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Macron, Poutine, le G20 et Bolsonaro. Bien pensance et transition écologique contre souveraineté

Au lendemain de l’élection de Jair Bolsonaro fin octobre 2018, Emmanuel Macron lui adressait des félicitations d’une tiédeur déconcertante. Se posant en « progressiste » en lutte ouverte contre les « nationalistes », il déclarait demander au nouveau Président brésilien le « respect des valeurs démocratiques », un message déjà assez mal perçu à Brasilia. Il se rattrapait néanmoins en soulignant la relation privilégiée que nourrissent la France et le Brésil. A en croire le Trésor lui-même, il est vrai, le Brésil n’est certes que le 24ème client des exportations françaises, mais celles-ci sont qualitativement appréciables : il s’agit avant tout de biens à contenu de moyenne et haute technologie, autrement dit des biens à forte valeur ajoutée économique et stratégique (moyens de transports, matériels de défense, de détection et d’aérospatiale, matériels liés à la prospection pétrolière et au raffinage, etc.). Le Brésil est en outre le premier pays dit « émergent » en termes d’investissements direct français (la France est le 6ème investisseur au Brésil, juste derrière l’Allemagne, pour un montant quadruplé depuis 2014), ce qui souligne indubitablement l’intérêt qu’il peut susciter parmi les industriels et opérateurs économiques de notre pays.

A l’occasion du très récent G20, tenu pour la première fois dans un pays sud-américain, le Président Macron a une fois de plus tenu à se distinguer en adressant un message à Jair Bolsonaro, qui avait été convié à assister aux coulisses de la réunion par l’actuel Président brésilien Michel Temer au titre de la transition gouvernementale. Il a notamment affirmé vouloir s’opposer à un accord-cadre pourtant très attendu entre l’Union Européenne et le Mercosul en raison des intentions du futur gouvernement de Brasilia en matière environnementale. On se souvient que Jair Bolsonaro avait fait du maintien de son pays dans l’Accord de Paris une question de souveraineté des plus logiques : le contrôle absolu et exclusif de la région amazonienne brésilienne était l’une des pierres angulaires de son programme, et il est, bien au-delà de toutes considérations politiciennes, l’un des fondements de la doctrine militaire brésilienne, dont il se réclame très largement. L’exploitation de terres rares et minerais de cette région, en particulier, sont fréquemment considérés au Brésil comme la dernière pierre à l’édifice de l’indépendance du pays, déjà auto-suffisant dans de très nombreux domaines. La mise en place du système détection SISFRON (probablement le plus moderne du Monde) sur cette même zone et les frontières du pays, système qui sera totalement déployé par l’Armée de Terre en 2021, attise aussi de nombreuses convoitises, et notamment celles des États-Unis. Finalement, les articles alarmistes de la presse internationale et française concernant les pseudos risques de l’accélération du défrichement de l’Amazonie au profit des grands producteurs de soja et de viande bovine sont assez risibles : ce sont en réalité tous les gouvernements précédents, à commencer par celui de « Lula » da Silva, qui ont largement autorisé et incité la déforestation par des groupes multinationaux. La reprise en main des affaires environnementales par le Ministère de l’Agriculture de l’ingénieure agricole Tereza Cristina semblerait quant à elle, bien au contraire, un signe de volonté de maîtrise de ce type de dérives.

Plus inquiétant pour les entreprises françaises et leurs éventuelles ambitions brésiliennes, le Président Macron a cru juste de déclarer, toujours en marge du G20 et sur le sol sud-américain, qu’il ne souhaitait pas signer « des accords commerciaux de grande ampleur avec des puissances qui ne respecteraient pas les Accords de Paris ».

Jair Bolsonaro a souhaité répondre à cette déclaration de manière ferme et sans équivoque :

« Assujettir automatiquement nos territoires au contrôle, lois ou juridictions d’autres nations est hors de question. Il est légitime pour tous les pays du Monde de défendre leur souveraineté. Le Brésil est disposé à toujours dialoguer, mais nous défendrons les intérêts du Brésil et des brésiliens. »

Lors de la toute dernière conférence de la Chambre de Commerce du Brésil en France du 15 octobre 2018, à laquelle j’ai eu la chance d’assister, Frédéric Donnier, du groupe Crescendo Consulting, et Maxime Rabilloud, Président de la Chambre et du groupe Total Brésil, confirmaient en tous les cas bien volontiers le ressenti de nombreux expatriés français au Brésil : toute tentative de « leçons » de la part du gouvernement français sera très mal reçue, et risque de grandement compliquer la vie et l’implantation des entreprises françaises sur place. Ils jugent à l’inverse que la chaleureuse relation entre Jair Bolsonaro et le Ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini est susceptible de rapidement se transformer en de juteux contrats pour plusieurs groupes industriels italiens. De même, la multiplication des rencontres entre l’ambassade espagnole et l’équipe de transition de Bolsonaro pourrait favoriser des entreprises ibères déjà fort bien implantées.

Le comportement et les déclarations de Vladimir Poutine en marge du G20 de Buenos Aires contrastent très fortement avec celles d’Emmanuel Macron. Le Président Russe n’a en effet pas manqué l’occasion de sa conférence de presse pour signaler l’importance stratégique que son pays accorde tout autant à l’Argentine que surtout au Brésil. Bien qu’attentiste sur la question du changement d’administration brésilienne, Monsieur Poutine semble avoir en tous les cas compris que les partenaires du Brésil qui approcheront la nouvelle équipe gouvernementale dans une optique d’échange, de respect de souveraineté et de gains respectifs seront les bienvenus. Il confirme que Brésil et Argentine constituent des priorités de développement internationales pour la Russie, et que les rumeurs de vassalité inconditionnelle de Jair Bolsonaro vis à vis des États-Unis tiennent d’une certaine naïveté. Brasilia a du reste récemment repris l’importation de blé russe (suspendus depuis 8 ans), ce qui laisse augurer la multiplication d’échanges commerciaux au-delà d’une alliance stratégique déjà éprouvée.

SOURCES

 

Nicolas Dolo

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