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Les États-Unis et la France : Une valse d’influence et de méfiance ?

Dans les coulisses feutrées de la diplomatie internationale, les relations entre les États-Unis et la France ont souvent ressemblé à une valse hésitante, oscillant entre alliance stratégique et rivalité larvée. De la Seconde Guerre mondiale à nos jours, cette danse complexe révèle une constante : la volonté américaine de maintenir son influence sur le Vieux Continent.

1- Le soutien de Wall Street au régime nazi

Dans les années 1930, alors que l’Europe sombrait dans les ténèbres du fascisme, une alliance troublante se nouait entre certains milieux d’affaires américains et le régime nazi. Cette collusion, longtemps occultée, jette une lumière crue sur les motivations réelles de certains acteurs de Wall Street.

Des géants de l’industrie américaine, tels que Ford, General Motors et IBM, poursuivirent leurs activités en Allemagne nazie, fermant les yeux sur la nature du régime au nom du profit. Plus troublant encore, des banques comme Chase National Bank auraient aidé le régime nazi à obtenir des devises étrangères, facilitant ainsi son effort de guerre.

La Bank for International Settlements (BIS), soutenue par des banquiers américains, joua un rôle crucial dans le financement de l’effort de guerre nazi. Parmi ses directeurs figuraient des personnalités aussi sulfureuses que Harman Schmitz d’IG Farben et le baron Kurt von Schröder, principal financier de la Gestapo.

Cette collaboration ne se limitait pas au domaine financier. Le géant pétrolier du New Jersey continua à fournir du pétrole au régime nazi pendant la guerre, utilisant l’Espagne fasciste comme intermédiaire. Ces révélations soulèvent des questions troublantes sur la complicité de certains milieux d’affaires américains dans la montée du nazisme et la perpétuation de ses crimes.

2- L’ombre de la guerre : Entre Vichy et de Gaulle

Lorsque Paris tombe aux mains des nazis en juin 1940, Washington se trouve face à un dilemme cornélien. Faut-il soutenir le régime collaborationniste de Vichy ou le général de Gaulle, chef de la France libre  ? Le président Roosevelt, méfiant envers ce général qu’il qualifie « d’apprenti dictateur », choisit la voie de la realpolitik. L’administration américaine s’accroche à l’espoir illusoire de pouvoir influencer Vichy, allant jusqu’à envoyer l’amiral Leahy comme ambassadeur auprès du maréchal Pétain.

Cette politique du « tout sauf de Gaulle » se poursuit même lorsque la collaboration de Vichy avec l’Allemagne nazie devient flagrante. Les États-Unis persistent dans leur aveuglement, ignorant les appels de personnalités comme le général Marshall ou le journaliste Walter Lippmann qui dénoncent l’absurdité de cette position.

3- Le plan Marshall : Générosité calculée

Au sortir de la guerre, l’Europe exsangue offre aux États-Unis l’opportunité de consolider leur statut de superpuissance. Le plan Marshall, présenté comme un geste altruiste de reconstruction, cache des motivations plus pragmatiques. Il s’agit de créer des débouchés pour les produits américains, de contrer l’influence soviétique et d’ancrer solidement les pays européens dans l’orbite de Washington.

Cette aide massive transforme profondément le paysage économique et politique du continent. Elle cimente la dépendance européenne envers les États-Unis et pose les fondations de l’ordre international d’après-guerre, dominé par l’Amérique.

4- L’OTAN : Le bras armé de l’influence américaine

La création de l’OTAN en 1949 s’inscrit dans la même logique. Sous couvert de protection contre la menace soviétique, l’alliance permet aux États-Unis de maintenir une présence militaire permanente en Europe. L’élargissement progressif de l’OTAN après la chute du mur de Berlin, malgré les promesses faites à Gorbatchev, illustre la volonté américaine d’étendre son influence jusqu’aux frontières de la Russie.

5- De Gaulle : L’épine dans le pied américain

Dans ce grand jeu d’influence, le général de Gaulle apparaît comme l’empêcheur de tourner en rond. Sa vision d’une France indépendante et d’une Europe « européenne » heurte de plein fouet les intérêts américains. Lorsqu’il décide en 1966 de retirer la France du commandement intégré de l’OTAN et demande le départ des troupes américaines, c’est un véritable séisme diplomatique.

Les États-Unis, qui avaient déjà tenté de marginaliser de Gaulle pendant la guerre, voient d’un très mauvais œil cette affirmation d’indépendance. Des rumeurs persistantes évoquent même un soutien américain aux événements de mai 68, dans l’espoir de déstabiliser le pouvoir gaulliste.

