouest a reconnu la valeur militaire des maquis de la résistance française qui harcèlent alors les troupes allemandes et désorganisent le réseau ferré pendant la bataille du rail. Le prix à payer là encore est lourd pour les civils. Le 10 juin 1944, la division Waffen SS « Das Reich » en route vers le front de Normandie est accrochée dans le Limousin par des partisans communistes. Les soldats d’Hitler se vengent. 90 civils sont pendus à Tulle et le lendemain la population entière d’Oradour sur Glane périt dans l’Église du village.

En ces journées dramatiques pourtant, l’action de la résistance permet au Général de Gaulle de s’imposer comme chef du gouvernement provisoire de la République française et surtout d’écarter l’AMGOT (Allied military government in occupied territory), un gouvernement militaire allié que le Président Roosevelt s’apprêtait à installer en France, considérée comme un territoire occupé par l’armée américaine.

Le 25 août enfin – jour de la Saint Louis – au moment où les troupes soviétiques investissaient les ruines fumantes de Varsovie, Paris insurgé est libéré par les hommes de la 2ème DB du Général Leclerc qui a reçu la consigne de prendre de vitesse les communistes dans la capitale.

 Le général de Gaulle descend triomphalement les Champs-Élysées puis en signe d’action de grâce, il entre dans la cathédrale Notre Dame de Paris alors qu’une fusillade éclate sur le parvis. La libération est un immense moment de liesse nationale derrière lequel se profile néanmoins le spectre de la guerre civile. Les alliés ont en effet généreusement parachuté sur la France des tonnes d’armes individuelles et de munitions. Francs-tireurs partisans (FTP) et forces françaises de l’Intérieur (FFI) paradent à tous les carrefours… Il sort des révolvers et des pistolets mitrailleurs de toutes les manches ! Deux millions de personnes sont dans la rue, c’est le plus grand rassemblement populaire de l’Histoire de France. Malgré la joie, les conséquences de la terrible défaite de 1940 ne s’effacent pas du jour au lendemain. Après le temps de l’occupation vient celui de l’épuration avec son cortège de règlements de comptes sordides, de femmes humiliées publiquement et d’exécutions sommaires. Sur les quais des gares de l’Est et du nord au début de l’été 1945, les premiers déportés rentrent des camps d’Allemagne murés dans leur silence.

En attendant l’armée française réorganisée incorpore dans ses rangs des maquisards qui veulent en découdre et s’apprête à tenir son rang au côté des alliés dans l’assaut final contre le Reich. Fin décembre 1944, les pilotes français du groupe de chasse Normandie sont sur le Niémen aux côtés de leurs compagnons d’armes soviétiques pour l’offensive imminente contre la Prusse orientale. Cette unité française est la seule force occidentale à se battre sur le front russe côté soviétique. Le Général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République, se rend donc à Moscou près de Staline en s’appuyant sur la force de ce symbole pour obtenir le désarmement et la neutralisation des communistes français.

8 Mai 1945 : «la France présente à la Victoire » 

 La résistance en France a été une guerre de l’ombre pour libérer le pays de ses occupants et pour restaurer l’honneur de la République emportée dans le naufrage de la défaite et de la collaboration. Pour reprendre le verbe épique d’un grand barde de la légende gaulliste André Malraux, elle fut à son origine « un désordre de courage ». Peu à peu cependant, elle a contribué à rendre « la France présente à la victoire » aux côtés des alliés britannique, américain et soviétique les 8 et 9 mai 1945, conformément au but que s’était fixé le Général de Gaulle à Londres le 18 juin 1940.

Mais ce tour de force ne doit pas faire illusion ni cacher que la résistance fut aussi une lutte fratricide effroyable qui jeta des français les uns contre les autres. Les engagements des uns et des autres contractés pendant cette période terrible ont marqué jusqu’à la fin du XXème siècle les clivages de la vie politique française. En effet, cette extraordinaire présence de la France à la victoire en mai 1945 n’efface pas d’un coup les conséquences amères du désastre de mai-juin 1940…

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Jean de Joinville

7 thoughts on “Juin 1940 – mai 1945, Charles de Gaulle et la France dans la guerre

  • Personne ne demande rien au general que vous dites; personne ne dpoit rien au general que vous dites

    “16 juin 17 h – situation encore agravee -necessite absolue de prendre une decision”.
    Une decision a ete prise en conseil des ministres; cette decision a ete ratifiee par la representation nationale et plebiscitee par la population. Cette decision a permis de mettre fin a une boucherie qui a cause 60 000 morts en 45 jours; elle a interdit a l’ennemi l’invasion de l’Afrique. Or c’est en Afrique que l’armee est revenue dans les operations (general Barre, 19 novembre 1942, sur la dorsale tunisienne).

    Tout le reste n’est que paranoia,

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    • ce qui a interdit à l’ennemi l’invasion de l’Afrique c’est la mer (de même que la mer a protégé l’Angleterre). Et précisément, le retour de l’armée depuis l’empire était la doctrine de de Gaulle, alors que les dirigeants vichystes ont tout fait pour l’empêcher, y compris en faisant tirer sur des combattants français, et en refusant à appeler à reprendre le combat après les débarquements du 6 juin et du 15 août… en vérité, les collabos ont collaboré jusqu’au bout, et ils ont espéré installer leur état socialo-corporatiste sur les ruines de la défaite et de la trahison (on n’édifie rien sur la défaite). Si les Français ont accepté dans un premier temps la défaite, c’est parce-que leurs chefs (Pétain, Weygand, Blum, Laval, etc.) les avaient trahis, et privé d’armement et de doctrine militaire modernes, et qu’il est très difficile de se battre quand vos chefs ne vous commandent pas et qu’ils emploient des doctrines militaires passéistes. Très rapidement cependant, l’opinion s’est retournée, car les Français ont compris que le régime de Vichy c’était la servitude à l’étranger, l’anihilation de notre civilisation helleno-chrétienne traditionnelle (au profit du socialo-paganisme fasciste), la livraison à leurs assassins de nos concitoyens et hôtes israélites (ce qui est forfaire à l’honneur), la déportation de nos jeunes au travail en Allemagne, le pillage de l’économie du pays, la répression et la traque des patriotes et des récalcitrants au travail obligatoire… bref, la prostitution de la France… oui, la liberté a un prix, le prix du sang (de Gaulle le répète sans cesse et ne s’en cache pas), et le sang national est rare, précieux et sacré et ne doit donc être engagé qu’avec la plus grande responsabilité par des chefs dignes de ce nom.

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  • Un oubli toutefois, l’appel à résister du député communiste Charles Tillon à Bordeaux le 17 Juin 1940 par un tract.
    Charles Tillon sera nommé par De Gaulle Ministre de l’Air du Gouvernement provisoire de la République française en 1944, puis ministre de l’armement du Gouvernement provisoire de la République française à partir du 21 Septembre 1945.

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    • oui, mais on n’oublie pas la désertion de Thorez (de Gaulle pensait qu’il méritait le poteau), le volontariat de Marchais pour aller travailler en Allemagne, ou la demande de “L’Humanité” de reparaître auprès d’Otto Abetz à l’été 1940. Etc… Plus généralement, l’apologie de l’idéologie socialo-communiste en France, en dénégation totale des horreurs qu’elle a engendré dans le monde (80 millions de morts) et de l’échec lamentable de sa doctrine, pose problème… La raison en est que la bourgeoisie française, social-démocrate, est liée au socialo-communiste dont elle continue de nier les crimes et de célébrer la geste (jusque dans le wokisme actuel). La célébration de Manouchian et du communisme par Macron illustre cela. Manouchian n’est pas un héros national recevable (et qu’on ne me parle pas de bravoure, car de la bravoure il y en a dans tous les camps… ce qui compte, pour une célébration nationale, c’est aussi la clairvoyance de l’engagement).

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  • très belle analyse gaullienne, qui tranche avec le crypto-vichysme qui fait des ravages jusque dans le camp soi-disant nationaliste… De Gaulle, c’est la France classique (libérale et conservatrice) loin de tous les socialismes de gauche ou de droite… Tout patriote français devrait lire (et méditer !) ses “Mémoires”, qui, bien plus que de simples souvenirs, sont un véritable chef-d’oeuvre de pensée politique à l’usage de toutes les époques. D’ailleurs, de Gaulle était parfaitement conscience des fractures profondes qui divisent la société française (socialo-communisme, européisme supranational, vichysme invétéré, question royale restée en suspens, bouleversements de l’économie moderne, etc.) que vous évoquez à juste titre. Il écrit comme il avait conscience que ces fractures traversaient les générations, et minaient le corps social français. C’est aussi pourquoi il s’est attaché à les résorber autant que faire se peut, et à montrer à tous un horizon vers lequel se réunir. Merci à vous !

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  • Déjà, les américains avaient prévu d’occupé la France après les allemands …

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