6- La déstabilisation de la politique française

L’influence américaine ne se limite pas au domaine militaire ou économique. Elle s’immisce jusque dans les arcanes de la politique intérieure française, tissant une toile d’influence aussi subtile qu’efficace.

Conseil de lecture: L’Ami américain d’Eric Branca

Des documents diplomatiques révélés par Wikileaks ont mis en lumière l’intérêt particulier de l’ambassade américaine pour le développement de leaders issus de l’immigration dans les banlieues françaises. Cette stratégie à long terme vise à façonner une nouvelle génération de décideurs potentiellement plus favorables aux intérêts américains.

Parallèlement, des fondations américaines comme l’Open Society Foundations ont financé diverses organisations de la société civile française, notamment dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Si ces actions peuvent paraître louables de prime abord, elles soulèvent des questions sur l’influence étrangère dans le débat public français.

Mais c’est peut-être dans les couloirs feutrés du pouvoir que l’influence américaine se fait la plus insidieuse. Le général de Gaulle lui-même avait dénoncé les contacts étroits entretenus par certains élus et politiciens français avec l’ambassade américaine. Ces soupçons, longtemps balayés d’un revers de main, ont trouvé un écho troublant dans les révélations ultérieures.

L’ancien agent de la CIA Wells Stabler a ainsi déclaré dans une interview que des personnalités comme Guy Mollet, Antoine Pinay, Maurice Faure, Jean Lecanuet et François Mitterrand avaient reçu un soutien financier du gouvernement américain. Ces contacts privilégiés auraient permis aux États-Unis d’obtenir des informations de première main sur la politique intérieure française et d’influencer subtilement certaines décisions.

Plus troublant encore, la CIA aurait joué un rôle actif dans le financement et l’orientation de certains syndicats français, notamment Force ouvrière. L’objectif ? Contrer l’influence communiste dans le monde du travail et orienter le mouvement syndical dans un sens favorable aux intérêts américains.

Ces révélations jettent une lumière crue sur les mécanismes d’influence mis en place par Washington pour orienter la politique française dans un sens favorable à ses intérêts. Elles soulèvent des questions cruciales sur l’indépendance réelle de la France et la nature même de la démocratie dans un monde où les puissances étrangères n’hésitent pas à s’immiscer dans les affaires intérieures des nations souveraines.

Dans ce grand échiquier géopolitique, la France occupe une place à part. Alliée indispensable, mais parfois récalcitrante, elle incarne les contradictions d’une Europe tiraillée entre son désir d’autonomie et sa dépendance envers la protection américaine. L’histoire des relations franco-américaines nous rappelle que, dans le monde impitoyable de la diplomatie, les nations n’ont pas d’amis, seulement des intérêts.

7- En conclusion

L’histoire des relations franco-américaines nous rappelle plusieurs leçons cruciales pour la diplomatie internationale contemporaine :

     Premièrement, on n’est jamais mieux trahi que par ses amis apparents. Les alliances, aussi solides soient-elles, peuvent rapidement s’effriter face aux intérêts nationaux divergents. La France et les États-Unis en ont fait l’expérience à plusieurs reprises au cours de leur histoire commune.

     Deuxièmement, la confiance n’exclut pas le contrôle et la lucidité. Dans le monde de la diplomatie, il est essentiel de maintenir une vigilance constante, même envers ses alliés les plus proches. Les révélations sur l’ingérence américaine dans la politique française en sont un exemple frappant.

     Troisièmement, les plus grands leaders mondiaux actuels, tels que Vladimir Poutine, Donald Trump ou Xi Jinping, se considèrent comme des partenaires en grande compétition mondiale, jaloux de leur souveraineté et de leur domination. Cette vision des relations internationales façonne profondément la géopolitique contemporaine.

     Enfin, il est crucial d’éviter que des leaders de puissances intermédiaires ne se positionnent en vassaux des superpuissances, orientant leurs peuples et leurs pensées en se servant de la désinformation, du contrôle des médias, des institutions étatiques, de certains juges et de certains élus. L’indépendance nationale et la défense des intérêts du peuple doivent rester primordiales, au-delà des alliances et des jeux d’influence internationaux.

L’histoire nous enseigne que la vigilance et l’indépendance sont les meilleures garanties pour préserver les intérêts nationaux dans un monde en constante évolution. Il incombe aux citoyens et aux leaders de rester lucides face aux enjeux géopolitiques, afin d’éviter que les intérêts d’une nation ne soient sacrifiés sur l’autel des alliances internationales.

Jean-Pierre PALAZO

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